C’est aujourd’hui, 4 août, que le gouvernement comptait organiser les obsèques de Thomas Sankara et de ses douze compagnons de malheur. Un des grands moments de cet événement, serait vraisemblablement l’inhumation des restes de leurs corps. En rappel, les 13 suppliciés avaient été sauvagement abattus le 15 octobre 1987, lors d’un coup de force du Front populaire, et enterrés pardon, jetés dans des trous sommairement creusés au cimetière de Dagnoën. Plusieurs années après cet acte barbare, que personne ne doit souhaiter même à son pire ennemi, les nécessités de l’enquête ouverte dans le cadre du procès qui leur a été dédié, ont conduit à l’exhumation de leurs restes. Ce sont ces reliques qui seront, dit-on, inhumées de manière officielle et solennelle. C’est dire si la République se rattrapera par rapport à la manière quasi bestiale dont les 13 suppliciés avaient été portés en terre. Au moment où nous traçons ces lignes, le gouvernement qui avait peu communiqué sur le sujet informe l’opinion nationale et internationale qu’aucune date d’inhumation n’a été arrêtée. Mieux, le choix de la date se fera en concertation avec les familles des victimes. Le débat semble donc clos. Mais pour autant tout est rentré dans l’ordre ? Difficile de répondre par l’affirmatif. Mais, on peut se permettre de saluer cette initiative qui va consister à enterrer leurs restes conformément à ce qu’ils ont représenté dans l’histoire politique du pays. Même Blaise Compaoré, probablement pris de remords, par la manière dont son ‘’ ami et frère ‘’ Sankara avait été assassiné et enterré, avait promis des obsèques dignes à ce dernier à la hauteur de ce qu’il avait suscité comme espoir pour notre pays et pour l’Afrique. Blaise Compaoré a quitté le pouvoir dans les circonstances que l’on sait, sans réaliser cette promesse.
Le gouvernement aurait été mieux inspiré de suffisamment communiquer sur le sujet
Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, on peut se réjouir que la Transition ait pris la décision d’organiser des obsèques dignes de ce nom pour honorer leur mémoire. Et il faut avoir le courage de le dire. Thomas Sankara, tout comme ses compagnons d’infortune et tous les Burkinabè arrachés à l’affection de leurs parents du fait de la violence en politique, mérite cela. On peut prendre d’ailleurs le risque de dire que cette opération de rattrapage peut contribuer à apaiser les cœurs et in fine à baliser le terrain pour la réconciliation nationale tant prônée. Et quand on observe l’agencement des choses, on peut dire que cette opération de rattrapage peut être lue comme une suite logique de la demande de pardon de Blaise Compaoré adressée à la famille de son ‘’ami et frère’’ Thomas Sankara. Mais, d’ores et déjà, force est de reconnaître que c’est un rattrapage qui divisait. En effet, il nous est revenu que des familles des suppliciés n’appréciaient pas du tout la manière dont le gouvernement voulait organiser l’événement. Elles pointent particulièrement du doigt ce qu’elles appellent le caractère précipité et unilatéral de la cérémonie de 4 août. Heureusement donc que le gouvernement a rectifié le tir. Et c’est à son honneur car, une décision de ce genre mérite que l’on associe forcément toutes les familles des 13 suppliciés. De ce point de vue, elles doivent, en concertation avec le gouvernement, choisir la date de l’évènement et le lieu qui va servir de dernière demeure à leurs proches respectifs. Au- delà même des familles, le gouvernement serait bien et mieux inspiré de suffisamment communiquer sur le sujet, de manière à obtenir un large consensus national sur les inhumations de reliques. En tout cas, on déplore de manière générale, le caractère commando dont Damiba conduit bien des sujets d’intérêt national. Ce fut le cas du retour controversé de Blaise Compaoré. C’est cette approche solitaire, unilatérale et commando dans la conduite des affaires de la Nation, qui est l’un des péchés mignons de la Transition. Si elle ne se ressaisit pas, la réconciliation qu’elle prône, risque de s’apparenter à une ligne d’horizon qui, plus on s’en rapproche, plus elle s’éloigne.
P.K