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YOUSSOU N’DOUR : « Pour faire de la politique, il faut avoir des arguments »

Youssou N’Dour est né le 1er octobre 1959 à Dakar. Son père, Elimane, est ouvrier. Sa mère Ndéye Sokhan est griotte. Dès son plus jeune âge, il préfère la musique à ses études. Mais ses parents sont intraitables et désirent le voir réussir. Pourtant à 11 ans, il décide d’intégrer la troupe théâtrale Sine Dramatique. Remarqué par un musicien du Doumia Orchestra, Pacheco, celui-ci le recommande auprès du Diamono et particulièrement de Charlie Diop. Il entre au sein du groupe et attend patiemment son heure de gloire. Le véritable déclic se produit alors qu’il n’a que 13 ans. A l’occasion de la mort de Papa Semba Diop dit M’ba, leader de la star Band de Dakar, le Super Diamono compose un morceau que le jeune Youssou, de sa voix si particulière, doit interpréter lors d’un concert de soutien à sa famille à Saint Louis. Ce fut un véritable succès, la suite on la connaît : Youssou N’Dour entame une carrière solo où il volera de succès en succès. Aujourd’hui il est une icône de la musique africaine. En 2012, il dépose sa candidature à la présidentielle au Sénégal, candidature qui a été rejetée, mais il finira par être ministre de la culture, ensuite ministre du tourisme. Aujourd’hui, il est ministre-conseiller à la présidence du Sénégal. A l’occasion des 10 ans de carrière musicale de notre compatriote Alif Naaba, le 17 avril 2015 à Ouagadougou où il était l’invité d’honneur ; Youssou N’Dour a foulé le sol du Faso pour honorer l’invitation de son jeune frère et nous en avons profité pour mieux le découvrir.

EVASION : Pourquoi avez-vous accepté d’être l’invité d’honneur des 10 ans de carrière de l’artiste Alif Naaba ?

Je le connais il y a quelques années, car je suis ce qui ce passe sur le continent en matière de musique. C’est un jeune qui a de l’ambition, du talent et quand je vois des jeunes comme Alif Naaba qui se battent, je n’hésite pas à leur tendre la main pour leur donner un coup de pouce. Je l’ai beaucoup suivi surtout en 2014 quand il a été consacré lauréat du Kundé d’or sur le plan national et il a une certaine ouverture sur le plan international. Quand il m’a demandé d’être son invité d’honneur pour la commémoration de ses 10 ans de carrière, j’ai accepté. C’est un honneur pour moi, car Alif Naaba est un grand artiste international qui fait des concerts un peu partout à travers le monde et à chaque fois, ce sont des concerts à guichets fermés.  C’est un jeune qui me suis sur le plan musical, qui a envie de reprendre le flambeau, l’histoire continue. La démarche, est qu’il faut encourager des jeunes de ce genre. C’est l’occasion pour moi également de revenir à Ouagadougou, car cela fait déjà plusieurs années que je n’avais plus mis les pieds au Faso.

N’y a-t-il pas une contradiction entre être artiste et faire de la politique ?

On ne naît pas politique on le devient, je n’ai jamais su qu’un jour je ferais de la politique mais quand j’ai vu dans mon pays qu’il y a des choses qui ne doivent pas se faire et que je sais que je peux apporter un plus, un changement, je n’avais pas d’autre choix que de faire de la politique. Pour faire de la politique, il faut avoir des arguments et j’avais assez d’arguments pour en faire, pour être capable d’aider, de changer les choses. Souvent ce sont des situations que nous vivons qui nous révoltent et en ce moment, on n’a plus de choix que de faire de la politique. Il y a des gens au Burkina Faso, qui, il y a un an ou deux, ne faisaient pas de la politique mais aujourd’hui, ils le font, car ils se sont sentis interpelés. Ce sont les circonstances qui amènent les uns et les autres à faire de la politique. Tout le monde sait pourquoi je suis arrivé à la politique, c’est le fait qu’Abdoulaye Wade, l’ancien président de la République du Sénégal voulait se représenter pour un 3e mandat, et là, je me suis dit trop c’est trop, je ne vais plus me laisser faire, il faut que je fasse quelque chose pour mon peuple, et je suis entré en politique. On a eu raison et l’engagement que nous avons pris a porté fruit, cela a marché, Abdoulaye Wade n’a pas pu être réélu pour un 3e mandat. Cela n’est pas du tout contradictoire, car je suis un citoyen comme tout le monde, je suis passionné d’art et j’ai ma manière de faire la politique. Je n’ai pas de problème pour concilier mon art et la politique. Ne me demandez pas quand ma politique va finir, car cela va continuer autant que je pourrai, ma politique et ma musique vont continuer chaque jour.

Vous avez été ministre de la culture au Sénégal, quelles sont les grandes actions que vous avez posées pour ce secteur ?

