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TELESPHORE BATIONO, PRODUCTEUR, PROMOTEUR ET PRESIDENT DE LA CNC: « Mieux vaut nous célébrer vivants qu’à titre posthume »

Né à Saioua en république de Côte d’Ivoire, Téléphone Bationo est producteur d’artistes musiciens, promoteur culturel et actuel président de la Confédération Nationale de la Culture (CNC). Originaire de la province du Sanguié dans le Centre-Ouest Burkina Faso, sa passion pour la culture date depuis son enfance. A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, il nous parle de sa structure de production, de la CNC, jette un regard sur l’évolution de la musique burkinabè, aborde sans détours d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt pour en savoir plus.

Evasion : comment allez-vous ?

 

Téléphone Bationo : je vais bien, je dirai que je tiens la route. Je vais au rythme du pays comme tout citoyen, il y a des hauts et des bas.

 

D’où vient cette passion pour le monde de la culture ?

 

Je tiens cette passion de feu mon père qui était un instrumentiste, il jouait à la guitare solo. Je crois que j’ai été bercé par sa compagnie et en classe de 6e, je découvre le Break-dance qui m’a vraiment embarqué.

 

Que devient « Artistes Distributions » qui est votre structure de production ?

 

Le label se porte très bien, il organise le concours de chant qui est « Faites de la musique ». L’année passée, on a réorganisé le label qui a un nouveau directeur en la personne de Sanga Aboubakar. On était en phase de lancement de l’édition 2020 de « Faites de la musique » et les aléas qu’on connaît sont intervenus.

 

Quel est le rôle de la confédération nationale de la culture que vous présidez depuis 2019 ?

 

C’est une structure voulue par l’Etat pour être le répondant du secteur culturel. Le foisonnement des associations et des syndicats a incité avec l’encouragement de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) à la structuration pour aller vers les industries culturelles et créatives. Elle est composée de six fédérations avec 180 associations à l’intérieur qui sont issues de la politique nationale de la culture.

 

N’avez-vous pas jeté l’éponge au niveau de la production après le sacre de Mariah Bissongo ?

 

Non pas du tout. L’année passée, j’ai produit Josias Bohéna que nous tentons de mettre sur les rails, mais comme vous le savez, 2020 ne se présente pas comme une année d’espoir avec les attaques terroristes d’abord et ensuite, avec cette crise sanitaire de Covid-19. Nous sommes en studio avec une académicienne, nous venons de lancer un titre promo pour permettre aux gens de découvrir l’artiste, elle s’appelle Innocente Ouédraogo.

 

Vivez-vous de la culture ?

 

Je ne dirai pas que la culture me nourrit, mais elle a été la deuxième marche de l’escalier de ma vie. La première marche a été la radio. Ces deux éléments m’ont permis d’avoir cette notoriété que j’ai et de ne pas mendier. J’ai eu mon argent ailleurs et j’arrive à le fructifier grâce à la culture.

 

Quel est votre regard sur l’évolution de la musique burkinabè ?

 

Elle a vachement évolué. Nous sommes à la recherche de nos repères. Nous n’avons pas encore les bonnes questions pour nous orienter sur ce qu’on appelle musique burkinabè. Nous avons de très bons techniciens, de meilleurs chanteurs de plus en plus.

 

Quel est votre quotidien ?

 

Je suis assez limité, c’est « maison-bureau-maison ». Par moments, ce sont des rencontres et des rendez-vous. Je suis un couche-tôt, au plus tard à 21h, je suis au lit, je me le suis imposé depuis huit ans.

 

Pourquoi dormir si tôt alors que les hommes du show-biz sont des noctambules ?

 

(Il éclate de rire)… J’ai donné 20 ans de ma vie à dormir à 4h du matin. Avec mon âge, je me suis imposé de ne pas trop m’esquinter.

 

Pourquoi ce sont les artistes chanteurs qui se plaignent le plus souvent ?

 

C’est ce qui a effectivement motivé à la structuration du milieu. Chacun est émotif et est prêt à dire ce qu’il pense. Les plaintes existent dans tous les domaines, mais c’est parce que les médias leur donnent plus la parole. Si vous faites la même chose pour les stylistes, vous comprendrez bien qu’ils ont des problèmes.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père de deux garçons.

 

Quel serait votre réaction si un de vos enfants décidait de faire la musique ?

 

Moi je ne serais pas contre. La musique nourrit des hommes sous d’autres cieux et on espère que d’ici là, elle permettra à plus d’un Burkinabè de se construire un immeuble et s’acheter un jet privé. Il faut que la volonté politique place la culture au centre du développement.

 

Selon vous, quelle pourrait être la difficulté majeure d’un acteur culturel ?

 

C’est le circuit de financement de la culture qui n’existe pas. Et c’est ce qui est la grosse difficulté. Ailleurs, on investit dans la culture parce que ça rapporte. On ne peut pas dire que la culture est le pilier du développement et ne pas investir dans ce pilier, c’est comme refuser le développement.

 

Regrettez-vous d’avoir embrassé le domaine de la culture ?

 

Non pas du tout. Je vis mon art, je vis ma passion et j’ai une tête assez libre. La culture m’a ouvert mille et une portes et a permis au fils du petit cultivateur que je suis de vivre de mes réalisations. Je ne suis pas un milliardaire, mais je soutiens plus d’une personne.

 

Vous avez reçu le trophée de la personnalité culturelle de l’année en 2018 au FAMA, que représente ce prix pour vous ?

 

Ça m’a fait beaucoup de plaisir. Mieux vaut nous célébrer vivants qu’à titre posthume.

 

A quand votre prochain livre ?

 

On m’a demandé d’écrire sur l’économie de la culture, j’ai essayé et je pense que je vais ressortir ça, le mettre au goût du jour et me faire encadrer car ce n’est pas un sujet léger.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

C’est dire aux Hommes de cultures et à tous les créateurs que le Burkina Faso est à la croisée des chemins. Il leur faut du génie, de la créativité afin qu’on puisse s’en sortir après cette crise du Covid-19.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

 

 

 

 

 

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