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SAN REMY TRAORE, REALISATEUR-PRODUCTEUR-RAPPEUR: « Les mélomanes ont un autre regard sur la musique burkinabè »

Détenteur d’une licence en sociologie, San Rémy Traoré est un jeune rappeur né à Banfora à l’Ouest du Burkina Faso d’où il est originaire et ou il a grandi. Ayant débarqué à Ouagadougou, après l’obtention de son Bac, il va naviguer entre sa passion qui est la filière musicale et les études. Aujourd’hui jeune réalisateur émérite et producteur qui fait la fierté de son pays hors du continent, il s’est confié à nous à travers cette interview exclusive. Il nous parle de son parcours, de sa passion, de ses projets, aborde sans détour d’autres sujets, jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt !

 

Evasion : Comment allez-vous ?

 

San Rémy Traoré : Je vais super bien, en plus, il fait beau temps, donc ça va.

 

D’où vient cette passion pour les arts ?

 

Tout a commencé en tant qu’artiste-musicien rappeur. Depuis l’école primaire et ensuite au lycée, on avait commencé à s’amuser avec les beats, les show-cases et lors des nuits culturelles qu’on animait avec des amis. Quand je suis arrivé à Ouagadougou, j’ai pu constituer un groupe qui s’appelait Tamadji. Et avec ce groupe, on a fait plusieurs prestations à l’Université de Ouagadougou et à l’issue d’un concours de rap, Smockey nous a repérés pour l’album « La part des ténèbres 2 », en 2008. C’est une compilation qui regroupait une dizaine de groupes et c’est un seul groupe qui a bénéficié d’un clip. Cela m’a paru bizarre mais j’ai compris par la suite car ce n’est pas évident quand on est beaucoup sur un projet de ce genre.

 

Et c’est ce qui vous a poussé vers la réalisation ?

 

Exactement. C’est après cela que je me suis intéressé à la réalisation.

 

Comment s’est faite votre formation ?

 

J’ai commencé à suivre des formations et séminaires en lignes. Par la suite, j’ai fait des rencontres afin de perfectionner mon art. L’idée c’était de pouvoir réaliser mes propres clips et la passion m’a emporté. Je n’ai donc pas pu continuer dans la musique en tant que rappeur. Finalement, j’ai appris la réalisation pour les autres artistes.

 

Comment s’est véritablement opéré ce changement ?

 

Il y a eu le déclic avec la création de mes structures Impulsion Prod et Impulsion Pictures. J’essayais d’apporter ma part de contribution dans l’évolution de l’univers musical burkinabè en accompagnant les nouveaux venus, ceux qui n’avaient pas forcement les moyens de réaliser leurs clips. Et il y a des artistes qui ont le talent et on les faisaient renter en studio et ensuite on réalise le clip. Au départ c’était vraiment pour les accompagner mais à un moment, il fallait rentabiliser car le matériel vidéo coûte énormément cher. Et cela  afin de pouvoir aider d’autres artistes. Voilà comment je me suis lancé dans la production.

 

Quels sont les artistes de votre écurie ?

 

Au départ, j’ai bossé sur des projets spécifiques. D’abord, Thaliane qui est la toute première production et qui est ma petite sœur, la charité bien ordonnée commence par soi-même. Après, j’ai travaillé sur d’autres projets comme Kamado qui est un concept de danse pour donner une identité à la musique burkinabè, il y avait des artistes comme Will B Black. Ensuite, j’ai travaillé sur des projets avec Malika, Fleur, Limachel ainsi que le projet de soutien aux Etalons qui a remporté le Fama de la meilleure chanson dédiée aux Etalons. Il y a eu plein d’autres projets qui ont suivi comme le lancement d’une compilation de hip hop baptisée « Sang neuf ».

 

Pensez-vous avoir tiré satisfaction de la compilation « Sang neuf » ?

 

C’est à travers ce projet que j’ai encore respecté Smockey car en ce moment le rap battait de l’aile et il fallait regrouper de jeunes rappeurs comme Toksa, Kayawoto, Vins et bien d’autres. Mais, d’une part, ce projet a été satisfaisant car la plupart des jeunes rappeurs qui brillent actuellement y sont passés.

 

Kayawoto n’est-il pas la plus grosse pointure de votre structure ?