J’ai été ministre de la culture, mais pas très longtemps, je pense que j’ai été ministre moins d’une année, disons 8 mois que j’ai occupé ce poste de ministre de la culture, mais j’ai eu à faire des plans que j’ai laissé à mon successeur, qu’il a mis en application. Je suis resté plus longtemps comme ministre du tourisme, j’ai fait des plans sur le développement du tourisme au Sénégal, faire en sorte que beaucoup de choses puissent démarrer dans le tourisme. Je suis toujours dans ce processus, Les plans à la fonction publique c’est un peu plus lent, les projets que j’ai mis au ministère du tourisme sont des projets robustes qui vont apporter gros et bénéficier à tout le Sénégal.

Aujourd’hui vous n’êtes plus ministre au Sénégal, vous occupez quel poste dans le gouvernement ?

Je ne suis plus dans le gouvernement, je suis actuellement ministre-  conseiller auprès du président de la République.

Avec ce poste de ministre-conseiller à la Présidence, arrivez-vous toujours à mener à bien votre carrière musicale ?

Oui, j’arrive maintenant à monter sur scène. Quand j’étais ministre de la culture ou du tourisme, je ne montais plus sur scène pour chanter, mais aujourd’hui je le fais sans problème, notre constitution ne défend pas à un conseiller à la présidence de chanter sur scène. Quand j’étais ministre de la culture ou ministre du tourisme je n’avais même pas le temps de faire la musique, en plus c’était difficile pour moi que les privés m’invitent pour venir chanter, aujourd’hui je suis libre pour monter et tourner dans mes festivals et même chanter au Sénégal. C’était une option, j’en ai discuté avec le président Macky Sall et maintenant tout va bien pour moi.

Y a-t-il des sorties d’albums prévues d’ici là ?

Je prévois faire sortir un nouvel album d’ici 2016, c’est déjà en route. Un album, c’est de l’inspiration, on ne fait pas un album pour le faire ; il faut beaucoup d’inspiration. J’ai beaucoup de tournées musicales à faire, mais je ne peux pas tout honorer, je les planifie aussi par rapport à mes activités, à mon travail, en tant qu’activiste et en tant qu’homme politique, tout se gère par rapport à mon calendrier.

Nous savons que vous n’êtes pas communicateur, encore moins journaliste de formation  et pourtant vous avez un groupe de presse. Qu’est-ce qui vous a poussé à ouvrir un groupe de presse ?

C’est simple, j’avais envie de créer de l’emploi, et c’est une entreprise de la sorte qui m’a inspiré. J’emploie plus de 700 personnes dans mon groupe de presse, j’ai une radio, une presse écrite et une télévision. D’autres personnes investissent dans le bâtiment pour des maisons en location ou autre chose, moi j’ai préféré mettre mon argent dans un groupe de presse et cela marche très bien pour moi, je ne le regrette pas du tout. J’avais envie de créer de l’emploi et gagner de l’argent, j’avais envie d’aider mon pays également dans la création d’emplois, car l’Etat seul ne peut pas embaucher tout le monde, il faut que les privés également créent de l’emploi et c’est ce que j’ai fait.

Comment avez-vous suivi les événements socio politiques du Burkina, les 30 et 31 octobre 2014 ?

Je vais redire la déclaration que j’ai eue à faire au Sénégal en son temps quand il y avait ces événements au Burkina. Il faut être fier de vous les Burkinabè, vous, êtes courageux et je pense que vous méritez votre nom d’intègre. Depuis ces événements, le Burkina est cité comme un modèle, un exemple. Quand le monde entier a vu comment vous avez géré la crise, il faut vous féliciter, je ne veux pas rentrer dans les détails. Ces genres de débats relèvent du ministère des affaires étrangères du Sénégal, j’ai un devoir de réserve sur certains sujets de politique quand je suis, hors de mon pays. C’est une fierté, et j’ose croire que le peuple burkinabè dans toute sa diversité va continuer à lutter avec lucidité pour que ce beau pays ne tombe pas, et j’ai confiance en ce peuple courageux.

Depuis quelques années, l’Afrique de l’Ouest est touchée par cette épidémie à fièvre hémorragique Ebola. Beaucoup d’artistes chantent pour lutter contre cette maladie, mais on ne vous a pas encore entendu. Pourquoi ?

Je ne vais jamais chanter Ebola, c’est une maladie qui m’énerve, et je ne vais jamais chanter cela dans ma bouche, je ne ferai jamais la promotion de cette maladie à travers une chanson, c’est ma philosophie, mais je pose des actes et des gestes pour que les gens évitent cette maladie. J’apporte à ma manière de l’aide mais pas en chanson.

 En guise de conclusion ?

 Je veux aider l’Afrique, vu mon expérience, mon réseau, je veux aider maintenant mon continent plus que ce que j’ai déjà fait. Je réfléchis dans ce sens avec d’autres partenaires, dans le domaine des renforcements de capacités, dans l’information, de la prévention pour aider notre cher continent l’Afrique. Ne soyez pas surpris de voir dans les jours à venir des projets qui concernent toute l’Afrique venant de moi. Je ne vais pas m’occuper seulement de mon pays le Sénégal mais de toute l’Afrique, car je me sens plus africain que Sénégalais. Je veux servir l’Afrique mon continent que j’aime tant.

Propos recueillis par Evariste Télesphore NIKIEMA

 

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