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PATHE’O, STYLISTE MODELISTE CREATEUR DE MODE « Notre combat aujourd’hui, c’est que l’Afrique sache que ce n’est plus le moment d’aller s’habiller à Londres, à Milan ou à Paris »

Aimé Pathé Ouédraogo dit Pathé’O est un styliste burkinabè, né en 1950 à Guibaré. Installé dans les années 1970 à Treichville dans un quartier d’Abidjan, cet Ivoirien d’adoption acquiert une renommée internationale, notamment pour habiller le président Nelson Mandela qui était chef d’Etat d’Afrique du Sud. Aujourd’hui, en Afrique et partout dans le monde, quand on parle des grands stylistes modélistes, créateurs de mode, on parle de Pathé’O. Bien qu’il soit renommé, il est resté modeste et humble et il vient régulièrement  dans son pays d’origine au Burkina Faso chaque fois que l’occasion se présente. A l’occasion de la 15e édition du FEMUA

(Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo) du 25 au 30 avril 2023, nous avons été à son atelier de Treichville, et c’est avec grande joie que Pathé’O nous a reçus à bras ouverts, et nous avons voulu en savoir sur ses projets, son actualité et bien d’autres choses.

Evasion : Quelle est l’actualité de Pathé’O ?

 

Pathé’O : Chez le couturier, il y a toujours l’actualité, parce que nous ne faisons que créer. Quand vous voulez créer une nouvelle collection, c’est l’actualité. Quand vous avez de nouveaux clients, tout ça c’est de l’actualité. Sinon l’actualité en générale c’est la prochaine CAN (Coupe d’Afrique des Nations) que la Côte d’Ivoire va abriter en janvier 2024. Ça sera une grande activité.

 

Qu’est-ce que Pathé’O envisage pour cette CAN ?

 

C’est de créer de nouvelles lignes pour toutes les boutiques Pathé’O pour que tous ceux qui arriveront en Côte d’ivoire et qui voudront s’habiller en Pathé’O aient de belles choses.

 

Un défilé de mode en vue pendant la CAN, a Abidjan, en janvier 2024 ?

 

Si les organisateurs décident de nous associer, on est prêt à organiser un défilé de mode, sinon organiser un défilé, ce n’est pas aussi une mince affaire. Donc, c’est pour ça que nous nous mettons à créer plusieurs lignes, une nouvelle tendance et ceux qui viendront à Abidjan seront beaucoup gâtés côté mode ; nous allons garnir nos boutiques.

 

Les gens ont connu Pathé’O dans la couture masculine, les chemisiers. Aujourd’hui, on voit que vous essayez pour les femmes ; qu’est-ce qui vous a motivé pour créer une ligne pour les femmes ?

 

Peut-être que les gens ne m’ont pas bien connu. Sinon je fais tous les deux, couture homme comme couture femme. J’ai fais cinq ans d’apprentissage homme et quatre ans d’apprentissage pour femme. Je fais les deux. Très souvent quand vous regardez dans mes collections, c’est la féminité qui prend le dessus. Donc, on ne peut pas dire que l’un prend le dessus sur l’autre ou peut-être les gens se sont rendus dans les boutiques où il y a plus de chemisiers. Il n’y a donc pas l’un sans l’autre. Notre combat aujourd’hui, c’est que l’Afrique sache que ce n’est plus le moment d’aller s’habiller à Londres, à Milan ou à Paris. Il y a aussi des jeunes talents  en Afrique et des matières premières comme le Faso Danfani qui est un produit magnifique pour moi, et c’est un véritable bonheur pour moi de travailler avec ces produits-là.

 

Mais Pathé’O ne fait pas des vêtements pour enfants ?

 

Non sauf sur commande spéciale et il faut beaucoup d’employés pour travailler les tenues des enfants, et il faut une spécialité sinon on en fait souvent mais avec la demande, on ne peut pas tout faire et il faut honorer les rendez-vous en mode.

 

Vous avez à peu près combien de boutiques à travers l’Afrique ou ailleurs ?

