Au fil des semaines

AN I DE LA DISPARITION DE SALIFOU DIALLO: A-t-on pu combler le vide ?

19 août 2017-19 août 2018. Un an déjà que l’ex-président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso et du parti au pouvoir, Salifou Diallo, a percé le mystère de l’au-delà dans sa soixantième année, alors qu’il séjournait dans un hôtel parisien pour quelques jours de repos, selon son entourage familial. L’annonce de sa disparition avait plongé le pays dans la consternation, le mot n’est pas assez fort, et l’émotion avait quasiment tourné à l’hystérie collective dans sa province natale du Yatenga, tant l’homme avait marqué le paysage politique du Burkina Faso et de sa région d’origine, trente ans durant. Un an après, l’ombre de celui qu’on surnommait Gorbatchev dans les milieux communistes, continue de planer sur l’échiquier politique national actuellement en pleine mutation, avec ces remous qui ébranlent certains partis politiques de l’opposition comme de la majorité, et dont on dit qu’il a été l’instigateur avant de tirer sa révérence. De son vivant, Salifou Diallo était considéré tantôt comme un ange, tantôt comme un  démon dans ses relations avec ses camarades de parti ou ses adversaires politiques, mais tous sont unanimes sur le fait que le natif du quartier Kolonkom de Ouahigouya avait une longueur d’avance sur les autres acteurs de la scène politique en raison de ses capacités de décryptage des événements et des faits politiques hors du commun, mais aussi d’infiltration des réseaux même a priori les plus fermés. Il s’était  illustré, en effet, comme étant un véritable faiseur de roi au Burkina Faso, puisque c’est lui qui avait toujours été en première ligne dans les différentes « fessées électorales » comme lui-même les qualifiait, infligées à l’opposition depuis le temps où il était le tout-puissant vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) jusqu’à la victoire du parti actuellement au pouvoir, qu’il a créé avec ses camarades démissionnaires du CDP.

 

C’est surtout son don de soi qui lui vaut encore des lauriers à titre posthume

 

 

Dans l’histoire politique récente de notre pays, on a rarement vu un acteur défendre ses positions avec autant de conviction et de pugnacité, et c’est pour cela que beaucoup de Burkinabè ont pensé que la disparition de ce cauchemar de l’opposition et même de certains de ses camarades de la majorité jugés trop timorés dans l’exécution du projet de société présidentiel, allait laisser un grand vide dans la sphère politique burkinabè. Qu’en est-il un an après ? Ce vide a-t-il été comblé ? Même si on ne peut pas répondre dans l’absolu par la négative, force est de reconnaître que depuis que Gorba a donné son dernier coup de maillet à l’Assemblée nationale, on n’a plu entendu au sein de l’Hémicycle ou ailleurs les boutades et les interpellations fermes qu’il avait pris l’habitude d’adresser à  l’opposition et même aux membres du gouvernement, coupables, à ses yeux, de ralentir ou même de compromettre la mise en œuvre du programme du chef de l’Etat. Certes, notre landerneau politique compte toujours des « bibeessés » et des têtes brûlées, mais combien parmi eux ont le génie et le charisme de l’illustre disparu ? Si comme on le susurrait, Salifou Diallo avait réussi à lui tout seul à monter des opérations de « déminage » contre des regroupements politiques ou de la société civile en y infiltrant des taupes en mission commandée, c’est qu’il avait, quoiqu’on dise, du cran et du talent. Toutefois, avouons qu’à certains égards, ces pratiques ont été pour le moins nocives pour l’avancée démocratique dans notre pays, en ce qu’elles étouffaient dans l’œuf toute velléité d’alternance et en ce qu’elles avaient contribué à atomiser davantage notre paysage politique. Et Dieu sait que parmi nos compatriotes, il y en a qui auraient bien voulu le voir encore vivant pour répondre des actes qu’il aurait posés, mais la Providence ayant décidé autrement, même ses plus grands pourfendeurs ont tenu à honorer sa mémoire en se gardant de faire des déclarations inutiles et incongrues, surtout dans notre contexte africain où les morts triomphent toujours des vivants.

Cela dit, le défunt président de l’Assemblée nationale ne se contentait pas seulement de tacler ses adversaires politiques, il n’hésitait pas non plus à retrousser les manches sur les chantiers du développement, malgré la rupture d’anévrisme dont il avait été victime depuis le milieu des années 2000 et qui l’avait physiquement et  considérablement affaibli. C’est surtout ce don de soi qui lui vaut encore des lauriers à titre posthume, et un an après sa mort, les souvenirs de ce grand bosseur devant l’Eternel restent vivaces dans les mémoires de nombreux Burkinabè, principalement des masses paysannes. Quant à la question de savoir s’il a préparé la relève sur le plan politique, notamment dans sa région et sa province d’origine, rien n’est moins sûr quand on sait que ça tire déjà dans tous les sens entre ses héritiers putatifs, alors qu’on n’est même pas à la veille des échéances électorales, généralement sources de toutes les contestations. Au sein de sa formation politique et de la majorité présidentielle, le séisme tant annoncé n’a pas eu lieu même si aucun leader de sa trempe n’a émergé, pour faire oublier les sorties et les prises de positions fermes et sans ambiguïté de cet ancien Sherpa du président Roch Marc Christian Kaboré.

 

Hamadou GADIAGA

 

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