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TIKEN JAH FAKOLY, Star du reggae: « Le peuple burkinabè est en train d’abuser du pouvoir »

Il est l’un des plus grands reggae mens de l’Afrique contemporaine.  Sa carrière musicale est riche d’une dizaine d’albums. De sa ville natale Odienné, dans le Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire, au Mali en passant par le Burkina Faso, Tiken Jah Fakoly a laissé des traces aussi bien dans le domaine musical que celui éducatif.  Pour percer le mystère du succès de cette méga star du reggae, nous l’avons rencontré le 4 mai dernier à son hôtel à Ouagadougou où il a été invité pour prendre part au Festival des Marley d’or. En plus de sa carrière musicale, nous avons abordé avec lui, d’autres sujets d’ordre politique, sécuritaire, etc. Et en artiste engagé, l’homme n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour cracher ses vérités au peuple burkinabè. Tout en lui exprimant son admiration, il conseille à celui-ci de se ressaisir car, il est en train d’abuser du pouvoir comme le faisaient les dirigeants qu’il a chassés par l’insurrection populaire. Lisez plutôt.

 

« Evasion » : Tiken Jah Fakoly au Burkina après plusieurs années d’absence. Comment vous sentez-vous en terre burkinabè?

 

Tiken Jah Fakoly : Je suis très heureux d’être là, parce que je sais que j’ai beaucoup de fans dans ce pays, c’est un peuple qui m’a soutenu depuis l’album « Cours d’histoire», dans lequel j’ai chanté ‘’Tata‘’ ».  Je suis l’un des premiers artistes à avoir rendu hommage à Norbert Zongo, à travers mes chansons. C’est un pays qui m’a adopté depuis très longtemps et je suis très heureux de retrouver mes fans après plusieurs années. Ce n’est pas l’envie qui a manqué, mais, nous, nous avons besoin d’être invité, parce qu’on ne peut pas se lever comme ça et aller faire des concerts.

 

Quelle appréciation faites-vous des Marley d’or ?

 

C’est un festival à encourager parce qu’il contribue à maintenir la flamme du reggae. Nous sommes des artistes internationaux mais, nous faisons souvent deux ans avant de sortir un album. Donc, il faut des clubs, des salles de spectacles reggae et ce type de festivals pour maintenir la flamme du reggae. Cela fait plusieurs années que le promoteur voulait que je vienne, mais j’étais tout le temps occupé. Cette année, non seulement j’ai eu du temps mais le thème choisi « Soutien aux Forces de défense et de sécurité » m’a beaucoup touché. Voilà pourquoi j’ai accepté de venir.

 

Quels conseils avez-vous à l’endroit du promoteur de ce festival ?

 

Le conseil que je lui donne, c’est de continuer à élargir le festival aux reggaemen des autres pays en invitant même des artistes jamaïcains. Cette année, il a essayé de rendre le festival panafricain en invitant un Ghanéen, des Ivoiriens et je lui souhaite d’avoir des sponsors pour continuer parce que ce n’est pas évident quand il s’agit du reggae. Cela, à cause de notre discours, de notre message, parce que nous ne faisons pas du zouk. Et quand on ne fait pas du zouk, du coupé décalé, mais du reggae, on est obligé d’avoir un message d’éveil de conscience et celui-ci peut déranger les dirigeants. Je lui souhaite bon vent et avec le courage dont il fait montre, le festival ira loin.

 

Quel regard critique jetez-vous sur le reggae burkinabè ?

 

C’est un reggae qui a sa place dans le monde. Des artistes comme Sana Bob ont un niveau très important et une originalité. Cela est très important, j’ai toujours dit qu’on ne fera jamais mieux le reggae que les Jamaïcains. Pour avoir visité ce pays, je sais de quoi je parle. Le reggae est leur truc, c’est eux qui l’ont créé et il est dans leur sang. Mais, on peut prouver que les Jamaïcains eux-mêmes viennent d’Afrique. Si vous êtes Burkinabè, même si vous avez la nationalité kényane, on saura qu’il y a quelque chose de burkinabè en vous. Et cela, les Jamaïcains le savent et nous, on peut prouver qu’ils viennent d’ici à travers notre musique en y associant nos instruments traditionnels. C’est ce que j’ai fait avec l’album qui est sorti en 2015 et qui s’appelle « Racines». J’ai repris des classiques jamaïcaines en y ajoutant le balafon, la kora, etc., et ça a donné une sauce assez intéressante qui est la preuve que les Jamaïcains viennent de l’Afrique.

