Opérateur culturel burkinabè vivant à New-York aux USA depuis 2010, Mathurin Soubéiga est né et grandi à Bobo-Dioulasso avant de regagner l’université de Ouagadougou en 2001. Passionné de musique depuis sa tendre enfance, il se fera vite remarquer dans le milieu du hip hop burkinabè à travers l’organisation de festivals comme Waga Hip Hop et Sagamusik ainsi que dans le management d’artistes musiciens tout en se formant dans le journalisme culturel.
A travers cette interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder via le net, ce jeune opérateur culturel et responsable des structures Fangafrik et le label Bold Africa Records nous parle de sa passion, de son parcours, revient sur ses rencontres avec les stars mondiales de la musique, de sa gestion des espaces mythiques qui sont le Shrine et le Silvana et aborde sans détour d’autres sujets, notamment la situation sécuritaire et exprime son soutien aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et aux Forces de défense et de sécurité (FDS). Lisez plutôt.
Evasion : Comment allez-vous ?
Mathurin Soubéiga : Je vais bien.
D’où vient cette passion pour la culture ?
Ma passion pour la culture vient depuis l’adolescence à Bobo-Dioulasso où j’ai été influencé par la scène musicale locale et la richesse des échanges culturels. Le hip hop en particulier m’a captivé. J’ai donc commencé à écouter le rap très tôt.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours dans le domaine des arts du spectacle ?
J’ai commencé en 2005 avec le blog Burkina Rap Connexion qui est rapidement devenu une référence pour le rap burkinabè. En 2006, j’ai été sacré meilleur promoteur culturel aux Burkina Rap Awards. J’ai ensuite suivi des formations en journalisme culturel avec Waga Hip Hop et Jazz à Ouaga. Ainsi en 2007, j’ai été chargé de communication pour les Faso Hip Hop Awards puis pour Waga Hip Hop et Sagamusik en 2008. De 2008 à 2010, j’ai été administrateur d’Umane Culture. Entre-temps, j’ai créé en 2009, le site Fasorap, la plateforme officielle du rap burkinabè, il n’existe plus en tant que site mais existe en tant que page Facebook. J’ai également été le manager de l’artiste Lennox Dread et de son fils King Adé ainsi que coordinateur de Waga Hip Hop. Après mon arrivée aux USA en 2010, j’ai travaillé pour le Label américain Nomadic Wax en tant que A and R (Artistes-répertoire) pour l’Afrique francophone avant de devenir booking pour le Shrine et Silvana de 2014 à 2022.
Quels souvenirs gardez-vous de l’organisation d’évènements hip hop au Burkina Faso ?
L’organisation de Waga Hip Hop est un souvenir mémorable pour moi. Il attirait de milliers de festivaliers, rappeurs, artistes de graffiti, DJs et autres venus du Burkina Faso et du monde entier. Chaque édition transformait toute la ville en un centre vibrant de culture hip hop avec des lieux comme le Centre Culturel français, la Maison du Peuple, le Cenasa et le Reemdogo, offrant des moments uniques de rencontres et d’échanges. Je profite également de cette occasion pour remercier Ali Diallo et Nadège Hédé pour leur accueil au sein de leur structure et leur précieux mentorat. Leur soutien a été essentiel pour mon parcours.
Est-ce le fait d’être un mordu du hip hop qui a motivé votre choix d’aller vivre aux USA ?
(Il éclate de rire) … Le choix de partir aux USA n’était pas prémédité. En 2010, j’ai été invité à participer aux Trinity Hip Hop Festival aux Etats-Unis d’Amérique, ce qui a marqué un tournant dans ma carrière et m’a conduit à m’installer à New-York.
Pensez-vous avoir fait le bon choix ?
Absolument, je ne regrette pas mon choix. Etre aux Etats-Unis m’a ouvert des opportunités que je n’aurais peut-être pas eues ailleurs.
Pouvez-vous nous parler des boîtes comme le Shrine World Music Venue et Silvana que vous avez gérées à New-York et qui sont des espaces de références pour les stars de la musique ?