 

Vous savez, il y a beaucoup de problèmes dans  les boutiques. Au départ, j’avais vu gros mais en Afrique c’est difficile de gérer les boutiques de façon lointaine. Au début, j’avais des boutiques dans presque tous les pays Africains. Au Cameroun j’avais deux, au Congo j’en avais, au Gabon j’avais deux, à Dakar j’en avais jusqu’en Angola, même au Kenya on avait une boutique même au Rwanda. Maintenant en Afrique de l’Ouest, on avait à Dakar ; à Bamako ; à Ouagadougou ; Accra. On a eu des boutiques un peu partout mais la gérance a fait défaut. L’erreur que j’ai commise c’était de vouloir gérer les boutiques à distance et j’ai vu que ce n’est pas possible.  Aujourd’hui, quelques boutiques sont fermées et d’autres sont devenues  des représentations. Vous venez par exemple vous voulez représenter Pathé’O à Lubumbashi, Brazza ou Kinshasa, vous venez et vous faites fabriquer le nombre de vêtements que vous voulez. Vous ouvrez votre boutique vous-même et si vous êtes en pénurie vous lancez la commande et on vous livre, c’est encore moins  compliqué que de vouloir gérer en distance.

 

Des voyages en vue ces temps-ci ?

 

Il n’y a pas mal de voyage à faire.

 

Beaucoup d’Africains disent qu’ils aiment les tenues Pathé’O mais que les prix sont chers et ce n’est pas à la portée de leur bourse ?

 

Ceux qui disent ça peut-être que je leur donne raison. Tous ceux qui ont la chance de voyager en Europe pour se faire vêtir là-bas, connaissent combien coûtent les vêtements et quand vous revenez en Afrique, les vêtements que nous faisons n’ont rien à voir avec ce que nous faisons ici, ce n’est pas la même qualité. Ici nous traitons le coton, nous sommes obligés de commander le coton de la Chine ou de l’Inde.

 

Les gens trouvent aussi que quand on dit Pathé’O, c’est l’habilleur des Chefs d’Etat africains ?

 

Il faut habiller tout le monde. Donc logiquement, c’est nous les stylistes africains qui devons habiller nos chefs d’Erat, ce ne sont pas les européens qui vont venir les habiller. C’est de notre devoir. Notre devoir c’est de faire des choses pour attirer les Africains par rapport au climat, les couleurs, à nos habitudes, par rapport à notre façon de voir les choses et c’est nous créateurs africains qui sommes mieux placés pour les habiller

 

On voit en Afrique des friperies ces temps-ci, et c’est  comme si les Occidentaux déversaient  leurs poubelles en Afrique et à des prix bas. Est-ce que ce n’est pas une concurrence déloyale pour vous les grands créateurs africains. ?

 

Je vois ça comme si les gens venaient nous dire de prendre ce qui est vieux comme si on faisait pitié et je ne vois pas ça comme une concurrence mais c’est plutôt malheureux pour nous, nous qui sommes obligés de consommer ce que les gens utilisaient avant. Et ça c’est plutôt une moquerie à mon avis, nous sommes obligés d’utiliser ce que les gens ont déjà utilisé. Même les gens dans mon village tissent les fils à la main pour s’habiller, on vaut mieux que ça.

 

Qu’est-ce que vous voulez dire par rapport aux jeunes qui veulent vous suivre, qui veulent prendre vos pas dans la couture?

 

Qu’ils soient armés de patience, de courage et de la volonté, c’est ça. Et il faut que les trois choses se suivent. Et si vous voulez vivre de ce métier, c’est énormément de boulot, de travail, de patience, et surtout de recherche, de la volonté. C’est extraordinaire ce métier.

 

Et c’est quoi le secret de Pathé’O pour la réussite dans ce métier ?

 

Ce qui est sûr, c’est quand tu n’a pas le choix que tu peux avancer et quand vous avez trop de choix vous ne pouvez pas avancez

 

Après avoir fêté cinquante ans de carrière, qu’est-ce que Pathé’O, vise maintenant ?

 

Bon, cinquante ans, on a voulu tout simplement montrer au moins le parcours et c’est surtout dû aux gens, voilà le parcours, voici les étapes qu’on a franchies pour arriver là. C’est pour dire à tous ceux qui veulent faire ce travail, ce sont les mêmes parcours, il n’y a pas un raccourci dedans, il faut avancer comme tout le monde. Parce qu’il y a des grands couturiers qui sont là depuis des années, c’est eux-mêmes qui nous fournissent tout. C’est un métier qui est au-dessus de celui même qui l’a créé. Donc pour moi, la réussite dans ce métier c’est vraiment le travail.

 

Pensez-vous ouvrir une école de couture pour les générations futures ?

 

Non une école de couture c’est difficile pour moi et cela suppose que je laisse tout tomber pour enseigner. Nous (Maison Pathé’O) sommes des créateurs et nous sommes sur le terrain et nous ne pouvons pas faire cela. Ce n’est pas possible. J’aime ce métier mais je ne suis pas fait pour enseigner.

 

Propos recueillis à Abidjan par Evariste Télesphore NIKIEMA

 

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