Téisson Tandé, Albert Kpan à l’état civil, est un célèbre acteur et producteur ivoirien. Il est né en 1956. Il est le fameux majordome de maison de Bohiri dans la série à succès « Ma Famille », où il a bien incarné son rôle. Il est l’un des acteurs emblématiques de la série culte « Ma Famille ». Il est également humoriste puisqu’avant de jouer dans la série « Ma Famille », il faisait des émissions à la radio où il avait le pseudonyme de « Bébé gâté » et il imitait la voix des personnalités comme le président Houphouët Boigny et bien d’autres. Nous l’avons rencontré à Abidjan, il nous parle ici de sa carrière, de sa famille et de ses conditions de vie. Pour lui, c’est l’homme qui est pressé pour la richesse, sinon, Dieu a un plan pour tout un chacun. Lisez plutôt !
Evasion : Qui est Téïsson?
Téïsson : Brièvement, Téïsson est en réalité le nom de mon village. En fait, je suis de l’’ethnie wé de Fakomi du côté ouest de la Côte d’Ivoire. Mon nom à l’état civil est Kpan Albert.
Comment les Ivoiriens vous ont-ils connu en tant qu’acteur dans la série « Ma Famille » ? Comment êtes-vous arrivé en tant qu’acteur dans cette série ?
Le chemin est long ; il faut de là parler de la série télévisée de la réalisatrice Akissi Delta, « Ma Famille ». Nous avons beaucoup travaillé d’abord sur le tas, puis je suis allé par la suite à l’école de théâtre. C’est l’ensemble des expériences acquises dans la vie comme dans le monde artistique, qui donne ce résultat qui me permet de jouer le personnage de Téïsson dans la série télévisée « Ma Famille ». Je suis un imitateur qui est allé à l’école de théâtre puis à la télévision avec l’émission « Dimanche Passion » de Barthélémy Nabo, tout en imitant Houphouët Boigny dans l’émission de Edo Ouattara avec Goutta Cousin. C’est dans cette émission, que Akissi Delta m’a découvert en 1992 et dix ans après, elle me trouve dans l’émission « Dimanche Détente » de la radio Côte d’Ivoire en 2002 et me fait appel après la création de la série « Ma Famille ».
Donc, si je comprends bien, vous n’avez pas fait un casting pour venir dans la série « Ma Famille » ?
Non, je n’ai pas fait de casting parce qu’elle connaissait ma valeur, et d’ailleurs, des 13 ou 14 acteurs, aucun n’a fait de casting. Elle nous connaissait tous ; nous étions des acteurs reconnus et chacun attendait juste son tour de travail. Tu sais, dans la vie, chaque chose a son temps et le temps de Dieu est le meilleur. Comme je le disais, chacun de nous avait déjà sa valeur, Bohiri, Gohou, tous étaient déjà connus, et le moment venu, Akissi Delta nous a fait appel pour jouer dans la série ‘’Ma Famille’’. Elle nous a dit : « Je n’ai pas grand chose mais venez on va essayer ». Et c’est de là, que la série a eu le succès.
Et à part la série « Ma Famille », avez-vous joué dans d’autres séries ?
Oui, j’ai joué dans plusieurs films. Ce n’est pas seulement dans « Ma Famille » ; j’ai joué dans « L’épine de l’amour », dans « Le vieux qui exagère » et bien plus de 20 films.
Il n’y a pas longtemps, votre fille vous a présenté sur Facebook où vous vivez dans une maison délabrée. Est-ce que cela veut dire qu’après cette longue période dans le cinéma, Téïsson n’a pas d’argent ?
L’argent, tu sais, c’est quand tu as la santé que tu as tout. Je dis souvent à mes fans que la santé est la clé, tant qu’on l’a, tout ira pour le mieux. Tant qu’on n’est pas mort, personne n’a dépassé l’autre. Donc, prier Dieu pour être en bonne santé. Tous ce qui se passe est de la volonté de Dieu. Moi, je n’ai pas demandé à venir au monde mais je suis là sur terre. C’est donc le bon Dieu qui sait mon heure de récompense. Il m’a fait orphelin de mère à mon bas âge. Cependant, aujourd’hui, j’ai pas mal de gens qui me connaissent au monde. Tout est grâce à lui. Les gens sont pressés pour la richesse matérielle, mais chaque chose a son temps. Si on prend l’exemple de Megrée qui avait déjà 95 ans quand il a été connu du public dans l’émission John Gay, mais le vieux a voyagé à travers le monde. Pour dire que c’est l’Homme qui est toujours pressé pour la richesse.
