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KEVIN BATOUAN, ARRANGEUR: « Mon père a pleuré le jour qu’il a appris que je suis devenu arrangeur »

Originaire de Danané dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, Kevin Batouan est né à Bouaké où il a passé sa petite enfance avant de se retrouver à Abidjan. Fils d’un instrumentiste, il a commencé en tant que technicien de studio auprès des grands arrangeurs ouest-africains comme Koudou Athanase et David Tayaurault avant de se retrouver au Burkina en 2009. Depuis lors, il y séjourne et a fait de nombreuses prouesses en tant qu’arrangeur de musique. A travers cette interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder au sein de son studio à Ouagadougou, il revient sur son parcours, nous donne la définition de l’arrangeur, parle de son quotidien, jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè, révèle les difficultés des studios au Burkina et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

 

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Kevin Batouan : Je vais très bien ici au Burkina. Tout se passe très bien pour moi. J’essaie de faire le maximum que je peux pour aider la culture du Burkina.

 

Pourquoi le choix du Burkina ?

 

Je n’ai pas vraiment choisi, on m’a fait appel. J’ai un ami ici qui voulait que je vienne travailler pour son studio, c’est comme ça que je suis arrivé ici.

 

Et vous vous plaisez au Burkina ?

 

Oui, si je suis là depuis 2009, c’est que je m’y plais. Ici aussi j’apprends, c’est une autre culture. J’ai découvert ici d’autres styles de musique comme le binon, le warba, etc. Ça fait un plus.

 

Est-ce le fait d’être fils d’un instrumentiste qui a guidé votre choix pour les arrangements ?

 

Non, je ne pense pas. Je n’ai pas vraiment vécu avec mon père, je n’ai pas reçu de formation de lui. Peut-être que j’avais ça quelque part dans le sang. Le jour qu’il a appris que je suis devenu arrangeur, on m’a dit qu’il a pleuré.

 

Au juste, qu’est-ce qu’un arrangeur ?

 

C’est l’orchestrateur, c’est celui qui compose toute la musique qui accompagne le chant de l’artiste.

 

Avant de vous retrouver au Burkina, avec quels arrangeurs avez-vous commencé votre carrière ?

 

Il y a Koudou Athanase, Kakou Honoré et David Tayaurault. Et c’est de chez David que je suis arrivé ici au Burkina.

 

Quels sont les artistes que vous avez arrangés ici et qui ont connu du succès ?

 

Ils sont nombreux, je vais citer par exemple Kindiss, le regretté Dj Tyfi’s, Bonsa… Ça, c’était autrefois. Actuellement, il y a Pamika, Mister Melo et bien d’autres.

 

Qu’avez-vous à dire aux plus jeunes qui veulent vous emboîter le pas ?

 

Je vais leur dire tout simplement d’être persévérant parce que c’est plusieurs métiers à la fois. Il faut qu’ils prennent le temps d’apprendre. Avec la tendance, beaucoup de jeunes se lèvent et se disent arrangeurs ou chanteurs ; même pour chanter, il faut apprendre.

 

Quels sont vos rapports avec les autres arrangeurs ?

 

Tout se passe bien. Quand l’un a besoin de l’autre, on s’appelle.

 

Quelle appréciation faites-vous de la musique burkinabè ?

 

Elle a énormément évolué. Il y a une différence entre 2009 quand je suis arrivé au pays et  aujourd’hui. Ce qui me plaît ici, c’est que quelle que soit la tendance, les artistes burkinabè créent, on retrouve toujours un fond traditionnel dans leurs oeuvres. C’est ça la vraie musique.  La musique traditionnelle peut voyager et on peut même l’écouter 20 ans après. Le problème de la musique burkinabè, c’est l’équipement en studio qu’il faut améliorer.

 

Est-ce là la difficulté majeure d’un arrangeur au Burkina ?

 

Non, pas forcément. Ici, chacun pense qu’il est le meilleur et n’a pas besoin d’apprendre. Moi, quand j’arrange un artiste, c’est moitié-moitié, tu envoies tes idées, et moi, j’apporte les miennes. Par contre, il y a des arrangeurs qui ne supportent pas cela, ils veulent toujours tout imposer à l’artiste. C’est l’arrangeur qui suit l’artiste et non le contraire, c’est ce que moi, j’ai appris auprès de David Tayaurault et autres. Voilà pourquoi il y a des arrangeurs, quand on écoute leur travail, on a l’impression que c’est la même musique pour tous les artistes qui passent dans leur studio.

 

Quels sont vos projets ?

Il me faut un très grand studio comme on en trouve en France. C’est ce que je veux ici. Ce qui permettra à des arrangeurs de tout pays, quand ils arrivent ici au Burkina, qu’ils puissent travailler sur place et se sentir comme chez eux. Moi, je ne travaille pas pour le Burkina seulement, quand on fait une musique, il faut qu’elle puisse être écoutée à travers le monde. Les gens disent que les musiques ivoiriennes sont lourdes comparativement aux musiques faites ici au Burkina ; moi, je sais où se trouve le problème, c’est l’équipement.

 

Quel est votre quotidien ?

 

Je passe pratiquement tout mon temps en studio. Je ne sors pratiquement pas. Souvent, le week-end, je sors voir un ami qui est Chevalier Am’s. Le dimanche, après l’église, je suis à la maison.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Je suis célibataire mais je travaille pour changer cette situation. (Eclats de rire) …

 

Vivez-vous de votre métier ?

Oui, je ne vis que de ça. C’est ma principale source de revenus.

 

Que ferez-vous si un de vos enfants décide de suivre vos pas ?

 

Il n’aura même pas besoin de me demander mon avis.  Quand j’aurai un fils, à partir de quatre ans, je vais lui apprendre à jouer au piano, je vais former mes enfants aux instruments de musique.

 

Qu’avez-vous à dire à nos lecteurs pour conclure ?

 

Je leur demande de continuer à lire Evasion comme moi. Je vous dis merci pour cette marque de considération. L’information est très importante.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

 

 

 

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