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SIMON WINSE, artiste- musicien et multi-instrumentiste: « J’ai l’impression qu’on a honte de notre tradition »

Artiste-musicien et multi-instrumentiste, Simon Winsé est originaire de la localité de Lankoué dans le Sourou dans la région de la Boucle du Mouhoun. L’arc à bouche, la flûte, la kora et le n’goni sont ses instruments de prédilection. Basé en France depuis 2011, il est l’auteur d’un album de onze titres. Présent à Ouagadougou à la faveur du festival Jazz à Ouaga, nous avons rencontré ce fils de griot et flûtiste. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, l’artiste revient sur son parcours, ses collaborations avec des figures emblématiques de la musique à l’échelle internationale, parle de ses projets, jette un regard critique sur les productions des artistes locaux, relate son quotidien en Europe et lève le voile sur sa situation matrimoniale.

 

Evasion : Que devient Simon Winsé ?

 

Simon Winsé : Je suis-là, je vais bien et je poursuis ma carrière en tant qu’instrumentiste à travers le monde et également en tant que chanteur. Je suis là comme invité du festival Jazz à Ouaga.

 

Est-ce votre père qui était un flûtiste et griot qui a influencé votre choix pour la carrière musicale ?

 

Oui, je peux dire que mon histoire vient de mon père. Il était un flûtiste des masques. Quand j’étais petit, j’étais toujours à ses côtés.

 

Pourquoi avez-vous quitté le village en 2000 pour Ouagadougou ?

 

Tim Winsé est mon grand-frère et il accompagnait déjà la compagnie Salia Ni Seydou. Il m’a demandé de venir garder la maison et de fil en aiguille, les gens m’ont découvert à ses côtés.

 

Quelles expériences tirez-vous des rencontres avec des sommités de la musique comme Rido Bayonne ?

 

J’ai rencontré cette grande figure de la musique grâce à mon grand-frère Tim Winsé et le batteur Feu Ablo Zon. C’était lors de nos tournées européennes. Ce sont de belles expériences qui ont enrichi ma carrière.

 

Et pourquoi avez-vous quitté votre pays pour débarquer en France en 2011 ?

 

L’amour peut nous envoyer partout, c’est à la suite de ma rencontre avec l’élue de mon cœur que je me suis installé à Paris, mais je suis régulièrement au Burkina pour me ressourcer.

 

Vivez-vous de la musique en Europe ?

 

Je peux dire que j’ai la chance de vivre de la musique en Europe contrairement à certains artistes qui, lorsqu’ils se retrouvent en Occident, changent de métier pour survivre. Moi, j’accompagne plusieurs artistes africains et européens à de grands festivals à travers le monde. Récemment, j’ai fait la première partie de Manu Dibango.

 

Quel regard portez-vous sur la production de nos jeunes artistes ?

 

Je trouve qu’ils ne se débrouillent pas mal, mais il faut qu’ils retravaillent encore davantage en se basant sur les rythmes du terroir. Il y a Youssou N’dour qui représente très bien le Sénégal, Salif Keïta et Oumou Sangaré du côté du Mali. Alors, pourquoi pas nous aussi ? Si on veut faire la musique, il faut oublier l’argent ; la musique, ce n’est pas du commerce. La musique est un don qu’on partage avec le public. On veut ressembler aux autres et on perd notre identité.

 

Vous êtes à Ouaga sur invitation du festival Jazz à Ouaga, comment avez-vous vécu cette 26e édition ?

 

C’était très cool et je profite de l’occasion pour remercier le comité d’organisation pour l’invitation. Généralement, je suis là en tant qu’instrumentiste derrière des chanteurs et cette fois, je suis invité en tant que vedette.

 

Pouvez-vous nous parler de votre album « Dangada » qui est sorti le 26 février dernier en Europe ?

 

Dangada veut dire la joie en langue san. C’est la joie que l’on manifeste après un bon travail effectué. C’est pour dire aux paresseux de se mettre au travail. C’est une œuvre de onze titres, une fusion des rythmes du terroir, un album de voyage à découvrir absolument.

 

Quels sont vos projets ?

 

C’est de promouvoir les instruments traditionnels qui sont en voie de disparition. Quelqu’un qui est civilisé, c’est celui qui comprend sa langue, qui connaît sa culture. J’ai l’impression qu’on a honte de notre tradition et je trouve que c’est dommage. Je suis en train de construire une école de musique dans mon village où les jeunes ne jouent plus aux instruments traditionnels. Moi en Europe, je parle la langue san avec ma fille. Je n’ai rien à foutre si je ne parle pas bien le français.

 

Quel est votre quotidien en France ?

 

Je suis toujours dans la recherche musicale, je m’occupe de ma petite famille et je suis régulièrement en spectacle sur des tournées à travers toute l’Europe.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Vous allez faire et les filles mossé ne vont plus tourner autour de moi. (Eclats de rire …) Je suis père de deux enfants, j’ai un enfant au Burkina et j’ai une fille avec une Française à Paris.

 

Avez-vous des collaborations avec d’autres artistes burkinabè ?

 

Oui, il y a Alif Naaba, mon grand-frère Tim Winsé, Bil Aka Kora et bien d’autres.

 

Selon vous, que faut-il pour que nos artistes soient plus vus à l’international ?

 

Ici au Burkina, les artistes font la musique nationale. On confond tout, ils se basent plus sur les paroles, c’est beau les proverbes mais à l’international, les gens ne comprennent pas, alors qu’il faut le langage de la musique. Il faut se baser sur les rythmes du terroir avec un langage musical universel. Il incombe aussi aux médias et aux managers d’imposer nos artistes, sinon, c’est une honte. Je suis connu en Europe mais pas dans mon pays.

 

Quel est votre mot pour clore cette interview ?

 

Je demande aux fans de continuer de nous soutenir, ce sont eux notre force. Merci à vous.

 

Propos recueillis et transcris par Aboubakar Kéré KERSON

 

 

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