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BRAHIMA KOMI, ARTISTE PLASTICIEN: « Il y a des gens qui veulent piétiner mon projet de jardin culturel par méchanceté ou par jalousie »

Né à Sala à quelques encablures de Titao, dans la province du Loroum au Nord du Burkina Faso, d’où il est originaire et y a grandi, Brahima Komi est un artiste plasticien hors pair. Transfuge des Forces armées nationales, ce passionné des arts depuis la tendre enfance a vite été révélé dans son pays et hors des frontières d’Afrique, d’Europe et du reste du monde, par ses œuvres gigantesques.

Bien que très discret, cet artiste autodidacte a bien voulu s’ouvrir à nous à travers cette interview exclusive. Il nous parle de sa passion, de ses projets, de son quotidien, revient sur les difficultés rencontrées, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Brahima Komi : Je vais très bien.

 

D’où vient cette passion pour les arts plastiques ?

 

C’est une passion qui m’anime depuis la tendre enfance où je m’essayais déjà à faire ressortir des formes à partir de la terre mouillée, l’argile et les pierres.  C’est un métier qui m’a surpris dès le bas-âge, je sentais le talent en moi.  Et je me suis dit qu’il fallait mettre en œuvre ce talent un jour.

 

Quelle a été la réaction des parents quand ils se sont aperçus que le petit Komi était plus concentré sur les arts que les études ?

 

Raison pour laquelle je demande aux parents de laisser les enfants s’épanouir dans leur passion. Les enfants vivent avec les invisibles et d’autres sources que les adultes ne cernent pas. En ce qui me concerne, il n’y a pas eu une véritable réticence des parents mais souvent, j’ai été bastonné parce que je refusais d’accomplir certaines tâches pour me concentrer sur mon art.  (Il éclate de rire)…

 

Le fait que vous vous êtes retrouvé au sein des Forces armées nationales n’a-t-il pas retardé l’évolution de votre art ?

 

Non, les Forces armées nationales n’ont pas été un patin de freinage, de mon art. Au contraire, l’armée a propulsé mon art. L’armée m’a permis d’être mieux formé moralement et tactiquement.

 

Quelle est la matière de prédilection avec laquelle vous travaillez le plus ?

 

Je travaille avec la matière locale qui est le ciment et le béton. Quand on voit les finitions, les gens se posent beaucoup de questions, je ne travaille pas avec le plâtre.

 

Et qu’est-ce qui justifie le fait que vos créations sont plus tournées vers la faune ?

 

Je suis un passionné de la faune et de la flore. Je suis un amoureux de la nature et de ses valeurs et c’est une priorité pour moi de véhiculer ce message. Il y a des générations qui ont besoin de connaître des espèces en voie de disparition, nous devons les décrire dans leurs tailleurs et comportements réels. Ce sont des valeurs à préserver.

 

Est-ce une forme de satisfaction ou de défi de voir ses centaines d’œuvres à travers le Burkina et hors de nos frontières ?

 

Je peux dire que j’ai un grand défi à relever car la mission continue. Ma formation militaire me permet de pousser mes limites. Notre pays dispose des talents qui nous permettent de vivre l’émergence culturelle au-delà des frontières du monde.

 

Avez-vous un accompagnement du gouvernement burkinabè dans tout ce que vous faites ?

 

Depuis mes projets avec Art Komi, je n’ai reçu aucun accompagnement de qui que ce soit. Seule ma volonté m’accompagne dans mon dynamisme. L’artiste qui attend chaque fois un accompagnement sera toujours freiné. Il faut se lever, se battre afin que celui qui veut t’accompagner puisse le faire de façon naturelle. Un soutien peut venir de nulle part. Ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser les bras ; l’art n’est pas permis à tout le monde. On peut améliorer le secteur si tout le monde a de la considération pour l’art. Et nous avons besoin des autorités compétentes dans ce sens.

 

Pensez-vous à la relève ?