 

Combien d’albums avez-vous aujourd’hui à votre actif ?

 

En à peu près vingt ans de carrière, je suis bientôt à mon 11e album. C’est à peu près un album tous les deux ans. Ce onzième album dont la sortie est prévue pour le 17 mai prochain, est baptisé « Le monde est chaud », il parle du réchauffement climatique, de migration, des jeunes qui veulent abandonner l’Afrique à cause du dollar ou de l’euro, de mon amour pour l’Afrique, de faits de société, etc.  C’est un album dont les thèmes sont très variés.

 

Quelle est la particularité de cet album ?

 

La particularité de cet album, c’est que c’est un retour aux sources, parce que depuis 2007, les Africains trouvaient que je m’éloignais un peu du rythme qu’ils aiment dans mon reggae. Certains disaient sur les réseaux sociaux que je fais du reggae maintenant pour les Blancs. Donc, cette fois-ci, on a décidé de revenir aux sources. On a enregistré l’album à Abidjan avec des artistes ivoiriens dans un studio ivoirien que moi-même j’ai monté. Donc, on pourrait dire que c’est le retour de Tiken Jah aux sources. Mais, je ne regrette pas d’avoir ouvert ma musique aux autres, ce que d’aucuns appelaient le reggae pour les Blancs. Nous avons un message très fort pour l’Afrique, et le message est très important pour moi. Et pour attirer un Blanc de 70 ans, il faut mettre quelque chose dans la musique qui puisse l’amener à écouter votre message. Pour attirer un petit français ou espagnol qui a 8 ans, il est important de faire passer le message à travers un feeling qui peut le motiver. Voilà pourquoi nous avons fait cela. Aujourd’hui, notre notoriété s’est agrandie et nous pouvons nous permettre certaines choses. Même le reggae que je fais aujourd’hui, je suis sûr que le vieux de 78 ans va chercher à l’écouter, parce qu’il a adopté Tiken Jah. Cela dit, les fans vont sentir dans nom onzième album, les mêmes vibrations que celles qu’ils ont senties en écoutant l’album « Cours d’histoire » ou l’album « Mangercratie ».

 

Selon vous, comment cet album sera-t-il accueilli par vos fans?

 

L’album sort le 17 mai mais déjà, on sent qu’il sera bien accueilli parce que la maison de disques Universal music a mis le paquet au niveau de la promotion et moi, j’ai décidé de faire la promotion de l’album en Afrique avant que la maison de disques Universal music ne me prenne en otage pour la promotion en Europe qui doit débuter très bientôt. Je pense que cet album sera à la hauteur des attentes des fans.

 

Tantôt vous êtes en Côte d’Ivoire, tantôt au Mali. Dites-nous, où vivez-vous exactement ?

 

Je vis au Mali, je suis un panafricaniste convaincu, j’appartiens à tous les pays africains, je me sens Africain dans la peau. Quand je viens au Burkina, je ne me sens pas étranger, je me sens chez moi, les Burkinabè me le prouvent et quand je vais en  Guinée, c’est la même chose. Je vis au Mali mais, je vais en Côte d’Ivoire, j’y ai investi, j’y ai réalisé une radio, une bibliothèque reggae, un studio d’enregistrement, deux salles de spectacles, etc.  Je vis au Mali et il n’y a pas d’urgence de retourner en Côte d’Ivoire parce que je suis chez moi aussi au Mali.

 

Pourquoi avez-vous décidé de vivre au Mali?

 

Lorsque je suis parti en exil, j’ai voulu prouver qu’il y a des pays stables en Afrique. J’avais deux choix : aller au Burkina ou au Mali. Mais, j’ai choisi le Mali parce qu’il est plus proche du Nord de la Côte d’Ivoire d’où je suis originaire et où ma mère vivait. Donc, les échanges étaient plus faciles au regard de la proximité entre les deux localités. En plus de cela, le Mali constituait à l’époque un espoir sur le plan démocratique parce qu’il y avait l’alternance. Après le coup d’Etat, Amadou Toumani Touré alias ATT a fait deux mandats à l’issue desquels, il a cédé le pouvoir à Alpha Omar Konaré avant de revenir pour deux autres mandats. Donc, c’est un pays qui donnait de l’espoir. C’est pour toutes ces raisons que mon choix a porté sur le Mali.

