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SEBASTIEN BAZEMO, STYLISTE-CREATEUR DE MODE: « L’argent fait que certains pensent qu’ils sont supérieurs aux autres »

Sébastien Bazemo, plus connu sous le pseudonyme de Bazem’sé, est un prodige de la mode burkinabè. Originaire de la localité de Réo, le chef-lieu de la province du Sanguié dans le Centre-Ouest du Burkina Faso, il est né à Abidjan où il a grandi et fait ses premiers pas dans la couture. Styliste et créateur de mode, il est le précurseur du koko dunda, voyage à travers le monde et possède plusieurs trophées au compteur dont le tout premier décroché en 2000 en Côte d’Ivoire et qui est « l’aiguille d’or » au festival YEYE.

A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, il nous parle de ses débuts dans la mode, de sa passion, de son passage dans le mannequinat, jette un regard critique sur l’évolution de la mode burkinabè, revient sur son génie créateur qui l’a guidé vers le koko dunda, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

EVASION : comment allez-vous ?

 

Sébastien Bazemo : ça va très bien.

 

C’est en 1992 que vous débutez dans la couture auprès de votre oncle à Abidjan, quels souvenirs gardez-vous de cette période, 30 ans après?

 

Je garde de très bons souvenirs de cette époque que j’ai envie de revivre. Comme notre monde évolue, on ne peut plus repartir en arrière pour vivre ces instants.

 

Pourquoi avoir marqué une pause pour se retrouver dans le mannequinat ?

 

Le mannequinat c’était un plaisir de le pratiquer. Je n’y suis pas parti pour y faire une carrière. La vraie passion pour moi c’était la mode. C’est le fait de regarder les défilés de mode et autres revues où l’on retrouvait des shootings de mannequins qui m’a donné cette envie de le pratiquer.

 

 

Est-ce le fait d’avoir eu un oncle couturier qui a suscité ce déclic en vous ?

 

 

Non pas du tout. J’étais passionné de la couture depuis l’école primaire. Le beau m’attirait toujours. J’aimais regarder les modèles des stars hollywoodiennes. Quand je regardais les films, ce sont les modèles des acteurs que j’observais.

 

Peut-on dire que vous avez la chance puisque déjà à vos débuts en 2000, vous remportez le prix « l’aiguille d’or » au YEYE à Abidjan ?

 

Le métier ne m’a pas choisi, c’est moi qui l’ai choisi. Je suis né pour faire la mode. En 2000, quand je recevais ce trophée, je voulais marquer ma carrière et dire qu’on n’a pas besoin de gros diplômes pour réussir dans la vie. Dès le début, les parents ne voulaient pas que je fasse la mode.

 

Pourquoi avoir choisi de quitter Abidjan pour vous installer à Ouagadougou ?

 

C’était un choix. Je suis venu au Burkina pour la première fois en 2004 car je suis né en Côte d’Ivoire où j’ai grandi. Et les parents nous traumatisaient en disant qu’ils allaient nous envoyer au village lorsqu’on ne travaillait pas à l’école. C’est pour parler de Burkina qu’ils disaient le village. On n’avait pas une belle image du Burkina. Quand on nous montrait les films, c’était les cases et des vélos. Mais j’ai dit un jour à ma mère que je veux aller découvrir mon pays et connaître ma famille. Après deux semaines de séjour, j’ai aimé le Burkina bien que je venais d’une grande capitale qui est Abidjan. Le paradoxe c’est qu’en Côte d’Ivoire on nous traite d’étrangers et au Burkina on nous traite de Diaspo. C’est ici même que j’ai entendu ce mot pour la première fois. Quand je suis reparti après ce bref séjour, il y a quelque chose qui m’attirait au bercail. Et trois mois après, j’y ai débarqué. Le Faso dafani m’attirait et les gens étaient avant-gardistes.

 

Vos débuts ont-ils été faciles au Burkina ?

 

Tout début n’a jamais été facile mais quand on a la volonté on peut y arriver. Dans la même semaine après mon installation, je perds mon téléphone portable dans un taxi. Je me suis dit que là ça commence bien. (Il éclate de rire)… A un moment, je me suis découragé et je suis allé dire à mon grand-père que je vais retourner à Abidjan. Il m’a dit que si je retournais, de ne pas venir à ses funérailles après sa mort. Donc, il fallait finalement rester.

 

Quelle est la petite histoire du surnom Bazem’sé ?

