Une voix inoxydable dans la sphère musicale burkinabè et qui a traversé des frontières. Rovane à l’état civil Mariam Toé née Zabré est transfuge de plusieurs groupes musicaux comme Dési et les Sympatics, l’orchestre de l’Onea, les Colombes de la révolutions, et fut une choristes chevronnées des studios qui a prêté sa voix sur des albums de beaucoup de vedettes de la musique africaine pendant près de deux décennies avant d’entamer une carrière solo. Grand prix de la chanson moderne, elle a été révélée au grand public à travers la compilation « Burkina mousso » avant d’aligner des albums à succès. Kundé de la meilleure artiste féminine en 2009, nous l’avons rencontrée pour vous. A travers cette interview qu’elle a bien voulue nous accorder, l’artiste revient sur le bilan de sa carrière, nous parle de quelques beaux souvenirs, de son nouvel album qui sortira très bientôt, jette un regard sur l’évolution de la musique burkinabè, parle de son quotidien, lève le voile sur sa situation matrimoniale tout en abordant sans détours d’autres sujets. Lisez plutôt !
Evasion : comment allez-vous ?
Rovane : Je vais très bien, Dieu merci.
Depuis toutes ces années dans le domaine de la musique, quel bilan faites-vous de votre carrière qui a traversé le temps et l’espace ?
Je dirai qu’il est positif sans aucune fausse modestie. Avec un sixième album en préparation et le public continue de m’adopter, c’est vraiment une belle aventure. Je ne peux que rendre grâce à Dieu.
Depuis l’ère de la révolution en passant plusieurs formations, quels souvenirs gardez-vous de toutes ces années ?
Je garde de beaux souvenirs. Ça a été un parcours de formations, j’ai rencontré des personnes magnifiques, des gens ont cru en moi et m’ont fait confiance. Je peux dire que les gens ont été ce qu’il fallait pour moi pour que je puisse être la Rovane d’aujourd’hui.
Au début de votre carrière, ce n’était pas évident pour une fille d’avoir l’aval des parents pour faire la musique, quel a été votre cas ?
Quand je suis venue au Burkina, j’ai commencé à faire la musique et pendant ce temps, les parents étaient en Côte d’Ivoire. Ils pensaient qu’en faisant la musique, j’allais m’adonner à l’alcool, la drogue et toutes autres tentations. Par la grâce de Dieu, j’ai tout fait pour leur prouver le contraire. Je devais réaliser un rêve qui n’avait rien de dépravant et finalement ils l’ont accepté. Il n’y a pas eu une véritable opposition.
Comment voyez-vous l’évolution de la musique burkinabè ?
La musique burkinabè évolue vraiment bien. Avant, pour enregistrer, il fallait tout l’orchestre qui devrait être sur place avec des instruments un peu archaïques. On jouait ensemble et si quelqu’un se trompait, il fallait recommencer à zéro. Ensuite, il y a eu les bandes qu’il fallait rouler et dérouler. Aujourd’hui, c’est le numérique, les choses sont beaucoup plus faciles. Avant, on ne pouvait pas faire des singles, il fallait forcément sortir un album. Les choses sont plus faciles maintenant, nous avons des jeunes talents à encourager.
Vivez-vous de votre art ?
Je peux dire que je vis de ma musique à 75%.
Et qu’en est-il de votre diplôme de déclarant en douane et transit ?
(Elle éclate de rire)… Ce n’est pas facile pour moi, j’essaie de l’exercer à mes temps libres, il faut être disponible. Quand j’ai des marchés pour des dédouanements de véhicules par exemple, j’ai des assistants qui m’aident à la tâche. Quand je suis disponible, j’essaie de faire ce que je peux.
De « Mahou » à « Cœur à cœur » en passant par « Chœur de femme », « Désir de femme » et d’autres albums à succès, la femme est au centre de vos préoccupations, est-ce que vous vous considérez comme une avocate des femmes ?