 

En tant qu’artiste engagé, quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

 

Les difficultés qu’on rencontre, c’est les censures. C’est vrai qu’aujourd’hui, il est difficile de censurer un artiste parce qu’avec internet, chacun a sa télé, sa caméra, etc. Donc, ce n’est pas évident de pouvoir le faire mais à l’époque du parti unique, c’était une triste réalité parce qu’il n’y avait qu’une télé et une radio. Quand vous chantez « Allez dire aux hommes politiques qu’ils enlèvent nos noms dans leur business », ça ne pouvait pas passer à la radio ni à la télé parce que vous ne pouvez pas faire une émission avec ça.  En plus des censures, il y a également les interdictions de séjour dans les pays. A moins que le nouveau régime ait pris une autre disposition, sinon, l’ancien régime congolais m’avait interdit de rentrer au Congo Kinshassa en 2015. De 2007 à 2010, j’étais également interdit de séjour au Sénégal. Ce sont des choses que nous vivons mais qui ne nous dérangent pas parce que c’est le prix à payer. Le reggae est en mission pour réveiller le peuple africain, celui qui ne veut pas accepter cela, c’est son problème mais, rien ne peut nous arrêter. En plus de la société civile qui se réveille, il faut une musique pour accompagner cette société civile et je considère que nous sommes la branche musicale de la société civile.  Ni les censures, ni les interdictions de séjour ne peuvent nous arrêter. Nous, nous avons décidé de faire le reggae et même si on nous empêche de gagner de l’argent ici en Afrique, les Européens nous soutiennent parce que grâce à nous, ils arrivent à comprendre ce que c’est que la françafrique, les complots de leurs hommes politiques contre l’Afrique. Donc, nous avons beaucoup de soutiens en Europe et cela nous permet de vivre et nous avons l’intention de continuer parce que le reggae, c’est la voix des sans voix.  Et l’Afrique a besoin aujourd’hui de voix.

 

Justement, quelle appréciation faites-vous du combat qui est mené aujourd’hui sur le continent par les OSC de façon générale?

 

C’est un combat positif parce que personne ne viendra changer l’Afrique à notre place. Les Africains attendent beaucoup de Dieu. C’est vrai que je suis  croyant pratiquant mais, il faut savoir que Dieu nous a donné les bras pour aller prendre ce qu’on a envie de prendre, les pieds pour marcher vers ce qu’on a envie de prendre, la tête pour réfléchir, les oreilles pour entendre, les yeux pour voir, le nez pour respirer, la bouche pour manger et parler, et à nous maintenant d’agir.

 

« Dieu ne soutient que des actions »

 

Dieu ne soutient que des actions. Si le peuple burkinabè se lève aujourd’hui comme un seul homme pour chercher quelque chose, il l’obtiendra. On a des exemples palpables aujourd’hui, à travers la lutte du peuple algérien, qui est en train de faire tomber des barrières. Il a fait tomber le grand Bouteflika qui se croyait éternel et continue de faire tomber d’autres grandes figures de son régime. L’autre exemple, c’est le peuple soudanais qui a infligé une correction à Omar El Béchir. Les Occidentaux ont tenté en vain de l’arrêter mais aujourd’hui, c’est le peuple qui lui a donné la correction qu’il faut. Donc, c’est le peuple qui a, en réalité, le pouvoir. Mais, comme nos populations sont en majorité analphabètes, tout le monde profite pour les manipuler. Donc, c’est la société civile qui est en train de les réveiller malgré leur analphabétisme.  Je pense que la société civile joue un grand rôle et il faut saluer son courage et l’inviter à faire très attention au matériel. Ma philosophie, c’est que le matériel est moins important. Cela est d’autant plus vrai qu’à chaque fois que je vais au cimetière, personne n’est enterré avec de l’argent. Même quand tu es le plus riche du pays, quand tu meurs, on ne t’appelle plus par ton nom, on dit le corps. On est même pressé  que tu sortes de la maison que tu as construite pour que ton odeur ne dérange pas. C’est pourquoi, il faut faire attention au matériel. Seules les actions qu’on pose, restent après notre mort. Donc, j’invite la société civile à continuer le combat car, elle a un rôle  important à jouer dans le processus de réveil de l’Afrique.

 

Que pensez-vous des chefs d’Etat africains qui modifient les Constitutions de leur  pays pour s’accrocher au pouvoir ?

 

Les chefs d’Etat qui modifient les Constitutions de leur pays pour rester plus longtemps au pouvoir, ont vu cela dans les yeux de leur peuple. Est-ce qu’Emmanuel Macron peut modifier la Constitution de son pays pour prolonger son bail à la tête de son pays? Il ne peut même pas en rêver. On dit que chaque peuple mérite ses dirigeants. Donc, je pense que ce sont les peuples qui doivent interdire les modifications des Constitutions qui permettent aux chefs d’Etat de s’accrocher au pouvoir. La preuve a été donnée au Burkina Faso que le peuple ne voulait pas de modification de Constitution et quel que soit le résultat aujourd’hui, on peut dire que c’est le peuple qui a pris le pouvoir au Burkina sauf que cette prise de pouvoir a été entachée un peu par l’incivisme. J’aime le Burkina et quand on est ami, il faut se dire la vérité. Quand je circule aujourd’hui dans les rues de Ouagadougou, je constate que les gens roulent mal, chacun passe où il veut, certains roulent à moto sans casque. On ne peut rien construire dans le désordre, et c’est l’occasion de dire aux Burkinabè que le peuple a pris le pouvoir mais le peuple est en train d’abuser du pouvoir comme on le disait à l’endroit des dirigeants. On a posé un acte important et on veut profiter de cela pour dire que c’est moi qui ai fait ceci ou cela. Dans un pays, s’il y a le désordre, il ne peut pas avancer. N’importe quel Burkinabè qui va en Europe, dès qu’il sort de l’aéroport, il prend sa ceinture dans le véhicule et cela, sans qu’aucune personne ne le lui recommande parce qu’il sait qu’il y a de l’ordre.  Un Burkinabè qui va en France, s’il veut rouler une moto, il va porter son casque mais, sur le sol burkinabè, les gens ne portent pas de casque. J’espère que le peuple burkinabè fera tout pour ne pas entacher le geste qu’il a fait et qui lui vaut aujourd’hui une grande admiration. J’espère qu’il reviendra à la raison et que les gens vont porter régulièrement des casques parce qu’on ne le porte pas pour maman ou pour l’Etat, mais pour soi-même. Je ne suis pas au Burkina, mais je sais que par mois, il y a des gens qui meurent en circulation parce qu’ils n’ont pas porté de casque. Les 90 % de morts en moto, le sont pour cause de traumatismes crâniens. Et ce n’est pas Dieu qui va descendre pour nous sensibiliser sur le port de casque.   Dieu a mis dans la tête d’un humain que le port de casque peut le protéger en cas d’accident et nous devons faire l’effort de comprendre cela. Celui qui pense que  Dieu descendra du ciel pour lui parler, se trompe, car Dieu s’adresse toujours aux humains à travers leurs semblables.  Je veux dire à mes frères Burkinabè que nous avons ressenti une telle fierté, qu’ils ne doivent pas amener certains à nourrir des sentiments de regret.

 

Quelle lecture faites-vous de la situation que vit aujourd’hui le Burkina, notamment les attaques terroristes ?

 

C’est une situation difficile qu’il convient d’analyser et j’espère que ce n’est pas vrai ce que je pense. Comment le Burkina peut-il se faire attaquer ? Il n’a pas de problème avec les islamistes. Au Burkina, les musulmans et les chrétiens vivent en symbiose et c’est quand même étonnant que subitement, le pays soit en proie à des attaques terroristes. Il y a lieu de se poser des questions et je pense que beaucoup de personnes pensent comme moi que ces attaques sont peut-être des provocations pour « faire regretter » et c’est dommage. Il y en a qui disent que c’est l’Occident qui en est responsable, d’autres, le contraire. Tout ce que je sais, c’est que le Burkina fait partie des pays qui étaient moins dans l’œil du cyclone terroriste. Comment se fait-il donc que brusquement, le Burkina fasse l’objet d’attaque au point d’enregistrer 300 morts ? J’espère que ceux qui font cela vont revenir à la raison car, ni le Burkina, ni le Mali n’ont besoin de cela. Et c’est peu dire que les hôtels, les emplois, etc., doivent en  souffrir. Quand on aime un pays, on ne peut que déplorer une telle situation et moi, je déplore ce qui arrive au Burkina.

