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OSCIBI JHOANN, REGGAE MAKER ET ACTIVISTE : « On nous a toujours fait croire que le Burkina est un pays pauvre et sans avenir, mais c’est un mensonge d’Etat »

Oscibi Jhoann, à l’état civil Ouédraogo Sibiri Jhoanny, est un reggae maker et activiste burkinabè né à Saïoua en République de Côte d’Ivoire. Ayant débuté sa carrière aux bords de la lagune Ebrié, il débarque au bercail en 1998 et la structure Seydoni Production, nouvellement installée à Ouagadougou, tombe sous le charme de son talent et produit son premier opus « Juste et justice » en 1999. Il retrouve vite un franc succès grâce à sa chanson « Lebg n’wa ». Suivront des œuvres discographiques aux textes très poignants comme « Gongo », « Vigilance » ou « Trinity ». Engagé auprès d’une organisation de la société civile, en l’occurrence le Balai citoyen, l’artiste s’est aussi vite positionné dans la sphère politique. A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, Oscibi Jhoann nous parle de son concert live du 26 février prochain, de son dernier album en date « Sougr borgo », dresse un bilan de sa carrière, revient sur sa détention en prison en République Démocratique du Congo, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt. 

                                                                                    

Evasion : Comment allez-vous ?

Oscibi Jhoann : Je vais très bien.

 

Que voulez-vous dire quand vous faites ressortir régulièrement dans vos chansons que le serpent n’est pas mort ?

 

Le serpent représente tout ce qui est mal, rétrogradant et contre-nature. Je veux dire aussi que le serpent c’est la corruption, la mal gouvernance et la dictature.

 

Quel bilan faites-vous de votre carrière depuis le premier album « Juste et justice » qui vous a révélé au grand public ?

 

C’est un bilan en dents de scie, car lorsque j’arrivais au Burkina Faso en 1998, je ne connaissais personne. J’ai démarré ma carrière musicale en Côte d’Ivoire et ce n’était pas la même configuration comme ici au bercail. C’est vrai que le premier a connu un franc succès mais il n’y a plus eu de suivi, je n’ai plus eu de producteur et de manager. Donc, je me suis retrouvé seul sur un terrain inconnu. Après la sortie de mon album « Trinity », j’ai décidé de rester au Faso et assumer mon choix. De temps en temps, on part en politique parce qu’à un moment, chanter et dénoncer ne suffisait plus. Je dirai que le bilan est positif.

 

Entre musique et activisme, quels sont vos rapports avec les politiciens ?

 

J’ai de bons rapports avec les politiciens. Mais pour ne pas adhérer à un parti politique, je me suis retrouvé comme membre d’une organisation de la société civile qui est le Balai citoyen. C’est un courage d’aller en politique, les faibles critiquent seulement mais ne s’engagent pas.

 

Plus les années passent, plus l’on vous sent de plus en plus révolté, qu’est-ce qui justifie cela ?

 

(Il éclate de rire)… On ne vit pas deux cents ans, chacun vit pour avoir le bonheur. On nous a toujours fait croire que le Burkina est un pays pauvre et sans avenir mais j’ai constaté que c’est un mensonge d’Etat. Donc, chaque fois que le temps passe et que l’on refuse de se développer et créer de l’emploi, cela me révolte. Je crois que le Burkina Faso mérite mieux que sa position actuelle.

 

Quel serait votre choix si l’on vous demandait d’opter soit pour la politique, l’activisme et la musique ?

 

Ce serait bien sûr la musique car là-bas, on est encore plus libre. J’ai choisi le reggae qui est une ligne politique.

 

Ne pensez-vous pas que votre engagement fait fuir les producteurs ?

 

C’est le paradoxe burkinabè. Les gens aiment les artistes engagés mais ne les soutiennent pas, ils n’aiment louer que les morts et c’est dommage. Nous autres, les gens nous aiment quand on dénonce la corruption mais personne ne va injecter de l’argent dans notre combat. Mais après vingt ans de carrière, je ne regrette pas mon choix.

 

Quels souvenirs gardez-vous de votre mésaventure en mars 2015 en RDC ?                               

 

Nous avons été arrêtés en RDC en 2015 dans le cadre d’une conférence à laquelle je devais participer car je représentais le Balai citoyen, il y avait aussi le Mouvement  « Y en a marre». Et le régime Kabila nous a emprisonnés et traités de terroristes. Nous sommes restés pendant quatre jours dans une prison de haute sécurité de Kinshasa. Dieu merci, nous avons été expulsés dans nos différents pays. Ce sont des souvenirs effroyables.

 

Repartirez-vous au Congo pour la même action ?

 

Oui, mais avec des conditions de sécurité bien définies. Je dois ma libération au monde, à la jeunesse africaine, au Balai citoyen et aux autorités de la transition de l’époque.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre dernier album en date ?

 

C’est « Sougr borgo » qui veut dire la trompette du pardon, il est sorti en juillet 2021 et qui invite le peuple à la sincérité. L’œuvre nous invite à la vraie réconciliation qui nous permettra d’enclencher le vrai développement.

 

A quoi rime votre concert du 26 février prochain ?                        

 

C’est un grand concert live que j’ai décidé d’organiser au CENASA. Ce sera un rendez-vous de sons et de lumière. Ça va être l’occasion pour moi d’évoluer seul pendant une heure et demie sur scène. Pour la première partie, il y aura Jean Zoé, Kalam et Zueny Black. Pour ceux qui m’ont toujours soutenu et ceux qui veulent me découvrir, je les invite à faire le déplacement. Et j’ai choisi ce cadre climatisé pour dire aussi que le reggae n’est pas une musique de misère et de lamentation. Ce jour, je vais vous expliquer pourquoi j’évolue avec une lampe sur scène.

 

Quel est votre quotidien ?

 

Actuellement pour le concert, je contacte des personnes ressources et chaque quatre jour, je suis en pleine répétition avec mon groupe. Autour de 22h, je suis à la maison, je ne suis pas un noctambule.

 

Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?

 

Je suis marié et père de deux enfants.

 

Vivez-vous de votre art ?

 

Je suis un styliste de formation mais je ne vis que de la musique, donc je vis de mon art.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Je dis merci à mes fans pour leur soutien. Le reggae est une musique de prise de position. Voilà pourquoi on tient des propos dont certains se sentent offusqués alors qu’on aime tout le monde. Merci à toute l’équipe des Editions « Le PAYS » et que Dieu vous donne la force de continuer dans votre élan de promotion de la culture.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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