Né en République de Côte d’Ivoire, plus précisément dans la ville d’Oumé, Adama Roamba est un cinéaste burkinabè qui réside en France depuis 2003. Ce passionné du 7e art s’est vite installé dans la cour des grands dès la sortie de ses premiers films. Sa carrière est auréolée de plusieurs distinctions reçues au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) et à travers le monde dont le prix du meilleur court métrage au FESPACO en 2003, le grand prix du meilleur scenario long métrage en 2013, le prix du meilleur scenario dans la catégorie prix techniques et artistique. Présent à Ouagadougou pour la 29e édition du FESPACO, nous l’avons rencontré pour vous.
A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, le cinéaste nous parle de sa nouvelle série « Challenge » ainsi que des autres films burkinabè qui sont en compétition au présent FESPACO qui, à son avis, sont de belle facture. Tout en parlant de ses projets, il jette un regard critique sur le cinéma burkinabè, nous fait revivre quelques beaux souvenirs et aborde sans détour d’autres sujets croustillants. Lisez plutôt.
Evasion : Comment allez-vous ?
Adama Roamba : Je vais très bien.
Comment vivez-vous l’organisation de cette édition 2025 du FESPACO ?
Au niveau de l’organisation, je pense qu’il y a une nette amélioration. Déjà les badges sont prêts à temps, ce qui est souvent difficile, on a eu le programme une semaine avant que le FESPACO ne démarre. Sincèrement, il y a eu une grande évolution de l’organisation.
Quelles pourraient être les chances des cinéastes burkinabè pour l’Etalon d’Or de Yennenga ?
Bonne chance à nos deux représentants, à savoir Dany Kouyaté et Chloé Aïcha. Les films partent tous sur une même base de départ. Les films en compétition sont quand même de très bonne facture, bonne chance à chacun. Mon souhait est qu’un film burkinabè soit Etalon d’Or. Donc, je croise les doigts et on espère que cette année, au moins, on pourra brandir ce trophée qui nous échappe depuis très longtemps.
Les chances sont-elles les mêmes pour un film tourné à plus d’un milliard de francs et un autre à moins de cent millions ?
Souvent, c’est difficile, même si on dit que c’est de l’art. Mais il faut reconnaître que la mise en œuvre de cet art, si le budget du film n’est pas bouclé, il y a un effet sur la mise en scène. Je suis producteur et réalisateur, on sait comment ça se passe parce que souvent, on ne sait même pas comment nourrir les techniciens et payer les figurants et cela joue sur l’aspect créatif du scenario. Je prends juste un exemple sur mon cas personnel. En 2017, j’étais en compétition pour l’Etalon. Et sur un budget de trois cents à quatre cents millions, on s’est retrouvé avec cinquante millions, et il fallait tourner parce qu’on n’avait pas le choix. Des séquences que j’avais prévues tourner en une journée, je les ai tournées en trente minutes. J’avais aussi besoin d’une figuration de près de deux cents personnes pour la marche des femmes, on n’avait pas d’argent pour payer et j’étais obligé de réduire à quinze personnes. Et là, ça tue la créativité. Ça m’étonnerait que les films burkinabè qui sont en compétition aient eu un budget de plus de deux cents à trois cents millions alors qu’il y a des films qui arrivent avec des budgets de plus d’un milliard. Mais il faut espérer que l’esprit créatif et d’analyse du jury comprendra que ces films n’ont pas eu le même budget.
Et que faut-il réellement faire pour que le cinéma burkinabè se porte mieux ?
Il y a des choses qu’on se réserve souvent de dire. Tout le monde est au courant, je ne pense pas qu’aujourd’hui, nous soyons en manque de techniciens et de créativité. Je ne pense pas qu’on ait un problème au niveau des comédiens. Le gros problème c’est le côté financier. Le financement est complexe. Il y a beaucoup de réformes qui sont engagées, j’ai foi en ces réformes et j’espère que les choses vont être mises en place afin de pouvoir décoller définitivement. Il y a un gros boulot qui est abattu par le ministère de la Culture dans ce sens.
Que représentent les prix que vous avez remportés dans le cadre du cinéma en 2013 et 2017 ?
Le FESPACO pour moi, c’est dans le sang comme on le dit, il m’a quand même donné beaucoup de visibilité avec les prix que j’ai remportés. Il faut reconnaître que j’ai remporté beaucoup de prix et cela montre que le travail qui a été accompli par les techniciens, les comédiens et l’équipe artistique est appréciable. Et en dehors du FESPACO, j’ai quand même eu des prix majeurs à travers le monde.