 

C’est un cousin qui m’a donné ce surnom Bazem’sé qui veut dire « vient on va s’entendre » dans ma langue. Quelques années plus tard, lorsque je voulais m’installer, j’ai pris ce surnom qui est également un mixage de mon nom et prénom.

 

Que devient votre projet de défilé international de mode dénommé « Folie de mode » ?

 

« Folie de Mode » continue son chemin. On devrait être à la 15e ou 17e édition car on a sauté des années sans l’organiser. Le sponsoring cause problème et j’ai opté pour en faire une biennale. C’est par amour qu’on organise ces genres d’évènements, les sponsors sont réticents quand il s’agit de la mode ici au Burkina. Et si Dieu le veut, on aura la 11e édition en octobre prochain.

 

Etes-vous satisfait d’avoir fait briller le koko dunda tant au Burkina qu’à l’extérieur des frontières ?

 

Je suis très satisfait. Il y a des gens qui disent que ce pagne existait depuis longtemps, mais pour le propulser, il a fallu quelqu’un. Je suis désolé de certaines réactions. Il a fallu le génie créateur pour booster le koko dunda. Aujourd’hui, nos mamans ont doublé, voire triplé leurs chiffres de ventes de ces pagnes. C’est un pari de gagné. Malgré qu’on ne soit pas soutenu, je pense que j’ai contribué à l’évolution de la mode burkinabè.

 

Qu’est-ce qui a guidé votre génie vers le koko dunda ?

 

Nous les créateurs de mode avons toujours envie de faire sortir notre génie créateur. Bien que je ne sois pas né au Burkina et ne connaissant pas certains tissus locaux, je l’ai découvert au village. Ce sont les grands-mères qui aiment attacher ce pagne. Et, j’ai appris par la suite que c’est un pagne des pauvres. Je me suis dit que s’il y a les pauvres, donc il y a les riches. Alors que selon moi, nous sommes tous pareils. L’argent fait que certains pensent qu’ils sont supérieurs aux autres. On meurt tous et on est enterré de la même manière. Je me suis dit si les pauvres le portent, les riches vont le porter aussi. Et tout est parti à partir de la première collection.

 

Quel est votre regard sur l’évolution de la mode burkinabè ?

 

Elle évolue positivement. J’ai connu des clientes qui expédiaient leurs pagnes et autres tissus en Côte d’Ivoire auprès des stylistes. J’ai fini par comprendre que nous les Burkinabè nous avons la créativité mais nous n’allons pas au bout des derniers détails. Nous travaillons pour donner la force à notre génération.

 

Qu’avez-vous à dire aux plus jeunes qui veulent suivre vos pas dans la mode ?

 

Je les encourage dans ce sens. Souvent, je rencontre des jeunes qui cherchent à savoir s’ils peuvent y réussir car ils sont de familles pauvres. Alors que moi-même, je ne suis pas issu d’une famille riche. Dans la vie, aide toi et le ciel t’aidera. Je vois des jeunes qui ouvrent des boutiques de mode sans connaître la couture. Je leur demande d’aller dans une école de couture pour apprendre la base.

 

Pourquoi votre marque passe de Bazem’sé à Sébastien Bazemo ?

 

C’est vrai que ça dérange certaines personnes parce qu’elles sont habituées à Bazem’sé. Il y a deux ans, j’ai eu un appel à projet, j’étais le seul à être sélectionné au niveau de la mode. Il y a eu une réflexion d’experts sur le nom. Ensuite, quand je voyage à travers le monde, toutes les grandes maisons de mode portent le nom de leur créateur. On a donc jugé bon de garder créateur Sébastien Bazemo qui est mon nom. Il va y avoir une collection Bazem’sé. Et tout ça c’est le Burkina qui gagne.

 

Quel est votre quotidien ?

 

C’est un quotidien toujours chargé quand on a une grande équipe derrière soi. Toutes les tenues sont contrôlées par moi-même. Je donne du boulot aux employés et je suis obligé de contrôler tout ce qui a été fait. Il y a d’autres services à gérer, sortir aller voir mes tisseuses particulières sans oublier les rendez-vous à gérer ?

 

Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père de deux enfants.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

J’adore entreprendre alors que ça nous prend énormément de temps. J’ai des cheveux qui blanchissent alors que je ne suis pas aussi vieux que ça. (Il éclate de rire)…

Je préfère travailler pour moi-même. Merci à votre magazine et à toute votre équipe. Merci à tous ceux qui soutiennent la mode et vivement que la paix revienne au Faso.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

 

 

 

 

 

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