J’ai eu l’honneur de gérer le Shrine World Music Venue et Silvana à New-York de 2014 à 2022 en tant que programmateur musical. J’y ai orchestré plus de 300 programmations live et DJ par mois dans chaque club, offrant ainsi une plateforme dynamique aux artistes. Le Shrine est un temple de la musique live à Harlem tandis que Silvana propose une atmosphère intimiste où se mêlent musique, art et culture.
Où en est-on avec la production d’artistes africains avec votre label Bold Africa Records ?
Bold Africa signifie « L’Afrique audacieuse ». C’est un label que j’ai fondé avec BABA G, un ancien membre de Blacks Marabouts. Nous avons déjà produit plusieurs singles disponibles sur les plateformes. On peut citer des artistes comme Bab M feat Hygui Lion, Bab M feat Dicko Fils… Et nous avons des singles à venir dont le featuring de Dicko Fils avec la chanteuse Canadienne Miranda Di Perno qui sera bientôt disponible. Le label collabore également avec des artistes de la diaspora et internationaux.
Quels sont vos rapports avec les stars de la musique américaine ?
Mes relations avec les stars de la musique américaine sont cordiales et respectueuses. J’ai eu la chance de collaborer avec certains d’entre eux, ce qui m’a permis d’élargir mon réseau et de partager des expériences enrichissantes.
Pouvez-vous nous citer quelques grosses pointures de la musique qui sont passées sous votre houlette ?
Au Shrine, nous avons eu le privilège de voir des artistes comme Singuila, X Malea, Tiken Jah Fakoly, se produire ou utiliser l’espace pour des photos et des clips (Michael B. Jordan, Amadou et Mariam, Adekunle Gold).
Yannick Noah, Magic System et Trevor Noah y sont passés également en tant que spectateurs.
Vivez-vous de votre art ?
Oui, je vis de mon art bien que je sois impliqué dans le domaine de l’informatique. Parallèlement, ma marque de vêtements baptisée Fangafrika Wear me soutient financièrement et contribue à stabiliser mes revenus.
Quels sont vos projets ?
(Il éclate de rire) … Smarty a dit de ne pas parler de ses projets.
Que faut-il véritablement pour positionner la musique au plan international ?
Il est essentiel de développer des stratégies de promotion efficaces, d’établir des collaborations internationales et de participer à des festivals mondiaux. Produire des contenus de haute qualité tout en préservant notre identité culturelle. Pourquoi ne pas envisager la création d’un style musical et de danse unique à l’image de ce qui avait été fait avec le Tackborsé. C’est ce qui s’est passé avec l’afrobeat au Nigeria ou l’azonto au Ghana et qui ont permis à ces pays de se démarquer sur la scène mondiale.
Quel est votre message à l’endroit de nos lecteurs ?
Je leur demande de continuer à soutenir la culture et les talents locaux. Chaque contribution compte pour faire avancer notre scène musicale et promouvoir notre riche patrimoine culturel.
Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans le show-biz ?
Je l’encouragerais de vivre son rêve et à faire son propre choix comme mes parents l’ont fait pour moi tout en veillant à ce qu’il poursuive ses études.
Qu’en est-il de votre marque Fangafrik Wear ?
C’est une marque de vêtements afro-centrique qui puise son essence dans la force et l’énergie de l’Afrique incarnées par Fanga, un mot en langue bambara. Notre objectif est de mettre en lumière l’héritage culturel africain et son influence mondiale, en particulier sur les cultures américaines et latino-américaines. Plus qu’une simple ligne de vêtements, c’est un mouvement qui valorise la fierté, la couleur et l’universalité de l’Afrique. Nous proposons des T-shirts, Sneakers, Hoodies et casquettes.
Quels conseils donnerez-vous à un jeune burkinabè qui décide de s’installer aux USA comme vous ?
Je lui dirai de croire en ses rêves et de ne pas avoir peur des défis, et toujours valoriser ses origines. Travailler dur, rester déterminé et s’entourer de personnes qui soutiennent son parcours.
Qu’avez-vous à dire pour conclure ?
Je remercie sincèrement le magazine Evasion et les Editions « Le Pays » pour cette opportunité de partager mon parcours. En ces temps difficiles, je tiens à exprimer mon soutien indéfectible aux VDP et aux FDS en espérant que la paix et la sécurité seront restaurées bientôt dans notre pays.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON