Issu d’une famille d’artistes-musiciens (neveu de Prince Edouard Ouédraogo et cousin de Béranger Ouédraogo), il a décidé de rendre plus visible la musique de son pays à travers le monde. Arzouma Marcelin Ouédraogo dit Marcello ou « L’ambassadeur du liwaga » pour les uns, président de la Jet 8 pour les autres, a, à son actif, un album et plusieurs concepts développés dans plusieurs singles. Machelo a d’autres cordes à son arc. En plus de la musique qu’il aime tant, il est styliste modéliste, conseiller vestimentaire, promoteur d’une marque de vêtements à Paris en France où il vit depuis plus de deux décennies. En séjour à Ouagadougou, il nous a accordé une interview. Et ce, sans langue de bois.
Qui est Mechelo Ouédraogo ?
A l’état civil, je m’appelle Arzouma Marcelin Ouédraogo. Je suis Burkinabè d’origine né à la maternité Pogbi de Ouagadougou. Je suis Ivoirien par le fait que mon épouse qui est ivoirienne et Française. Elle a la double nationalité. Du coup, j’ai les deux nationalités de mon épouse. Je suis Vietnamien par le fait que mon père a fait la guerre du Vietnam, donc est un ancien combattant. Il a eu des enfants là-bas et a même pris la nationalité vietnamienne. J’ai aussi la nationalité vietnamienne. Par mes voyages aux Etats-Unis, les Américains sont en train de me donner la nationalité américaine. J’ai 5 nationalités en tout et j’ai tous les passeports des pays concernés. Je les publie souvent sur ma page Facebook.
Parlez-nous de votre carrière ?
J’ai un album mis sur le marché de disques en 2005. Après, je n’ai fait que des concepts. Il s‘agit du Liwaga américain, du Liwaga ligidi ligidi, du Warba sexy et du Liwaga dance décoller. C’était pour valoriser le Liwaga.
Pourquoi êtes-vous attaché au Liwaga, qui est une danse traditionnelle du Yatenga ?
J’ai connu un chanteur du Liwaga qui venait en tournée à Abidjan quand j’étais petit. Il s’appelait Dominique Sawadogo et j’avais à peine 10 ans. Lorsqu’il venait à la maison, c’était chaque fois le Liwaga qu’il chantait et j’ai donc grandi avec ce rythme. J’ai un oncle aussi dans la musique. Je me suis demandé pourquoi ne pas valoriser cette musique quand je serai grand. C’est comme cela que les choses ont commencé.
Comment est née la Jet 8 ?
Nous avons créé la Jet 8 en 2002. Nous allions en boîte de nuit en groupe pour nous amuser. Nous étions très jeunes et c’était pour aller dépenser de l’argent. Nous appelions cela « Le faro faro ». C’était pour nous une façon d’exprimer la joie de vivre. Parmi nous, il y avait un certain Stéphane Doukouré alias Douk Saga qui a décidé de faire une chanson à partir de ce concept. J’étais le seul Burkinabè parmi eux parce que les autres membres du groupe étaient des Ivoiriens. Ils ont créé la Jet 7. Je me suis demandé pourquoi ne pas inventer un nom afin qu’on puisse m’identifier. C’est comme cela que j’ai créé la Jet 8.
Quelles étaient vos relations avec Doukouré Stéphane alias Douk Saga ?
Nous relations étaient très bonnes. Il aimait qu’on l’appelle président. Et quand j’ai créé la Jet 8, moi aussi, je me faisais appeler président. Chaque fois qu’il me voyait, il me disait qu’il n’y a pas deux capitaines dans un bateau et nous rions. Je lui disais qu’il était le président de la Jet 7 et moi, le président de la Jet 8. Il a fini par m’appeler président Liwaga. Nous nous entendions très bien. La preuve, lorsqu’il était malade ici à Ouagadougou et m’a vu un jour à la télé, il m’a appelé et je suis allé lui rendre visite. Malheureusement, il est décédé plus tard. Paix à son âme.
Quelles sont vos relations actuelles avec les anciens membres de la Jet 7 ?