Mais la vidéo également où votre fille vous a montré, vivant dans les conditions difficiles, est-ce que cela a porté fruit ?
Oui, après la vidéo, j’ai eu des dons ; des gens sont venus repeindre ma maison et d’autres m’ont fait des promesses, même si certains n’ont pas tenu leurs promesses, mais on attend toujours.
Est-ce que cette vidéo où votre fille expose votre vie difficile ne vous a pas gêné ?
Non, cela ne m’a pas du tout gêné parce que si c’était dans mon village à Téïsson, les gens n’allaient pas venir me demander. A Téïsson, je dors dans ma villa avec climatiseur, de l’eau courante et il y a également une structure, je veux parler d’un foyer culturel des jeunes, une maternité ; donc je peux dire que j’ai tout dans mon village. On ne peut pas se déplacer avec tout, et si on n’a pas beaucoup de moyens, il faut construire au village d’abord.
Dans cette même vidéo, nous avons vu que vous avez beaucoup d’enfants ?
Effectivement, j’ai 10 enfants dont cinq filles et cinq garçons. Mon dernier enfant a 6 mois.
Et combien d’enfants comptez-vous faire?
En fait, les enfants, c’est Dieu qui nous donne. C’est lui qui sait quelle mission leur confier. Mon grand-père a engendré mon père qui à son tour, m’a mis au monde. Donc, c’est une forme de génération, et chacun a sa partition. C’est pourquoi on dit que Dieu est mystère. Prenons toi et moi ; peut-être que nous serons des milliardaires mais c’est aujourd’hui qu’il a choisi qu’on se rencontre face-à- face en Côte d’Ivoire. Quand nous on est ici, nous sommes fiers des Burkinabè parce qu’ils sont véridiques. Si Burkinabè dit non c’est non, c’est-à-dire qu’ils sont dans la justice et ça, c’est très important.
Mais s’occuper de dix enfants n’est-ce pas lourd financièrement ?
Ce n’est pas moi qui m’en occupe mais le bon Dieu. On voit des gens qui disent que tant qu’ils n’ont pas de travail ils ne se marient pas, sans savoir que Dieu a ses propres plans. Quand tu es célibataire, il ne te regarde pas mais dès que tu te marie, toutes les portes s’ouvrent. Sachez que tout est de la volonté de Dieu. C’est à travers les enfants, que les gens voient ton image. Mes parents sont morts, c’est vrai, mais aujourd’hui, moi je vis en eux et ils vivent en moi.
Dans votre métier de comédien, vous arrive-t-il souvent d’avoir des regrets ?
Il arrive parfois qu’il y ait des regrets parce que les gens ne connaissent pas la valeur du comédien. Si par exemple on t’invite à une cérémonie et que tu dis de payer une somme de cent mille ou deux cent mille F CFA, on trouve que c’est trop. La culture n’est pas développée en Côte d’Ivoire, et dans la sous-région. Les Ivoiriens ne connaissent pas la valeur et la portée réelle de la culture. Ils prennent le métier comme un jeu. Et c’est frustrant mais ce n’est pas encore payé. Je crois qu’un jour les gens finiront par comprendre que la culture, il faut la mettre au-devant car quand on a tout perdu, c’est elle qui nous reste.
Avec votre grande expérience, qu’est-ce que Téïsson vise dans le cinéma ?
D’abord, on ne vise rien parce que c’est le septième art, mais on prie qu’on ait de gros contrats. Moi qui te parle, je ne suis jamais venu au Burkina Faso. Et comme je le disais, si le temps me permet, peut-être un jour je serai plus Burkinabè que toi parce que je suis au Burkina sans y être ; j’ai vu le Burkina sans voir le Burkina. Nous partons en Europe pour plusieurs semaines pour des représentations, et il se peut qu’à notre retour nous fassions un spectacle pour nos frères Burkinabè et Africains, et avoir des bénédictions.
Un mot pour conclure
Pour conclure, je dirai que c’est nous qui sommes pressés. Le temps de Dieu n’est pas pressé. Néanmoins, nous ne vivons qu’une séquence du temps ; faisons donc bien notre travail. C’est le travail bien fait qui rend l’Homme immortel. Je rends hommage à notre fille Akissi Delta qui n’est pas allée à l’école mais à qui Dieu a donné un talent exceptionnel. Elle nous a rendus immortels à travers la série ‘’Ma Famille’’.
Interview réalisée à Abidjan par Evariste Télesphore NIKIEMA