Arts et culture

SANKARA: Ils l’ont tué

Ceci est un poème de Bernard Montouo en honneur du père de la Révolution burkinabè.

Bernard Montouo est un poète et écrivain ivoirien résidant au Canada où il enseigne la philosophie. Il est titulaire d’une licence en lettres et est par ailleurs docteur en philosophie sociale et politique. Lisez plutôt.

 

 

Thomas Sankara

 

Ils l’ont tué,

Les vampires de la finance

Qui espionnaient son sang

Dans la nuit close des tropiques

L’ont froidement tué;

Ils l’ont assassiné,

Les félons nègres

Qui s’irritaient du chant exquis de sa flûte

L’ont lâchement assassiné.

 

Alors que, couverts de poussière,

Les cheveux défaits,

Les vêtements en lambeaux,

Les mains plaquées sur la tête,

Les flancs en flammes,

Nous pleurions Sankara;

Alors que, mers houleuses,

Vents pleins de hurlements,

Cyclones déchaînés,

Nous vouions à l’exécration

La brûlante morsure de l’anéantissement,

Un acide de plus sur nos blessures,

Un chicotin dans les entrailles

De la bouillante espérance burkinabè,

Un coup de hache dans la chair

Du bonheur noir désarmé,

Le champagne pétait, écumait et coulait

Dans les palais de l’Occident;

Les tam-tams crépitaient

Dans les empyrées en marbre

Des requins africains

Et les cœurs des queues-de-pie

Et des colliers de perles

S’emplissaient de joie;

A flots fleurissaient les rires ivres,

Repus de triomphes scélérats;

Les rires sanglants

Des laquais de l’impérialisme,

Des vautours et des loups déguisés en sages

Et en guides éclairés,

De l’engeance reptile

Qui réclame sans cesse du sang

Et sans cesse nous maintient

Dans le requiem infini

Des assassinats téléguidés.

 

Festoyer, jubiler, danser, rire cyniquement

Sur le cadavre d’un preux est ignoble.

Pleurons! Notre route est longue.

Depuis la nuit des temps,

L’homme  noir trahit l’homme noir,

L’homme noir donne un bâton à l’homme blanc

Pour battre l’homme noir.

Le problème de l’homme noir,

C’est l’homme noir lui-même.

 

Le visage baigné de larmes,

Je regardais la lance éteinte de Sankara

Dans la poussière aride du granit,

Ses flèches empennées et empoisonnées

Qui roulaient,

Emportées par le vent

Désertant Ouagadougou sans roucouler ;

Je regardais sa poitrine

Aux artères incommensurables,

Ses jambes de fer,

Ses cheveux brillant

Sous la clarté du jour déclinant,

Et son sang bouillant,

Qui me fit mille fois rêver,

Rêver dans cette Afrique

Des satrapes et des tyranneaux,

Des espoirs éventrés,

De la misère planifiée

Et des crimes d’Etat ;

Rêver dans cette Afrique

De la Bible et du Coran

Qui vend à tout venant

Sa peau, son cœur, sa raison, son âme,

Entra en moi par les orteils,

Jusqu’à la cime du crâne,

Jusqu’au souvenir du langage

Des plaines de la Volga,

Jusqu’au parfum du chant nocturne

Dans les marais vietnamiens,

Jusqu’à la prochaine épopée incarnate

A naître sous ma plume.

 

Repose en paix,

Sankara,

Pure notion de l’air et de l’eau,

Homme de feu et de pierre,

Or authentique de la Volta,

Crocodile aux dents fabuleuses,

Aigle-roi aux serres altières,

Noble lion roux de la savane,

Belladone noire

Surplombant les arbres du Sahel,

Serpent vert que cachent

Les gouttes de pluie sur les feuilles de bananier,

Guerrier des saisons et loi des choses!

 

Ton chemin est mon chemin,

Ta haine du colonisateur ma haine,

Ton combat contre l’apartheid mon combat,

Ton rêve pour l’Azanie,

Pour la Namibie,

Pour l’Angola,

Pour le Burkina Faso,

Mon rêve.

 

Comme toi,

Légitime libérateur

Du peuple noir chosifié,

Du peuple noir écrasé,

Du peuple noir exploité,

Je ramènerai les étoiles

Dans le ciel de ma terre;

Comme toi,

Combattant impavide,

Je culbuterai la galère

Qui fait trembler l’assemblée des faibles;

Comme toi,

Ô valeur poignardée dans la mémoire d’octobre,

Je serai debout

Et, ensemble, nous vaincrons.

 

Alors,

Viendront les eaux limpides

Des sources renouvelées,

La vie jaillira de l’aube fraîche

Et parfumée de la liberté,

Nos vallées fertiles boiront,

Comme Yennenga de Riâlé éprise,

Le nectar des beautés éternelles,

Et tous les jardins de notre continent

Seront repeuplés de rêves,

Et nos rêves seront de rubis.

 

 

Cet hommage à Thomas Sankara, publié dans mon deuxième recueil de poèmes, intitulé Les Flèches de l’aube, par les Editions PUCI en 2009, est une version modifiée de celui qui se trouve dans le recueil du même titre, publié à Montréal en 1990 par Humanitas, Nouvelle optique, dans sa collection Exil.

 

 

 

Articles similaires

Le MEEC dit non aux grèves scolaires

Evasion Magazine

FAMILLE : Comment mieux gérer les émotions de vos enfants

Evasion Magazine

Le karaté club de REO célèbre ses 20 ans

Evasion Magazine

laisser un Commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.