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OSCIBI JHOANN, ARTISTE-MUSICIEN ET ACTIVISTE: « Je demande aux gouvernants de restaurer l’autorité de l’Etat »

Oscibi Jhoann, à l’état civil Sibiri Jhoany Ouédraogo, est né à Saioua dans l’ouest de la Côte d’Ivoire où il a grandi et arrive à Abidjan en 1991. C’est en avril 1998 qu’il rentre au bercail. Avec cinq albums et un single à son actif, il a sorti son premier opus « Juste et justice » en 1999 et successivement « Gongo » en 2006, le single « 50 ans pour l’unité » en 2010, « Trinité » en 2011, « Le temps de Dieu » en 2014 et « Zoodo » en 2016. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, l’artiste revient sur son arrestation en 2015 en RD Congo, parle de ses projets, donne sa lecture du reggae au Burkina et aborde bien d’autres sujets. Lisez plutôt.

 

Evasion : Que devient Oscibi Jhoann ?

 

Oscibi Jhoann : Il devient maintenant un artiste à double casquettes. Je suis dans le chant et je suis également activiste. Donc, je suis très présent dans le milieu de l’art et de l’activisme politique.

 

L’activisme ne prend-il pas le dessus sur votre carrière musicale ?

 

Non, pas du tout. J’essaie de jongler entre les deux parce que l’activisme ne nourrit pas son homme. Par contre, la musique me permet de payer ma maison. Mon activisme, c’est pour apporter un plus à la démocratie et à la justice au Burkina Faso et en Afrique.

 

Vous êtes membre du Balai citoyen. Certains de vos compagnons de lutte ont vu leur situation sociale changer positivement après l’insurrection, qu’est-ce qui ne va pas chez vous ?

 

Vous avez dit que je suis un membre du Balai citoyen, donc si la vie de certains membres des OSC a changé, moi, ma vie devait aussi changer. Je suis dans le milieu et je sais ce qui s’y passe. Je ne défends pas tout le monde. Je peux dire qu’être activiste, c’est être pour la promotion de la démocratie et des droits humains. C’est vraiment difficile de vivre de ça.

 

Et ceux qui sont passés des motos aux grosses voitures ?

 

C’est leur choix parce que nous n’avons pas les mêmes portes d’entrée et nous n’avons pas les mêmes façons de voir l’activisme politique. Donc, il y a aussi des raccourcis pour certains.

 

Quels souvenirs gardez-vous de votre arrestation en RD Congo ?

 

Ce sont des souvenirs très douloureux. Nous avons été arrêtés le 15 mars 2015 à Kinshasa, libérés le 19 mars et nous sommes arrivés à Ouaga le 20. Traiter des citoyens honnêtes de terroristes, les embastiller et les emprisonner, ensuite les expulser, il faut être mentalement fort pour ne pas péter les plombs. Ce sont aussi des souvenirs d’espoir car depuis lors, le peuple congolais s’est levé et est en train de se battre pour sa liberté et son indépendance politique et économique.

 

Avec cinq albums à votre actif, pensez-vous vraiment vivre de votre art ?

 

Oui, je vis de la musique. Je ne suis pas déçu de ma position. J’ai choisi le reggae comme créneau, il est plein d’embûches et je sais à quoi m’en tenir.

 

Les reggaemakers sont considérés comme des grandes gueules, en êtes-vous une ? Ou êtes-vous un aigri ou un révolté ?

 

Non, je ne suis ni un aigri, ni un révolté. Je prône la justice et la solidarité. Dans la société, il faut aussi des gens pour dire la vérité aux chefs.

 

Selon vous, quel est l’état de santé du reggae burkinabè ?

 

Il se porte bien, il y a beaucoup de sorties discographiques. Et grâce aux festivals qui s’organisent, les artistes arrivent à prester. Mais sachez que la promotion d’une musique de revendication et de conscientisation ainsi que sa promotion n’est pas comme pour les autres musiques. Nous sommes visibles à notre manière.

 

Quels sont vos projets ?

 

Ce sont des projets de tournées. Jusqu’à présent, je n’ai pas encore fait une tournée nationale en live et c’est ce qui me tient à cœur. Nous sommes en train de travailler pour faire le tour du Burkina en son et en lumière.

 

Une de vos chansons de 1999 dans laquelle vous dites que le serpent n’est pas mort, est revenue à la UNE de l’actualité juste après l’insurrection, est-ce de la prémonition ?

 

Il faut faire des chansons qui vont traverser le temps. Je ne suis pas un charlatan. C’est la chanson intitulée « Vigilance » qui vient confirmer qu’il faut être vigilant dans la vie.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Ce que je peux vous dire, c’est que je vis avec une femme.

 

Quel est votre message à l’endroit de vos fans ?

 

Je leur demande de continuer à nous soutenir et d’aimer la musique burkinabè. Qu’ils continuent de défendre la culture burkinabè car, sans la culture, il n’y a pas de vie.

 

Quelle est la difficulté majeure d’un chanteur de reggae au Burkina ?

 

Très souvent, vous avez des amis qui utilisent vos chansons quand ils sont dans l’opposition et dès qu’ils arrivent au pouvoir, ils ne comprennent plus votre position. Nous ne sommes pas manipulables. Nous refusons de louer des gens.

Que pensez-vous du nouveau ministre de la Culture Abdoul Karim Sango ?

 

Je connais bien Mr Sango, c’est un homme très intelligent et il va mettre son expérience au service du ministère.  Nous sommes prêts à l’accompagner s’il nous sollicite.

 

Pouvez-vous nous parler de votre concept « Mentalement supérieur » ?

 

C’est un concept pour dire que la pauvreté est mentale. On nous dit très souvent que le Burkina est pauvre et c’est pour donner une réponse à ceux qui pensent ainsi que je dis qu’ils sont mentalement inférieurs. La richesse, c’est d’abord le capital humain et en la matière, le Burkina a des hommes. Maintenant, il faut travailler à éduquer et à sensibiliser ceux-ci pour que le Burkinabè travaille à développer son pays.

 

Quel est votre mot pour clore cette interview ?

 

Nous avons lutté pour la démocratie et pour que le Burkinabè soit libre. Il y a de plus en plus de l’incivisme et j’invite chacun à savoir raison garder. Aucun pays ne se développe dans l’incivisme. Quant aux gouvernants, je leur demande de restaurer l’autorité de l’Etat selon les lois de la république.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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