 

Quelle peut être la contribution des artistes pour lutter contre ce fléau ?

 

La contribution des artistes, c’est la sensibilisation, dire aux populations de faire attention et inviter les dirigeants à prendre les dispositions nécessaires pour y faire face. Du reste, ils ne peuvent qu’aller dans ce sens et ils ont intérêt parce que le peuple burkinabè, est l’un des peuples les plus éveillés de l’Afrique. Je pense qu’ils sont conscients et font tout pour mettre fin à cette situation. Mais, le terrorisme est quelque chose d’assez spécial, même le pays le plus puissant de la planète, les Etats-Unis, est confronté  à ce fléau. C’est un phénomène qui ébranle le monde, donc, on ne peut pas accuser forcément les autorités, il faut plutôt analyser la situation en vue de trouver des solutions. Le rôle que les artistes peuvent jouer, c’est d’en parler et de souhaiter que des solutions soient trouvées pour que s’estompent ces attaques-là.

 

Quels sont les projets de Tiken Jah pour la jeunesse africaine ?

 

Les projets de Tiken Jah pour la jeunesse africaine, sont des projets qui ont déjà commencé. Nous avons construit un complexe à Abidjan, au sein duquel il y a une radio pour faire la promotion de la musique reggae et bien entendu d’autres musiques, puisque la radio est ouverte à tous. Nous avons également deux salles de répétition, un studio d’enregistrement et je viens d’inaugurer une bibliothèque reggae et dans un an, il y aura une autre bibliothèque à Bamako, etc. La jeunesse m’a aidé à être ce que je suis, et il est important pour moi de donner une partie de ce que je gagne à cette jeunesse-là à travers des actions. En plus de ces œuvres, il y a également le projet « Un concert, une école », à travers lequel nous avons construit 6 établissements en Afrique, dont deux écoles en Côte d’Ivoire, un collège au Mali, une école au Burkina, une école au Niger. J’essaie d’apporter ma modeste contribution au développement du continent africain à travers des actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation.

 

Quel est le secret du succès de Tiken Jah ?

 

Le secret de mon succès, c’est la constance. Depuis que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai décidé d’être un éveilleur des consciences à travers ma musique et à travers mes interviews et je suis resté le même, je n’ai pas voulu abandonner le peuple. Je suis constant et je pense que c’est ce qui me vaut aujourd’hui le respect de la jeunesse africaine et j’espère ne pas la décevoir parce que quand on décide de faire le reggae, quand on décide de mener le combat de Bob Marley, il faut rester constant et c’est ce que j’essaie de faire.

 

Quel message avez-vous à l’endroit des jeunes qui veulent réussir leur carrière musicale comme vous ?

 

Ce que je peux conseiller aux jeunes qui veulent réussir dans la musique, c’est de rester constant, d’avoir des messages forts et surtout avoir de l’originalité.  On ne fera jamais mieux le reggae que les Jamaïcains. Donc, si quelqu’un veut faire le reggae, il faudrait qu’il y associe les instruments de son village de sorte à ce que le son de ces instruments fasse la différence, entre son reggae et ceux des Jamaïcains, de Tiken Jah et d’Alpha Blondy.

 

Quelle est la situation matrimoniale de Tiken Jah ?

 

Tiken Jah est un père de famille qui est marié et qui a des enfants. Je n’aime pas parler de ma vie privée, parce que je suis un soldat au combat, je préfère prendre les balles, je ne veux pas qu’elles touchent à mes enfants, à ma famille. Voilà pourquoi je n’aime pas parler de ma vie privée. Je vais avoir 51 ans en juin prochain, et si quelqu’un de mon âge n’a pas de femme ni enfant, c’est qu’il a un problème et moi Tiken, je n’ai pas un problème (Eclats de rire).

 

Avez-vous des enfants qui veulent suivre vos pas ?