 

Oui bien sûr, moi j’ai 27 jeunes qui travaillent avec moi, je suis leur parent, je m’occupe de leur formation, hébergement, restauration, santé et autres besoins sans connaître forcément leur famille biologique malgré mes moyens limités. Je n’ai pas une fortune, mais j’ai Dieu.

 

Quelle est la difficulté majeure d’un plasticien comme vous ?

 

Si ça ne tient qu’à moi seul, je n’ai pas de difficulté majeure car je vends mes œuvres au plan national et international. Mais avec tout ce beau monde que je gère, mes capacités financières sont réduites.

 

Qu’avez-vous comme projet qui vous tient réellement à cœur ?

 

Le projet qui me tient à cœur c’est le site que je vous ai fait visiter avant cette interview, il est basé au quartier Karpala, en face de la mairie de l’arrondissement 11, à Ouagadougou. C’est du jamais vu, même moi qui l’ai réalisé, je n’ai jamais vu un tel projet ailleurs avec tous les voyages que j’ai effectués dans le monde. Comme j’aime le dire, il faut toujours repousser les limites. Et je suis fier de me retrouver à cet angle qui est un angle d’or. C’est un rêve qui me tient à cœur et qui sera pour tous les Burkinabè.

 

 

N’êtes-vous pas un fou car on se dit que vous l’êtes au vu de vos réalisations ?

 

(Il éclate de rire)… Tout artiste a sa folie qui est une folie positive. L’artiste va au-delà de la connaissance et de la compréhension des autres. Souvent, il m’arrive de me poser des questions sur ma propre personne. Ce n’est pas une folie, c’est le génie de la créativité. L’artiste est l’enfant chéri de Dieu et il est difficile de l’expliquer car Dieu est un grand artiste.

 

Peut-on savoir votre quotidien ?

 

Chaque matin au réveil, je cherche à faire ce que je n’ai jamais pu faire, éviter de reproduire ce qui est déjà fait. J’ai déjà fait la moitié de ma vie sur terre. Donc tout ce qui me reste c’est de laisser un véritable patrimoine artistique à la génération future.

 

Vivez-vous de votre art ?

 

Oui, je vis bien de mon art.

 

A quand l’ouverture de ce projet de jardin culturel et touristique en construction ?

 

Je ne peux pas fixer une date car ce projet demande beaucoup d’investissements.  Cet espace en construction est mon seul bien. C’est le fruit de toutes mes économies. Il est à hauteur de 210 millions de nos francs. J’ai vendu presque tous mes biens pour réaliser ce projet afin que le nom de mon pays le Burkina Faso puisse voyager au plan international au niveau de la créativité.

 

Tout se passe-t-il bien ?

 

C’est une très belle question ?

Je suis en train d’investir sur une propriété qui n’est pas le mien mais de l’Etat. C’était un dépotoir que j’ai récupéré pour mettre en valeur. Nous avons eu une autorisation dans ce sens mais il y a des gens qui veulent piétiner le projet juste par méchanceté ou par jalousie. C’est vraiment dommage de voir un Burkinabè méchant vis-à-vis de son prochain. Si chaque artiste pouvait utiliser un dépotoir pour mettre en valeur avec ses propres moyens comme je l’ai fait, ce serait un véritable exemple de développement. Aujourd’hui, on me refuse juste un branchement d’électricité et le renouvellement du contrat d’exercer le projet.

(Il coule des larmes)….

Mais tout ce que Dieu fait est bon. Mais s’il y a une compétence dans ce pays, je ne sortirai pas perdant. Cette méchanceté est aussi une forme de terrorisme.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père d’une fille.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Tout d’abord, je dis merci à votre journal pour la considération que vous avez eu à mon égard. Et c’est tout cet amour qui m’a propulsé pour être au sommet où je suis aujourd’hui. Je demande à tout un chacun de cultiver l’amour du pardon. Mon souhait est le retour de la paix et la sérénité dans mon pays.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

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