Et quels sont ces prix remportés ?
Il y a eu quand même beaucoup de prix. Je sais que j’ai remporté le grand prix de la série télé à Montréal au Canada et plusieurs autres prix.
Qu’est-ce que ça vous fait de n’avoir pas encore remporté l’Etalon d’Or du Yennenga ?
Je l’ai toujours dit, je vais remporter l’Etalon d’Or du Yennenga. Tant que j’ai toujours la force de tourner, ça va venir.
Vous êtes en compétition au FESPACO 2025 dans la catégorie série télé, de quel film s’agit-il ?
En fait, c’est une série télé que j’ai tournée, ce n’était pas pour le FESPACO. C’est un programme pour alimenter les télévisions. Ça permet de pouvoir vendre et d’alimenter les programmes des chaînes de télévision et également avoir quelque chose pour nourrir la famille. Il fallait trois épisodes pour envoyer à la sélection, j’ai fait les trois épisodes et c’est passé en compétition officielle dans la section internationale série télé. Et c’est tant mieux pour l’équipe. Il s’agit de « Challenge ». C’est l’histoire d’un groupe d’élèves qui après le BEPC, relate ce qu’ils font pendant les vacances, comment certains préparent leur rentrée prochaine. Il y a tout ce que les élèves font pendant les vacances.
Qu’est-ce qui justifie votre attachement envers les enfants et les plus jeunes, vu vos différents films ?
Oui, j’ai commencé avec « Garba », ensuite « Moka » qui était aussi avec les enfants, « Petit Sergent » … Comme on le dit souvent, l’enfant, c’est le bourgeon. Il grandit et donne le grand arbre. J’aime beaucoup travailler avec les enfants parce qu’ils sont véridiques. Quand tu arrives à faire incarner un rôle à un enfant, il te le reproduit purement. Et c’est là qu’il faut mesurer la force des mises en scènes. Et ce n’est pas donné à tout le monde de travailler avec les enfants.
Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans le cinéma ?
Je lui dirai que ce n’est pas simple parce que ce que papa a enduré, ce n’est pas facile. Chaque enfant prend son chemin, je pourrai juste lui donner des conseils pour qu’il pèse le pour et le contre. Je ne ferai que l’accompagner s’il persiste.
Quels sont les grands souvenirs qui vous ont le plus marqué ?
Il y en a beaucoup. Il y a le grand prix du meilleur court métrage que j’ai remporté au FESPACO 2003 où j’étais le seul Burkinabè à être primé à cette édition. Si je vous raconte l’histoire de ce film, ce n’est pas simple. Ils avaient donné cent millions pour soutenir ceux qui étant en compétition et qui n’avaient pas fini par manque d’argent, on a refusé de me donner et je me suis battu avec le laboratoire en France. Alors que certains n’avaient pas de film en compétition, à eux ils ont donné une partie de cet argent. Je vais le dire à qui veut l’entendre, il y avait une mafia sur cet argent. Et le laboratoire en France a eu confiance à mon film et a signé des chèques antidatés pour que je puisse payer ma facture. Voilà comment je suis venu au FESPACO. Et j’ai été le seul Burkinabè à être applaudi ce jour. Quand je suis allé prendre mon prix, j’ai exprimé ma colère contre le chef de l’Etat d’alors qui était Blaise Compaoré. J’ai remercié tout le monde sauf le Burkina Faso et j’ai dit que j’ai souffert pour faire ce film sans le soutien de mon pays. Les gens me connaissent, je dis ce que je pense.
Qu’avez-vous à dire à vos fans ?
Je leur dis merci. C’est vrai que je rencontre des gens qui me disent qu’ils aiment ce que je fais. En fait, ça nous revigore à avancer et aller beaucoup plus loin. Cette année, je suis là avec une série telle, qu’ils s’attendent à ce que dans les années à venir, ensemble nous allons trinquer pour mon Etalon d’Or de Yennenga.
Peut-on savoir vos grands projets ?
(Il éclate de rire) … J’ai un tournage à Abidjan, ensuite une partie à Paris et au Burkina. C’est tout ce que j’ai à dire. D’après l’artiste Smarty, on ne parle pas de ses projets.
Quel est votre message pour conclure cet entretien ?
Merci beaucoup et je crois à la renaissance de notre cinéma. En ce qui concerne les reformes, toute réforme est difficile. Mais on verra les résultats plus tard. J’ai foi que le cinéma burkinabè va repartir sur une autre dynamique et ce sera pour de bon que ça va décoller. Il va falloir que l’administration encadre vraiment ce secteur. Merci à vous.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON