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EDOUARD NANA, SPECIALISTE EN GASTRONOMIE ET ACTEUR CULTUREL: « Le gouvernement doit accompagner les entrepreneurs culturels »

Né à Péhiri près de la localité de Kombissiri, Edouard Nana est un spécialiste de la gastronomie au Burkina Faso. Cet originaire du département de Bakata, où il a grandi, est un passionné de la culture. C’est le responsable des Espaces Nana. De son périple à Abidjan à la vente des téléphones portables pour aboutir à la spécialisation des mets locaux, tout n’a pas été aussi rose pour lui.

Très discret et loin des médias, il s’est néanmoins ouvert à nous à travers cette interview exclusive.

Il nous parle de son parcours, de sa passion, de ses projets, des difficultés rencontrées, jette un regard critique sur l’évolution de la gastronomie burkinabè, revient sur ses rapports avec les artistes musiciens, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

 

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Edouard Nana : Je vais bien.

 

Peut-on savoir votre parcours ?

 

C’est un parcours de combattant. Avant de me retrouver dans la gastronomie, j’étais un vendeur de téléphones tout en m’intéressant à la création des mets locaux. Ensuite, je me suis fait employé en 2015 dans un espace et j’ai créé un riz au soumbala à ma manière. Mais souvent, les gens n’aiment pas assez travailler dans la solidarité, et c’est ainsi que je suis allé implanter en octobre 2017 mon espace au quartier Boulmiougou à Ouagadougou baptisé Espace Nana. Ensuite, il y a eu le site de Ouaga 2000. Mon rêve est de faire de Ouagadougou le meilleur endroit de la gastronomie.

 

D’où vient cette passion pour l’art culinaire ?

 

C’est un peu dans le sang. Dès l’enfance, j’aimais faire la cuisine et j’étais passionné de la culture car mon père était un grand danseur traditionnel. Mon grand-frère chantait également. On aime beaucoup la culture dans ma famille. Malheureusement, je n’ai pas une belle voix pour chanter. Voilà pourquoi je n’ai pas tenté une carrière dans la musique. La culture est l’identité d’un peuple. Et quand je me suis retrouvé dans la gastronomie, je me suis dit que je dois y exceller et faire la promotion de ce qui est burkinabè. Au-delà des mets locaux qu’on trouve dans mon espace, je donne l’occasion aux artistes musiciens de s’exprimer et de communier avec leurs fans. C’est ma contribution à la promotion de notre musique et valoriser les jeunes talents.

 

Quels sont vos rapports avec les artistes musiciens ?

 

Je connais beaucoup d’artistes et je suis un peu collé au show-biz. Mon espace de Ouaga 2000 est en cours d’être transformé en centre culturel et je vais bientôt recruter un directeur artistique. Je garde de bons rapports avec les artistes. Ils ont vraiment besoin de soutien. Je suis assez accessible.

 

Ne pensez-vous pas qu’il est difficile d’être un entrepreneur culturel ?

 

Les difficultés se trouvent à tous les niveaux de l’entrepreneuriat. Et je pense que le gouvernement doit accompagner les entrepreneurs culturels et cet accompagnement n’est pas forcément d’ordre financier. La culture est un facteur de cohésion sociale. Toute activité culturelle et même au niveau de la restauration développe la localité où l’activité se déroule, parce qu’il y a de l’emploi qui se crée.

 

Parlant d’employabilité, combien de jeunes travaillent avec vous ?

 

Il y a une quarantaine de jeunes qui travaillent avec moi.

 

Avez-vous véritablement bénéficié d’un soutien quelconque pour réaliser vos projets ?

 

(Eclat de rire) … Je crois que les gens m’ont suivi et ont connu mes débuts. J’ai toujours évolué seul. Je suis ouvert à tout soutien car personne ne refuse de l’argent. J’ai eu du soutien moral et c’est très important. C’est avec beaucoup de courage et d’abnégation que j’ai pu réaliser mes projets. Mon premier soutien, c’est ma clientèle ainsi que mes employés.

 

Et qu’est-ce qui justifie votre engagement dans le social ?

 

Nous avons pu construire une école de trois classes au village à Bakata, et nous avons remis cette école à la mairie. Moi, j’ai beaucoup souffert à l’école primaire. Au village, il y a des périodes où des familles n’ont pas 50 Francs pour donner à un enfant. C’est une manière pour moi de rapprocher davantage l’école des enfants.  Et c’est une satisfaction d’avoir pu réaliser ce projet. Chacun à son niveau doit soutenir le gouvernement s’il a les moyens de le faire. Ce ne sont pas toutes les œuvres sociales qu’il faut médiatiser. Dans la vie, il faut rester humble et Africain. Moi, je ne fais pas la différence entre le patron et l’employé.

 

Pensez-vous que la gastronomie burkinabè se porte bien ?

 

La gastronomie burkinabè se porte très bien. Je promets que nous serons les meilleurs au niveau de la gastronomie dans la sous-région. Les Burkinabè et les visiteurs d’autres pays consomment beaucoup nos mets locaux parce que c’est sain et bio. Mes enfants aiment le Koumvando plus que les pizzas. Des pays comme les USA, la France ou le Nigeria commandent nos spécialités.

 

Quels sont vos grands projets ?

 

Nous avons de très grands projets comme les plantations de Neeré parce que ses grains commencent à manquer. Il y a des projets au niveau agricole.

 

Quelle est la difficulté majeure d’un spécialiste de la gastronomie comme vous ?

 

Tout n’est pas rose. Nous ne dormons pas la nuit mais chaque fois que nous sortons, nous mettons nos problèmes de côté. Avec la situation que traverse le pays, le marché a beaucoup chuté. Tout le monde dort avec des problèmes et l’entrepreneur n’est pas là pour exposer ses problèmes. C’est mieux de parler plus de projets que de problèmes.

 

Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père de deux enfants.

 

Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos traces ?

 

C’est même mon souhait, il le faut car d’ici là je vais me reposer. Je pense qu’il faut la relève.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Cela me fait plaisir que vous pensiez à ma modeste personne. Nous prions Dieu pour le retour de la paix dans ce pays. Que nos ancêtres donnent la paix à nos autorités. Merci aux Editions « Le Pays », je vous souhaite la prospérité.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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