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ABDOULAYE DAO, REALISATEUR « Au Burkina, on aime jeter ce que nous créons pour prendre ce qui vient d’ailleurs »

Natif de la province des Balés, Abdoulaye Dao est un réalisateur burkinabè qui a su se faire une place de choix dans la cour des grands du monde du 7e art africain. Titulaire d’un parchemin en finances publiques, ce passionné de la photographie se retrouvera plus tard dans le monde du cinéma après des études dans ce domaine à l’INAFEC, puis à l’INA à Paris et d’autres stages de perfectionnement en Egypte puis au Sénégal. Auteur de plusieurs réalisations à succès dont « Quand les éléphants se battent » qui reçoit le grand prix de la meilleure série au FESPACO 2007, « Duga les charognards », « Une femme pas comme les autres » ou « Au revoir la France » sans oublier son sitcom à succès sur la RTB « Vis-à-vis ».

A travers cette interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder à la faveur de la seconde édition du festival Tou-Kan qu’il a initié à Boromo, ce doyen du cinéma nous parle de sa passion, de sa vision pour le retour de « Vis-à-vis », aborde sans détour d’autres sujets et présente ses vœux pour cette année 2024. Lisez plutôt.

Evasion : Comment allez-vous ?

Abdoulaye Dao : Je vais bien.

 

D’où vous vient cette passion pour le 7e art ?

Je n’étais pas destiné à faire du cinéma. C’est en regardant des aînés comme Idrissa Ouédraogo, Michel Bossofa Somé, Moustapha Dao qui est mon neveu et faire la photographie à l’époque, on était à Koulouba en famille, c’est de la que ma passion pour le cinéma est née. J’ai fait le contrôle financier avant de quitter pour aller à l’INAFEC. C’est l’appareil photo qui m’a appelé au cinéma. Et depuis lors, j’y suis.

 

Quitter les finances publiques pour le cinéma, n’avez-vous pas été traité de fou ?

(Il éclate de rire) … J’ai même été convoqué au village pour être consulté par un charlatan car les proches se disaient qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas en moi. Sinon comment quitter les finances publiques pour le cinéma ? Cela leur paraissait bizarre quand même. Dans leur vision globale, faire du cinéma c’est être mal barré. Mais cela ne m’a pas empêché et découragé d’aller poursuivre mes études dans le cinéma. C’est vraiment une passion pour moi.

 

Regrettez-vous aujourd’hui ce choix pour le cinéma ?

Ah non pas du tout. J’ai réussi à y faire de grandes choses, c’est ça qui est intéressant. J’ai réussi à créer une émission qui a mobilisé un grand monde, un grand public, qui a éduqué et sensibilisé et il n’y a pas un prix pour ça. Je suis tellement heureux d’avoir fait ça avec des amis et nous sommes toujours ensemble aujourd’hui. Vous étiez au festival Tou-Kan, ce sont ces mêmes acteurs avec qui nous avons commencé l’aventure qui étaient là ; nous portons tous les projets ensemble. Je suis fier d’avoir fait ça, cela ne m’a pas apporté de l’argent mais ce n’est pas cela mon problème. Ma satisfaction, c’est ce que je peux laisser à la communauté, ce que je peux partager avec la jeunesse.

 

D’où est parti l’idée de ce programme télé  Vis-à-vis qui fait, jusqu’à présent, honneur au Burkina Faso ?  

La petite histoire, j’étais avec Serges Henri un soir à Koulouba au Boulgou bar, on partageait un verre et comme c’est un ami, un vrai comédien, il faisait rigoler les gens. Et il y avait le gérant qui était au comptoir et c’était un gars marrant également. Et j’ai dit à Serges Henri que si l’on crée une situation semblable de maquis à la télé, parce que je suis aussi réalisateur-multi camera, on le met derrière le comptoir avec d’autres acteurs, et c’est comme ça ce sitcom est parti.

 

Pensez-vous que l’Etat burkinabè devrait vous soutenir afin que « Vis-à-vis » renaisse de ses cendres ?

Moi je crois mais pas forcément pour nous qui sommes des anciens. Au Burkina, on aime jeter ce que nous créons pour prendre ce qui vient d’ailleurs comme si nous ne croyons pas à nos forces, à notre capacité de faire des merveilles. C’est vraiment dommage parce qu’on aurait pu donner cette émission à la postérité. Nous avons évolué en dents de scie en termes de financement, je trouve cela dommage. Il y a des réalisateurs d’autres pays qui sont venus s’inspirer des vis-à-vis et qui sont aller réaliser des séries qui vivent jusqu’aujourd’hui. C’est possible de revenir en créant une jonction avec une nouvelle génération qui va continuer. Elle sera remodelée parce que ça évolue. Si la télé nous demande de revenir, nous allons le faire parce que nous sommes patriotes.

 

Le cinéma vous a-t-il nourri ?

Oui, le cinéma m’a nourri intellectuellement, humainement et financièrement. Même si je ne suis pas un milliardaire, je ne demande pas à manger. Le cinéma m’a donné le sens de l’humanité, la rencontre avec l’autre. Sur un plateau de tournage tu rencontres tout le monde et tous les caractères différents.

 

Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans le cinéma ?

Je lui dirai, vas-y mon enfant parce que c’est l’un des plus beaux métiers du monde.

 

D’où vous est venue l’idée du festival Tou-Kan que vous organisez à Boromo dans la province des Balés et qui est à sa deuxième édition ?

C’est d’abord la passion pour le cinéma et ensuite, je suis le président d’une association qui s’appelle Yirikan. Nous avons créé une chaîne de solidarité pour sauver un éléphanteau qui est dans la forêt classée des deux Balés et ensuite nous nous sommes engagés à sauver la forêt classée elle-même pour que les éléphanteaux ne sortent plus. Etant une jeune association, nous avons travaillé pendant deux ans à chercher les moyens. Et comme je suis du domaine de l’audiovisuel, nous nous sommes dit pourquoi ne pas utiliser ce créneau pour sensibiliser les populations. Et tout de suite un partenaire a cru en nous. Moi je suis un guerrier, quand j’ai quelque chose dans ma tête, je fonce. Nous sommes à la deuxième édition et je suis fier de voir tout ce beau monde et tous ces acteurs culturels mobilisés.

 

Après deux éditions, êtes-vous confiant quant à sa pérennisation ?

Avec le soutien de nos partenaires techniques et financiers, des communautés d’ici, de l’administration, des coutumiers, je suis confiant. Nous ne le faisons pas pour nous mais pour la postérité et pour la jeunesse surtout. Je pense que la troisième édition va être une réussite.

 

N’allez-vous pas revoir la période à laquelle se déroule ce festival car le temps du froid peut être un aléa ?

On y pense car cette année le froid a un peu impacté sur le public qui sortait chaque soir sur les sites de projections. Le comité va regarder et pensez à un moment où les gens peuvent rester dehors pendant longtemps.

 

Quels sont vos vœux pour cette nouvelle année 2024 ?

Je souhaite que ce pays retrouve la paix. Quand je regarde les actions de nos Forces de défense et de sécurité, je me dis que personne ne pourra vaincre ce pays.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

Vive le Burkina, vive le cinéma et merci à Evasion.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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