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SEKOU OUEDRAOGO, CINEASTE: « Il faut que les gouvernants réfléchissent à la vraie politique de promotion du cinéma burkinabè »

Né au Nord du Burkina Faso, plus précisément dans la ville de Ouahigouya d’où il est originaire, Sékou Ouédraogo a grandi entre le Mali, le Sénégal et le Burkina. Issu de la famille royale Baloum et ayant de grands-parents chansonniers, il sera dès le bas âge initié au métier des arts par son géniteur qui le faisait jouer dans des pièces théâtrales. Après sa formation en comptabilité-banque, il va servir dans une institution financière de la place avant de rencontrer le doyen du cinéma en la personne d’Idrissa Ouédraogo qui va changer son destin.

A travers cette interview exclusive qu’il a bien voulu nous accorder, il nous parle de son parcours, de sa passion pour les arts, des difficultés rencontrées, de sa filmographie, de son quotidien, jette un regard critique sur l’évolution du cinéma burkinabè, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Sékou Ouédraogo : Je vais très bien.

 

D’où vient cette passion pour les arts ?

 

C’est naturel, Je peux dire que c’est inné. Je suis né d’un père qui est professeur de français et qui était un metteur en scène de théâtre. Il m’a fait jouer dans des pièces de théâtre depuis l’enfance. C’est ce qui a fait naître l’amour de l’art en moi.

 

Peut-on dire que cela a été une chance pour vous d’avoir eu un père qui était dans les arts et qui a suscité ce déclic ?

 

Effectivement, je dirai oui. Ce facteur a guidé mes pas dans le monde des arts. J’ai donc commencé à jouer dans les pièces de théâtre dans les années 83-84. Cela a semé en moi le grain d’artiste. Ça vraiment été une chance pour moi. Au fur et à mesure que mon père écrivait ses pièces et poèmes, cela m’a donné l’envie de travailler dans ce domaine.

 

Quel a été véritablement votre parcours jusqu’à ce que vous soyez aujourd’hui dans la cour des grands ?

 

Je dirai que tout homme est sur la terre pour une mission. Donc peut-être que je suis en mission dans le domaine du cinéma et de l’audio-visuel. Sinon que je suis comptable-banquier de formation. J’ai été comptable à la BCIA-B. C’est là-bas que le grand frère Idrissa Ouédraogo, paix à son âme, est venu me trouver et m’a demander ce que je faisais là. Et j’ai tout de suite dit à mes chefs que je partais travailler dans le domaine du cinéma. Ils étaient tous étonnés car ils se sont demandés comment quelqu’un qui travaille dans le certain va quitter et aller travailler dans l’incertain. J’avoue que je ne regrette pas ce choix. De nature, j’étais un garçon timide et aujourd’hui je peux regarder quelqu’un droit dans les yeux et lui dire ce que je pense. Auprès d’Idrissa Ouédraogo, j’ai eu un parcours et une formation que je ne peux pas quantifier, ce sont des formations tant à l’intérieur du Burkina qu’au niveau international. Il m’a également accepté au sein de sa structure NDK jusqu’au jour où j’ai senti que je pouvais travailler pour moi-même. Et aujourd’hui, je ne suis pas non seulement un cinéaste, mais un homme de culture.

 

Pourquoi le choix de la réalisation au lieu du jeu d’acteur qui est le rêve de beaucoup de jeunes ?

 

C’est un choix, très souvent, je fais des choix et je les assume. Même quand je travaillais avec le doyen Idrissa Ouédraogo, il a voulu que je parte pour une formation à Paris. J’ai dit non, je veux faire la direction de la production et la réalisation. En faisant la production, tu te frottes aux hommes de culture qui peuvent te permettre d’être ce que tu veux devenir.

 

Quelle est votre filmographie ?

 

J’ai trois courts métrages et un long métrage. En termes de courts métrages, il y a « L’Afrique mon destin » en 2005, il y a eu « L’obstacle » et une réalisation qui est une adaptation de l’œuvre  de Boureima Barry qui est « L’âme déchirée de Kandy ». Il y a le long métrage « A qui la faute ».

 

Quelle est la difficulté majeure d’un jeune cinéaste comme vous ?

 

La difficulté majeure est le financement. Avec les projets, il faut aller à la recherche des financements tout en sachant à quel public cible est destiné tel ou tel projet. C’est ce qui peut guider un cinéaste vers le partenaire approprié.

 

Quel est votre regard sur l’évolution du cinéma burkinabè ?

 

A savoir si le cinéma burkinabè se porte bien, je peux dire oui et non. Il se porte bien au niveau organisationnel. En Afrique, le cinéma burkinabè est le mieux organisé. Il y a des pays qui nous sollicitent dans ce sens. Le hic est que nous n’arrivons pas à écouler les produits que nous fabriquons. Il y a un maillon qui est faible et ce maillon faible c’est la distribution. Nous n’avons pas plus de quatre salles fonctionnelles au Burkina pour l’exploitation. Les télévisions ne payent pas convenablement, tous ces facteurs ne permettent pas de rentabiliser nos investissements afin d’aboutir à d’autres productions. C’est la raison pour laquelle tous les cinéastes courent aujourd’hui derrière les subventions pour boucler leurs budgets.

 

Quels sont vos grands projets ?

 

Je suis sur un long métrage tiré d’un roman du Béninois Fousséni Tanko Bana-Korodji et qui est intitulé «  Les prémices de l’humanité ». C’est un roman qui éduque le monde en nous montrant qui nous sommes. C’est ce qui m’a poussé à le mettre en image. Le cinéma, c’est aussi un moteur d’éducation, de sensibilisation et de vision politique. Ça ne se limite pas au divertissement.

 

Pensez-vous qu’il existe une véritable politique de promotion du cinéma burkinabè ?

 

Je ne pense pas. Il faut que les gouvernants réfléchissent à la vraie politique de promotion du cinéma burkinabè. Ils peuvent se servir du cinéma pour mettre en évidence leurs visions et programmes de société. Quand on prend la série « 24heures chrono », les Américains ont préparé les mentalités qu’un jour un noir pourrait diriger les USA. A travers leurs films, le monde a compris leur manière de communiquer. Quand on parle du Burkina Faso à l’extérieur, on parle de Thomas Sankara et du cinéma. Il incombe aux gouvernants de réfléchir en partenariat avec les professionnels du cinéma pour trouver les voies et moyens pour sa promotion.

 

Pouvez-vous nous parler de votre structure IMGC ?

 

C’est International Media Group Consulting qui a le volet production et réalisation ainsi que la distribution et l’exploitation. IMGC regroupe en son sein des communicateurs aguerris qui sont au niveau des radios et télévisions et qui réfléchissent sur des sujets qui peuvent intéresser le monde.

 

Vivez-vous de votre art ?

 

(Il éclate de rire) … Je peux dire que oui car je ne vis que du cinéma et de l’audio-visuel.

 

Quel est votre quotidien ?

 

Je sors de chez moi entre 9h et 10h pour le bureau et j’ai la tête dans mes dossiers. J’essaie de m’organiser pour finir les projets en cours. Je réfléchis sur les projets à venir et j’échange avec ceux qui viennent vers moi.

 

Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père de trois enfants.

 

Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans le monde du cinéma ?

 

Je l’encouragerais et je lui dirais qu’il vient dans un monde de fous. Ce ne sont pas des fous qui portent des haillons mais des fous qui réfléchissent et qui ont une vision. Des fous qui ont leur manière de faire et d’être.

 

Etes-vous un fou ?

 

Il y a une manière de faire et d’être. Ce qui n’est pas forcément la même manière de faire des autres.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Soyons nous-mêmes et le monde ira mieux. Merci à Evasion pour cette tribune qui m’est offerte. Et que la paix revienne au Faso.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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