Après la mort de Douk Saga, il y a eu des querelles entre les membres de ce groupe. Je n’étais pas touché parce que je suis de la Jet 8. Je m’entendais avec tout le monde.
Machelo est toujours sapé, avec du champagne et de la cigare. Que fait Machelo Ouédraogo comme activité ?
A part la musique, je suis styliste modéliste et conseiller vestimentaire en France. J’ai ma marque qu’on appelle « Mechelino Gogo » qui est vendue en France, en Côte d’Ivoire, au Burkina et dans d’autres pays du monde.
Quelles sont les grandes réalisations, en termes d’investissement, de Machelo Ouédraogo ?
J’ai d’abord « réalisé » mes enfants que j’adore. (Rires). J’ai beaucoup de réalisations mais je n’en dirai pas plus. Je suis venu pour réaliser un certain nombre de choses avant de repartir.
Que vous inspire la chanson de Magic System où il est dit ceci: « Sagacité là, ça ne paie pas ciment » ?
J’ai écouté la chanson et il parlait de Abou de Bangui qui nous a rejoints dans le milieu de la nuit parisienne. Pour lui, c’est le Zouglou et le Zouglou a été créé pour conscientiser. Il invite les jeunes à ne pas faire le « Farotage ». Ce n’est pas nous qui avons commencé le « Farotage ». Cette pratique fait partie de notre culture. La preuve aujourd’hui, lorsqu’il y a un mariage, le djanjoba, les baptêmes, les fêtes, les gens « farotent ». Nous ne sommes pas les premiers à le faire. Sauf que nous le faisons juste dans les boîtes de nuit. On ne peut pas arrêter le « Farotage ».
Quelle appréciation faites-vous de la musique burkinabè ?
Depuis 2005, après mon premier album, j’ai toujours dit aux Burkinabè de faire de bons clips. Il y a des artistes qui font des clips où on voit des charrettes, des ânes, etc. Ces genres de clips ne vont pas loin. Il faut faire de bons clips pour bien se vendre. Mikael Jackson a fait des clips qui lui ont coûté des milliards de F CFA. Par exemple, pour mon clip «Liwaga américain», nous avons fait le tournage aux Etats-Unis d’Amérique, à Paris en France, à Abidjan en Côte d’Ivoire. Et le clip passait sur toutes les chaînes. J’ai mis les moyens pour qu’on connaisse le liwaga. Aujourd’hui, beaucoup ont compris et travaillent bien leurs clips. C’est pour cela qu’on voit les clips aussi sur les grandes chaînes de musique. Et je dis chapeau !
A hauteur de combien vous investissez-vous pour un clip ?
Le clip qui m’a coûté cher, avoisine les 30 millions de F CFA. Mais pour avoir un bon clip, il n’y a pas de budget fixe. Les grandes chaînes ont des normes. Maintenant ceux qui chantent et restent au quartier, peuvent faire des clips de moindre qualité et ils resteront au quartier.
Quels sont vos conseils aux jeunes artistes burkinabè ?
Je leur demande de respecter les anciens, c’est-à-dire leurs devanciers. Je les invite à prendre des conseils avant de se lancer dans la musique.
Quels conseils donnez-vous aux jeunes Africains qui ne rêvent que d’aller se chercher en Europe ?
Je vois beaucoup de jeunes qui, pour arriver en Europe, empruntent tous les chemins possibles. Beaucoup d’entre eux meurent en cours de route, surtout dans la mer. Je pense que lorsqu’un jeune n’a plus d’espoir dans son pays, même s’il reste dans ce pays, il peut mourir. Pour lui, traverser la mer n’est pas un risque parce qu’il n’a plus d’espoir dans son propre pays. Tout cela, c’est la faute aux hommes politiques. Je ne dirai pas que c’est l’Etat ou c’est le président. Mais je dirai que ce sont les Hommes politiques. Au lieu de s’entendre, ils sont toujours divisés. C’est pourquoi il y a des coups d’Etat, des guerres partout en Afrique. Cela annule tous les espoirs. Et c’est à nous tous de travailler et de changer tout cela. C’est pour cela que je me présenterai à l’élection présidentielle prochaine.
Interview réalisée et retranscrite par Issa SIGUIRE