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SHANAZ HUSSEINI, DIRECTRICE DU SANCTUAIRE ANIMALIER DE ZINIARE, SPECIALISTE DU TOURISME ENVIRONNEMENTAL: « C’est triste qu’on ait besoin d’aller en Europe ou dans d’autres pays pour voir des animaux qui viennent de chez nous »

Libanaise d’origine, Shanaz Husseini est une jeune spécialiste du tourisme environnemental. Née à Ouagadougou où elle a grandi, elle poursuit ses études au Sénégal puis au Canada en journalisme-communication avant de regagner le Burkina Faso en 2017. Amoureuse de la nature et passionnée des animaux, elle va vivre sa passion en devenant en 2020, la directrice du parc animalier de Ziniaré qu’elle rebaptisera Sanctuaire Animalier de Ziniaré.

A travers cette interview exclusive qu’elle a bien voulu nous accorder, Dame Shanaz nous parle de sa passion, de ses projets pour le tourisme burkinabè, de son quotidien, de son trophée BUMO remporté en juin dernier, revient sur les difficultés rencontrées, jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè, aborde sans détour d’autres projets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

 

Evasion : Comment allez-vous ?

Shanaz Husseini : Je vais bien malgré la situation difficile que traverse le Burkina Faso en ce moment. Je pense qu’elle est difficile pour tout le monde mais on reste optimiste.

 

D’où vient cette passion pour les animaux et le tourisme ?

C’est depuis longtemps. Moi j’ai toujours adoré le contact des gens et l’organisation d’évènements, la mise en avant de notre patrimoine. J’adore les animaux depuis toute petite et depuis trois ans j’ai décidé de m’investir au parc animalier de Ziniaré, le parc présidentiel.

 

Avez-vous rangé votre diplôme en journalisme-communication ?

Oui, ma passion c’est ma passion, c’est du bénévolat. Sinon, je suis commerciale dans la société familiale avec mon papa. Le journalisme et la communication sont en même temps loin derrière moi et non. Avec mon association, ce volet m’y plonge car on a besoin de beaucoup communiquer. Je prends beaucoup la parole par rapport à ce qui nous tient à cœur. Et par rapport au journalisme, j’écris beaucoup.

 

Depuis quand le parc est-il sous votre direction ?

C’est depuis février 2020.

 

Ce parc que vous avez baptisé sanctuaire présente-t-il le même visage ?

C’est très différent parce qu’il y a eu drames là-bas, beaucoup d’animaux emblématiques sont morts. Maintenant c’est une autre image qu’on montre. Nous ne sommes plus en zoo, voilà pourquoi on parle de sanctuaire animalier de Ziniaré. Sur le moyen et long terme, nous avons une vision pour le Burkina Faso. Il se veut un vrai centre de conservation, de tourisme, de recherche et de formation pour l’environnement et le patrimoine burkinabè. C’est l’image que nous essayons de donner à notre niveau.

 

Que pensez-vous de ceux qui quittent le Burkina Faso pour aller voir les animaux ailleurs ?

C’est ce que nous aimerions arrêter. C’est triste qu’on ait besoin d’aller en Europe ou dans d’autres pays pour voir des animaux qui viennent de chez nous. C’est pourquoi il est très important de préserver ce qu’on a chez nous. Le Burkina Faso abrite des espèces emblématiques de lions, d’hippopotames, d’hyènes… Toutes ces espèces qui n’existent quasiment pas à l’espèce naturelle. Il est de notre devoir de les protéger et de faire en sorte que les étrangers viennent chez nous pour les voir.

 

Retrouve-t-on ces espèces emblématiques à votre niveau ?

Oui on en trouve évidemment.

 

Les visiteurs s’intéressent-ils actuellement au sanctuaire ?

Avec la question sécuritaire actuelle, l’affluence est moindre et cela pèse sur nous car c’est sur ça que repose la survie de nos projets. Mais on ne se plaint pas, les gens viennent, ils sont curieux et on espère avoir les moyens pour avoir encore plus d’espèces. Il y a beaucoup d’espèces du Burkina Faso à sauver.

Quel est le rêve qui vous tient le plus à cœur ?

J’espère qu’un jour, les gens viendront d’un peu partout pour voir notre réserve, se balader dans un espace typique et naturel du Burkina Faso à la recherche de toutes ces espèces qu’on ne retrouve pas ailleurs. C’est ça mon rêve, devenir un lieu incontournable de l’Afrique de l’Ouest en matière de tourisme environnemental, autant faunique que florique.

 

Quelle est la difficulté majeure d’une jeune promotrice touristique comme vous ?

C’est l’aspect financier d’abord parce que s’occuper d’animaux sauvages est très compliqué du fait que nous soyons bénévoles et autodidactes. Dans la branche du tourisme, il faut une certaine connaissance mais on est très bien accompagné.

 

Au-delà de l’aspect sécuritaire, pensez-vous que le tourisme burkinabè se porte bien ?

Non, je ne pense pas. Mais je suis très contente ce dernier mois, car le ministère de la Culture et les différentes structures associées au tourisme, notamment l’Office National du Tourisme Burkinabè (ONTB), essayent de mettre en valeur ce patrimoine. Avant de penser aux gens de dehors, il est important que les Burkinabè essayent de connaître leur propre pays. Je reçois des visiteurs de 40 à 50 ans qui n’ont jamais vu un lion ou un hippopotame alors qu’il y a des lieux qui sont actuellement accessibles, où on peut aller les voir. J’espère qu’on va arriver à donner un intérêt au patrimoine burkinabè.  Et je pense qu’on est sur la bonne voie.

 

Tourisme et musique riment ensemble, quel est votre regard sur l’évolution de la musique burkinabè ?

La musique n’est pas mon domaine premier, je ne voudrais pas me prononcer mais j’ai mes goûts. Pour avoir grandi ici au Burkina Faso, j’ai découvert divers genres musicaux. Mais je trouve triste qu’on laisse la vraie musique burkinabè pour mettre en valeur d’autres styles musicaux qui ne sont pas vraiment de chez nous. Je crois qu’on doit appuyer les vrais artistes burkinabè et les vrais instruments et mélodies d’ici.

 

Vivez-vous de votre passion ?

(Eclat de rire) … Pas encore. Mais je crois que ce sera le cas un jour car j’y crois fermement.

 

Quel est votre message particulier à l’endroit de nos lecteurs ?

Je crois qu’il est très important pour nos citoyens du Burkina Faso et d’Afrique de se rendre compte que sans l’environnement, la nature et la culture qui nous entourent, si nous perdons ces valeurs, nous n’irons pas loin. Nous devons arrêter de calquer les autres et assumer nous-mêmes notre responsabilité. Notre patrimoine est notre force. Le Burkina Faso est l’un des plus riches pays que j’ai connu dans ma vie en termes de patrimoine et de culture. Nous devons nous faire confiance ; en nous faisant confiance, les autres nous feront confiance.

 

Avec le regard dans le rétroviseur, ne regrettez-vous pas ce choix dans le tourisme ?

Même si c’est très difficile comme tout projet, je ne regrette pas, je le referais vingt fois.

 

Peut-on savoir votre quotidien ?

Je suis très active du fait d’avoir deux activités, le volet de la passion est aussi à temps plein. Je consacre la matinée à mon travail commercial au niveau de ma société et mes soirées à l’association. Je suis maman, ça aussi c’est un autre travail. (Eclat de rire) …

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

Je suis mariée et je suis mère d’un petit garçon qui s’appelle Naël et qui a eu un an il y a de cela quelques jours. Il adore beaucoup les animaux.

 

Que feriez-vous si votre enfant décidait de suivre vos traces dans le domaine du tourisme ?

Ça sera avec un grand plaisir et je vais l’encourager. C’est un métier à part entière.

 

Les femmes ne sont-elles pas rares dans votre domaine ?

Effectivement elles ne sont pas nombreuses. Mais avec l’association, nous allons commencer un nouveau projet en septembre prochain avec les femmes de Ziniaré et des femmes déplacées internes pour les former en ce qui concerne l’aspect maraîchage. Moi-même j’essaie de recruter des femmes au sanctuaire car je lutte contre le fait qu’on pense que la femme doit être seulement au foyer.

 

De quelle association parlez-vous ?

Il s’agit de l’association pour la protection de la faune et de la flore au Burkina Faso que je préside. Elle a été créée en 2020, elle appuie des femmes, d’autres associations et des projets de l’école annexe.

 

 

Que représente pour vous le trophée BUMO dans la catégorie tourisme que vous avez remporté en juin dernier ?

C’est un grand honneur pour moi, pour ce travail encore petit et qui est déjà vu, apprécié et récompensé. Et je pense que c’est le début de quelque chose aussi. Ce trophée m’a ouvert des portes.

 

Quel est l’apport du ministère de la Culture et du tourisme envers vos actions de promotion touristique ?

Le ministère commence à parler de plus en plus du sanctuaire, on a été approché pour discuter de comment mettre cela en avant.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

Je souhaite que la paix revienne au Burkina Faso et que nous apprenions à vivre à l’unisson pour le bien de notre pays. Merci à toute l’équipe du journal Evasion pour cette marque de considération.

 

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

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