Le Conseil de ministres, en sa séance du 19 avril dernier, a adopté une modification de la loi n°36-2015/CNT du 26 juin portant Code minier au Burkina Faso. L’innovation majeure dans ce nouveau Code minier est l’introduction de dispositions permettant de reverser une partie des ressources du Fonds minier de développement local (FMDL), au Fonds de soutien patriotique (FSP). En espérant que ce projet de loi passera comme lettre à la poste à l’Assemblée législative de Transition (ALT), l’on peut déjà saluer la clairvoyance de l’Exécutif burkinabè. En effet, la mise à contribution du secteur minier pour le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire burkinabè ainsi que pour une meilleure solution à la pire crise humanitaire que traverse le pays, est de bon aloi. Les ressources minières du pays doivent servir à répondre en priorité aux besoins des populations qui ont cédé, parfois sans grande contrepartie, leurs terres à l’exploitation minière. Il était donc moralement indécent, alors que ces populations se meurent sous les ruades meurtrières des groupes armés qui ont parfois pris le contrôle de certaines mines, que les grandes firmes viennent exploiter et exporter les richesses nationales et retournent chez elles sans le moindre égard. Le second argument qui milite en faveur de cette décision gouvernementale, est que l’effort de guerre doit être proportionnellement supporté par tout le monde. Autant les plus démunis doivent consentir des efforts, autant les plus nantis doivent casser la tirelire pour fournir ce qui est connu de tous comme le nerf de la guerre.
Il faut s’attendre à des grincements de dents
C’est donc une question de justice sociale. L’option gouvernementale est d’autant plus pertinente qu’elle est le symbole de la reconversion de l’économie nationale en une vraie économie de guerre, c’est-à-dire que tous les acteurs de l’économie qui sont à l’arrière des lignes, travaillent véritablement pour soutenir le front. C’est grâce à cette mise à niveau de l’économie, que les alliés ont gagné la Seconde Guerre mondiale contre l’Allemagne hitlérienne. Cela dit, il faut aller au-delà du secteur minier pour toucher tous les secteurs de l’économie, notamment à travers une production tournée vers les besoins du front. Enfin, la justesse de la nouvelle loi tient au fait qu’elle met d’accord les Burkinabè dans la mesure où l’appel à contribution des agents publics et privés à l’effort de guerre à travers le prélèvement de 1% du traitement salarial, avait été rejeté par leurs syndicats qui estimaient qu’il existait de nombreuses niches financières dont justement le domaine des mines où l’Etat pouvait trouver l’argent nécessaire pour la reconquête du territoire national.
Cela dit, on espère que les sociétés minières comprendront le bien-fondé de la mesure. A priori, cela devrait être le cas car ces entreprises œuvrant dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles devraient le comprendre ; tant elles ont payé un lourd tribut avec les attaques terroristes. En effet, quand ce ne sont pas des raids meurtriers qui ont parfois décimé leurs personnels dans des convois, elles ont tout simplement été contraintes de mettre la clé sous le paillasson. Mais l’on connait le principe du capitalisme international qui n’a d’yeux que pour le profit et il faut donc s’attendre à des grincements de dents. C’est pour cela que l’Etat ne devrait pas se contenter d’adopter la nouvelle loi, mais il devrait se donner les moyens de la faire appliquer. Cela est d’autant plus nécessaire que les sociétés minières sont connues pour être de mauvais payeurs, notamment de leur part contributive au Fonds minier de développement local qui a parfois fait l’objet d’un bras de fer avec les municipalités. Elles sont connues pour ruser avec le fisc. L’on se souvient encore du dossier à scandale du charbon fin. Il faudra donc ouvrir l’œil et le bon pour que la nouvelle loi ne soit juste un tonneau vide qui produit plus de bruit que d’effets.
- K