 

Effectivement, Kayawoto est actuellement la plus grosse pointure d’Impulsion Prod. Un artiste c’est la rigueur, la discipline et l’originalité. C’est ce qui nous a motivé à travailler avec lui.

 

Peut-on s’attendre à une autre grosse pointure ?

 

Bien sûr.

 

Pouvez-vous nous dire de qui s’agit-il ?

 

Nous l’avons annoncé récemment, il s’agit d’une jeune fille du nom de Méline. Elle a déjà fait une collaboration sur une chanson de Kayawoto. Nous sommes à la cuisine et très bientôt vous entendrez parler d’elle.

 

Qui est véritablement Méline ?

 

On a envie de présenter quelque chose de potable, on prend notre temps pour bien faire afin qu’elle soit positionnée un peu partout. Bientôt vous en saurez davantage.

 

Le fait d’aller tourner le clip de Kayawoto à Dubaï, est-ce une folie ou pour prouver que vous avez assez d’argent ?

 

Quand on travaille avec un artiste comme lui et qui inspire avec des titres comme « Rakanra biiga », nous l’avons suivi dans son élan. Nous avons compris que les jeunes voulaient découvrir autre chose que ce qu’ils avaient l’habitude de voir. Quand on a envie de faire du sérieux, il faut investir. On a investi énormément sur le clip car on voulait quelque chose de nouveau. Et ça a coûté cher car l’idée aussi est de faire la concurrence avec les artistes du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et des USA. Ensuite il y a eu « Toongo », qui parle de faire la fête, de s’éclater, le luxe, avoir les moyens… On est allé à Dubaï et ça été un gros investissement.

 

Combien a coûté ce clip tourné à Dubaï ?  

 

(Eclats de rire) … Quand on est passionné, on dépense sans faire de calcul.

 

Pouvez-vous nous donner des chiffres ?

 

Ce que je peux vous dire, c’est une confidence. Jusque-là, nous n’avons pas encore fait de bilan sur les chiffres.

 

Pensez-vous rentabiliser toutes ces dépenses ?

 

Je crois qu’on a un retour. Aujourd’hui, les mélomanes ont un autre regard sur la musique burkinabè. La satisfaction aussi est de savoir que le projet a été accepté par la jeunesse burkinabè. Il y a de la satisfaction. Nous continuons de prier pour que la situation sécuritaire s’améliore afin que les artistes puissent continuer de tourner.

 

Quelle est, selon vous, l’état de santé de la musique burkinabè ?

 

Je pense que la musique burkinabè se porte de mieux en mieux. Il y a des années de cela, pour atteindre le million de vues, ce n’était pas évident. Quand Kayawoto est sorti, il a occupé pendant plusieurs semaines la tête du classement des plateformes de téléchargement devant des artistes d’ailleurs dans un système de mondialisation. Il faut qu’au rendez-vous du donner et du recevoir, le Burkina Faso donne quelque chose de consistant.

 

Quel est votre quotidien ?

 

Le matin, je fais le point de ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire. Nous sommes encore sur des tournages qui vont bientôt sortir. Nous étions récemment sur les Eurokéennes qui est l’un des plus gros festivals à Belfort, il y a des bilans à faire pour tout capitaliser. Nous travaillons sur la communication et il y a aussi des rendez-vous à respecter et la signature de contrats. Ce sont des quotidiens très chargés.

 

Avez-vous rangé votre licence en sociologie dans la valise ?

 

(Eclats de rire) … Elle me sert. J’ai travaillé sur la sécurisation foncière à l’intérieur du pays mais la réalisation a pris le dessus. Je travaille également avec des ONG, et les connaissances en sociologie nous aident dans l’élaboration de ces différents projets.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Je ne suis pas marié mais je suis père d’une fille.

 

Que feriez-vous si votre enfant décide de suivre vos pas dans le show-biz ?

 

C’est un monde passionnant et complexe avec beaucoup de non-dits. Je lui dirais oui, mais en s’armant de beaucoup de courage et de ténacité.

 

Vivez-vous de votre art ?

 

Bien sûr que oui !

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Merci à vous. Je suis Evasion depuis des années ; il y a des magazines qui sont venus et qui ont fermé mais vous avez tenu pendant tout ce temps. Je dis félicitations à toute votre équipe et aux lecteurs. C’est vous qui faites les artistes, donc la vraie passion c’est vous. Que Dieu nous donne la paix afin que le Burkina Faso puisse continuer de prospérer.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

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