 

Oui, j’ai des enfants qui veulent suivre mes pas. Mais moi, je leur demande des diplômes, de  m’envoyer un diplôme et si l’enfant a plus de 18 ans, il peut se lancer dans ce qu’il veut faire. Comme ça, si un jour, ça ne marche pas, et comme je pense à ma descendance, je vais lui dire d’arrêter et d’aller faire autre chose  pour assumer ses responsabilités. Sinon que j’ai un garçon qui joue au clavier, qui chante un peu.  Il est au Maroc mais, il ne m’a pas encore fait écouter ce qu’il fait. Quand il m’envoie des choses, je lui demande à quand a lieu son examen. Voilà comment je lui réponds. Je fais cela parce que nous, nous avons tellement souffert pour être ce que nous sommes aujourd’hui. Il est tellement difficile d’émerger dans ce métier qu’il vaut mieux avoir un plan B. Même moi, j’avais un plan B. Mon père m’avait appris à vendre des moutons, on allait au Mali pour acheter des moutons pour les revendre. A la veille de chaque Tabaski,  on allait au Mali acheter des moutons qu’on revendait en Côte d’Ivoire et si la musique ne marchait pas, c’est ce métier que je maîtrise que j’allais exercer.  Donc, je demande toujours un plan B à mes enfants.

 

Quels sont vos meilleurs et vos mauvais souvenirs ?

 

Mon meilleur souvenir, c’est mon premier concert dans ma ville natale. En 1997, j’ai été accueilli comme une méga star dans ma ville natale où j’ai commencé la musique et où personne ne croyait que j’allais y arriver. A mes débuts, quand je sortais avec mes guitares et mes musiciens, certains nous lançaient des propos du genre : « Regarde ceux-là, qu’est-ce qu’ils s’en vont faire même? Ils croient qu’ils vont devenir des artistes ? » Quand j’ai sorti mon album à succès « Mangercratie » en 1996,   je suis allé faire un concert dans ma ville natale dans un stade où étaient réunies plus de 30 000 personnes, cela a été mon meilleur souvenir. Le son n’était pas bon mais quand j’ai entonné une chanson, tout le monde s’est mis à chanter.

Mon mauvais souvenir, je pense que c’est parce que la balle a atteint sa cible qu’on a été interdit de rentrer au Congo Kinshassa en 2015. Ce jour-là, j’étais un peu énervé, parce que quand vous faites la publicité en disant à vos fans que vous serez là, que des milliers de fans vous attendent et que finalement vous n’êtes pas là, cela fait mal. C’est quelque chose qui m’a un peu choqué mais, ça fait partie des risques du métier.

 

Un mot en guise de conclusion ?

 

C’est de dire aux Burkinabè qu’ils sont un peuple que toute l’Afrique adore, qu’ils sont un peuple courageux et qu’ils ne doivent pas gâcher cette étiquette avec l’incivisme. Quand il n’y a pas d’ordre, c’est le désordre et on ne construit rien dans le désordre. Le Burkina a donné un fils à l’Afrique qui a ouvert les yeux à tous les Africains, qui nous a redonné la dignité après l’indépendance. Après cette période de souveraineté, nous avons eu des présidents comme les Houphouët Boigny qui étaient des valets, des préfets de la France. Mais Quand Thomas Sankara est arrivé au pouvoir, il a fait comprendre qu’on a été esclavagisés, colonisés mais qu’après avoir conquis l’indépendance, il fallait maintenant qu’on lève la tête devant le président français. C’est un geste qui a marqué tous les Africains et les Burkinabè doivent, même s’ils le sont déjà, être encore plus fiers de Thomas Sankara. Ce monsieur-là a donné la dignité aux Burkinabè.  Avant, les Burkinabè n’avaient pas une bonne image en Côte d’Ivoire, ils étaient considérés comme des personnes qui ne savaient faire que des travaux champêtres, etc, mais quand Thomas Sankara est arrivé et qu’il a regardé Houphouët droit dans les yeux, en lui disant que l’image du Burkinabè d’avant est derrière nous et que c’est un nouveau Burkinabè qui  est là, cela m’a marqué. Je vais vous raconter une histoire :   quand les ministres burkinabè venaient en Côte d’ivoire au temps de Sankara et qu’ils étaient habillés en faso danfani, nous, on rigolait parce qu’on avait mis dans notre tête que le ministre normal, c’est celui qui est en costume. Mais, quand je suis arrivé au Burkina, j’ai couru acheter un faso danfani pour être à la mode parce que c’est cette tenue-là qui est à la mode. C’est pour dire que le mensonge prend l’ascenseur et la vérité l’escalier mais, la vérité arrive toujours avant le mensonge.

 

Interview réalisée par Dabadi ZOUMBARA

 

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