J’aimerais tellement être l’avocate des femmes parce que la condition de la femme me tient beaucoup à cœur. Il faut que les choses évoluent, il faut que notre société contemporaine reconnaisse que la femme est un maillon fort de la chaîne du développement de notre monde. J’aimerais que cette lutte que je suis en train de mener puisse aboutir. Dieu merci, la lutte a commencé à porter ses fruits. On voit beaucoup plus de femmes engagées, entreprenantes et au niveau de la sphère décisionnelle.
Pour avoir beaucoup voyagé, lequel des voyages vous reste mémorable ?
J’ai eu tellement de voyages qui m’ont marquée, mais ce qui m’a le plus marquée est mon tout premier voyage en France lors des deuxièmes jeux de la francophonie en 1994. J’étais toute jeune et je me suis retrouvée sur la même scène avec des artistes de renommée mondiale. J’étais dans une dimension, où c’était formidable. Et c’est en ce moment que je me suis dit que si j’y suis, je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin.
Quel est votre quotidien ?
Je suis artiste et femme au foyer. J’essaie de m’occuper de la maison avant de sortir. Je suis assez matinale. Donc au réveil, j’essaie de faire ce qu’il faut à la maison avant de sortir soit pour une répétition, soit je vais au bureau à la structure de production, soit je vais à ma ferme ou bien je vois les dossiers qui sont en instance au niveau du transit. Il y a également les interviews et des concerts.
Quelle est votre situation matrimoniale ?
Je suis mariée et mère de trois enfants.
Que feriez-vous si un de vos enfants décide de suivre vos pas dans la musique ?
Je vais l’encourager à condition qu’il finisse les études. C’est très important d’avoir un bagage intellectuel avant de s’engager dans ce qu’on aime faire. Ce que les gens ne savant pas, en matière de musique, il faut beaucoup d’apprentissage.
Dans un contexte où les producteurs se font rares, comment vous vous êtes retrouvée au sein de Takoun Production ?
C’est vrai ce que vous dites, beaucoup d’artistes m’approchent afin que je les aide au niveau de la production, ce n’est vraiment pas facile. Moi j’ai eu la chance de rencontrer Takoun Production depuis mes débuts et cette structure m’a toujours produite. Avec beaucoup de détermination, nous y sommes arrivés. Ce n’est pas évident que quelqu’un injecte son argent comme ça dans une production, les artistes doivent se battre d’abord, moi j’ai trainé ma bosse pendant vingt ans avant de trouver un producteur, c’est ce que les gens ne savent pas.
Vous avez lancé le single « Wend konté » le 6 mars dernier, une chanson qui annonce le prochain album, pouvez-vous nous parler de cet album ?
Le single annonce la sortie de mon sixième album qui sera disponible très bientôt. La situation sociale dans le monde entier est très compliquée, ce qui a fait que nous avons reporté tous nos projets, je dis aux fans que ce n’est que partie remise. Nous allons tous prier pour que la santé et la paix revienne dans notre pays afin que les choses puissent vraiment avancer. En ce qui concerne la coloration, les collaborations du nouvel opus, je préfère garder la surprise. Il faut savoir tout simplement qu’il va comporter une dizaine de titres.
Quel est votre message à l’endroit de vos fans ?
Je leur demande de ne pas céder à la panique par rapport à ce que nous vivons actuellement, que ce soit au niveau sécuritaire et cette affaire de coronavirus. Prions Dieu car il ne nous abandonnera jamais et que la faveur divine ne quittera jamais notre pays. En ce qui concerne le Covid-19, je demande à tout un chacun de respecter les consignes données par les autorités et les spécialistes de la santé.
Qu’avez-vous à dire pour conclure ?
Que le single « Wend konté » fasse son petit bout de chemin et je demande aux mélomanes burkinabè d’accepter leurs artistes et les soutenir. Je voudrais profiter de l’occasion pour dire merci aux Hommes de médias et à toute l’équipe d’Evasion ainsi qu’à toute l’équipe de la structure Takoun Production, dirigée par SomSaya.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON