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OSCIBI JHOANN, REGGAE MAKER: « Le silence ne paie pas dans ce pays »

Arrêté en mars 2015 en république démocratique du Congo (RDC) en compagnie d’autres militants du mouvement sénégalais Y’en a marre, Oscibi Jhoann, à l’état civil SIBRI Jhoanny Ouédraogo, est un reggae maker burkinabè né à l’ouest de la Côte d’Ivoire, plus précisément à Saioua. C’est en 1998 qu’il débarque au bercail et sort son premier opus « Juste et justice » sous le label Seydoni production et a connu un véritable succès avec son titre culte « Lebg n’wa ». Suivront d’autres albums à polémique comme « Gongo » en 2006, « 50 ans pour l’unité » en 2010, « Trinité » en 2011, « Le temps de Dieu » en 2014, « Zoodo » en 2016 et d’autres albums à succès.

Sytliste-modéliste de formation, membre fondateur du mouvement Balai Citoyen, activiste, il s’est confié à nous à travers cette interview où il parle de son nouveau single « Rabaké », de son quotidien, fait un bilan de sa carrière musicale, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Oscibi Jhoann : je vais très bien. Et je suis très content parce qu’il y a de l’espoir.

 

Vous intervenez régulièrement ces temps-ci dans les débats télé, êtes-vous devenu un chroniqueur ?

 

Non ce n’est pas une nouvelle casquette de chroniqueur télé. Je suis heureux que des journalistes m’invitent sur leurs plateaux télé pour débattre des sujets brûlants, je profite de l’occasion que vous m’offrez pour leur dire merci. J’y vais pour développer ce que je sais, mon expérience sur le plan culturel, politique et social.

 

De votre premier album à succès « Juste et justice » jusqu’à nos jours, on a l’impression que vous vous révoltez au fil du temps, qu’est-ce qui justifie cela ?

 

Je n’ai jamais été calme. Je suis un peu timide et observateur. Et à un moment donné, je me suis rendu compte que le silence ne paye pas dans ce pays car personne ne viendra détecter ce que tu exprimes dans ton fort intérieur lorsqu’on observe un silence. Raison pour laquelle, à un moment, je suis devenu activiste, je participe à des conférences publiques. Je donne mon point de vue juste pour participer à la construction de mon pays. Donc, je ne suis ni aigri ni révolté. Mon action ne se limite même pas au Burkina, je donne mon point de vue sur ce qui se passe au niveau international.

 

Toutes ces casquettes ne vont-elles pas phagocyter votre carrière musicale ?

 

Non, pas du tout, j’ai su choisir mon genre musical qui est le reggae. Et qui dit reggae dit musique politique, de lutte, de prévoyance et d’intelligence. Au contraire, mes prises de position apportent un plus à ma carrière. Et il n’est pas permis à n’importe qui de dire haut ce que certains pensent bas.

 

N’avez-vous pas peur souvent pour votre propre sécurité ?

 

Au Burkina, les gens sont très faux, ils le sont pour pouvoir construire leurs maisons et acheter leurs grosses voitures. Et ils sont contents de voir ceux qui disent la vérité  pousser leur moto sans essence. J’aime ce que je fais car aucun pays ne se construit dans le mensonge. S’il faut être un mouton de sacrifice pour la démocratie et le vivre-ensemble, je n’ai pas peur.

 

Ne pensez-vous pas que ce sont les artistes qui ne connaissent pas de succès dans leur carrière qui sont des gueulards ?

 

Alpha Blondy, Tiken Jah, Bob Marley, Fela ont connu le succès mais ils montent au créneau. Je dirai que c’est un choix pour la promotion de la justice et de l’équité.

 

Etes-vous satisfait du bilan de votre parcours ?

 

Satisfait c’est trop dire, je ne me plains pas. Je pouvais mieux faire mais nous sommes au Burkina Faso, tous ceux qui ont voulu dire la vérité sont tous morts. Et nous remercions le Seigneur d’être toujours là. On parle aujourd’hui de Thomas Sankara, Norbert Zongo parce qu’ils sont morts. Et si les gens parlent de nous aujourd’hui bien qu’on soit vivant, on dit merci à ce peuple. On continue de pédaler pour ne pas tomber dans le précipice.

 

Vivez-vous de votre art ?

 

Oui, je vis de ma musique. Je suis un cultivateur, styliste-modéliste avec spécialité dame, mais je me suis consacré uniquement à la musique. C’est vrai que je n’ai pas rempli le stade du 4-Août, l’art n’est pas uniquement de remplir un stade.

 

Pouvez-vous nous parler de votre nouveau single « Rabaké » ?

 

La ruse qu’utilise le terroriste m’emmène en tant que reggae maker à prévenir ce qui va venir. Le terroriste a utilisé l’axe religieux et culturel pour nous diviser, il n’a pas pu. Aujourd’hui, le peuple burkinabè s’est levé comme un seul homme pour identifier son ennemi qui s’appelle axe du mal et ce mal tend vers l’ethnicisme. « Rabaké » nous interpelle à nous mettre tous debout pour combattre ce mal. Cette chanson veut dire que nous allons gagner la guerre, mais il faut s’éloigner de la stigmatisation.

 

Ce single annonce-t-il un album à venir ?

 

Non, il n’annonce pas un album, c’est un single de circonstance.

 

Que signifie tous ces symboles de lampe tempête, serpent et aigle qui colorent tes prestations sur scènes ?

 

La lampe est spirituelle, l’être humain doit suivre la lumière qui est la vérité. L’aigle est malin, il ne s’asseoit pas là où il y a le danger. Le serpent c’est l’axe du mal comme les terroristes, ceux qui font la promotion de la corruption dans notre administration, des commerçants qui ne payent pas les impôts, ceux qui font la promotion de l’impunité, le président qui prend le fusil et qui tire sur son peuple. Et chaque Burkinabè doit travailler à tuer son serpent.

 

Pensez-vous que nous allons vaincre le terrorisme ?

 

Oui, je suis très confiant. L’action révolutionnaire de cette jeunesse au pouvoir donne de l’espoir pour son combat de restauration.

 

Qu’avez-vous à dire à vos fans ?

 

Je leur demande de soutenir la guerre et de dénoncer tout ce qui est suspect autour d’eux parce que mes fans aiment le Burkina Faso. Je leur promets que je resterai toujours dans ma ligne de porte-parole des sans voix.

 

Etes-vous plus engagé en musique, politique ou dans les OSC ?

 

Je suis un artiste politique. Je ne suis pas engagé dans un parti politique, je suis un membre du Balai Citoyen.

 

Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?

 

(Il éclate de rire)… Je suis marié et j’ai des enfants. En ce qui concerne le nombre de mes enfants, cela reste privé.

 

Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans la musique ?

 

Je ne vais pas m’opposer à cela. Je vais lui prodiguer des conseils que moi je n’ai pas eus si ce n’est pas que je les ai découverts sur le terrain. Mon expérience va beaucoup lui servir.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

C’est un message d’espoir, nous sommes un grand pays, nos ancêtres n’ont jamais failli. Le Capitaine Ibrahim l’a toujours dit, ce pays est immensément riche contrairement à ce qu’on nous a enseigné. Merci aux Editions « Le Pays ».

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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