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DOZOSS, ARTISTE-MUSICIEN: « J’interpelle le ministère de la Culture à être plus regardant sur les critères de choix pour accompagner les artistes »

« Terre de nos pères » est le titre du nouvel album de Dozoss qui a été dédicacé le 22 mai 2022. Considéré par de nombreux acteurs culturels comme une véritable étoile montante de la musique burkinabè, Dofinissé Janvier Doyé à l’état civil, revient sur scène avec un opus de 8 titres. Le jeune artiste qui chante en français et en bwamu, sa langue maternelle, aborde plusieurs thématiques, à savoir l’amour, le patriotisme, la paix, etc. Dans cet entretien exclusif accordé à votre journal, Dozoss explique les raisons de son long silence et justifie le titre de son album. Lisez plutôt !

 

« Evasion » : Après un long silence, Dozoss revient avec « Terre de nos pères ». Qu’est-ce qui justifie cette longue attente ?

Dozoss : Permettez-moi de saluer tous les lecteurs du journal « Le Pays » et particulièrement « Evasion », parce qu’il s’agit de la culture. Avant de parler de l’album « Terre de nos pères », il faut sans doute justifier ce long silence parce qu’on me connaît dans la musique depuis 2013. Généralement on met l’accent surtout sur la qualité. Et j’ai vraiment une difficulté par rapport à cela, car j’utilise un instrument traditionnel dont la modernisation demande beaucoup de recherches et d’accompagnement pour pouvoir donner un produit de qualité à mes fans et à tous ceux qui aiment m’écouter. Cela a mis du temps, et ça se justifie par la qualité du produit qu’on veut proposer à nos mélomanes.  Dieu merci, nous sommes arrivé aujourd’hui à mettre sur le marché du disque un album qui est disponible et intitulé « Terre de nos pères » et qui sortira le 22 mai 2022.

 

 « Terre de nos pères » semble être un titre évocateur pour le commun des mortels. A quoi renvoie un tel titre ?

 

« Terre de nos pères » est un titre très évocateur et qui interpelle. Je veux vraiment interpeller tous ceux qui aiment m’écouter à revenir à la source. Voyez-vous, il y a beaucoup de choses qui nous divisent. Je n’ai rien contre la religion, mais elle divise. Je n’ai rien contre la politique, mais elle divise. Il y a pleins d’exemples.  La seule chose qui ne peut pas nous diviser, c’est la terre, car c’est l’entité sur laquelle nous reposons tous. Malgré nos mésententes, il va falloir gérer cette terre que nos parents, nos ancêtres, nos aïeux nous ont léguée. Pour cela, j’invite les gens à revenir sur ces questions de terre pour permettre une union et une solidarité forte. Ceci permettra de lutter contre les maux auxquels nous faisons face. Si nous n’arrivons pas à vaincre cela, c’est parce que nous ne sommes pas unis, nous ne sommes pas solidaires, nous n’avons pas un référent autour duquel tout le monde se retrouve.

 

Combien de titres l’album contient-il et quelles sont les thématiques qui y sont abordées ?

 

L’album contient 8 titres. Le patriotisme est l’un des thèmes abordés avec le titre « Terre des hommes ». A travers cette thématique, nous voulons rappeler à tous que le Burkinabè est avant tout, un homme, un guerrier et un combattant. Il y a lieu aussi de nous remémorer à travers l’esprit des anciens dont Jean Bernard Samboué sur le titre « Dalé » qui parle des nécessiteux (talibés, filles de ménage, marginalisés) et qui représente une partie de la société qui doit nous interpeller à cause de notre humanisme. Il y a aussi l’amour maternel sur le titre « Hampi » qui est le nom de ma maman pour lui rendre hommage. En plus de cela, le titre phare intitulé « Bakônilô » qui parle de nos masques traditionnels et qui sera clippé. Je rappelle que je fais partie des rares artistes dans le bwamu qui évoluent avec le rap moderne avec des instruments purement bwa.

 

L’album est chanté dans quelles langues ?

 

L’album est chanté en bwamu et en français. Le rythme est celui des sonorités « bwa » dont le « Tianhoun ». Le Tianhoun est notre instrument traditionnel de base et de référence identitaire du bwa. Vous trouverez le Gôini ou la kora un peu partout, mais pas le Tianhoun, qui reste et représente la carte d’identité du bwamu.

 

« Tout métier bien fait nourrit son homme »

 

Tous s’accordent à dire que la production d’un album n’est pas toujours chose aisée ? Quelles ont été les difficultés rencontrées dans la réalisation de « Terre de nos pères » ?

 

L’une des difficultés que j’ai rencontrées est liée au fait que nous n’avons pas trop d’oreilles bwaba du côté technique du show-biz. Il ne suffit pas seulement de taper des sons sur l’ordinateur, mais d’avoir un esprit du live. Cela nécessite la présence d’instrumentistes, qui n’est pas souvent prise en compte par l’arrangeur. L’autre difficulté est d’ordre organisationnel parce que nous sommes toujours dans l’autoproduction. Et cela n’est pas non plus aisé.

 

Peut-on dire qu’au Burkina Faso, l’artiste se nourrit de son art ?

 

Il faut rappeler que tout métier bien fait nourrit son homme. Donc, il faut d’abord, en tant qu’artiste, faire quelque chose pour nourrir notre art avant que cet art ne nous nourrisse.

 

Le ministère en charge de la culture accompagne les artistes à travers un fonds. Avez-vous déjà bénéficié de cet accompagnement ?

 

Cette problématique est toujours posée. Personnellement, j’ai eu à déposer plus de 3 fois des demandes au niveau du ministère, mais sans suite. Je profite de l’occasion pour interpeller le ministère en charge de la culture à être plus regardant sur les critères de choix pour accompagner les artistes.

 

Existe-t-il des associations d’acteurs culturels pour la défense de vos intérêts matériels et moraux ?

 

Nous avons des associations d’acteurs culturels au sein de notre ministère, que ce soit à Dédougou, à Ouagadougou ou dans d’autres villes. Comme on le dit, dans la musique il y a pas mal de petits problèmes. Ce qui fait que ces associations n’existent parfois que de nom. Je pense que c’est à nous de trouver le bon filon pour dynamiser ces associations afin de pouvoir bien défendre notre cause.

 

Vous êtes enseignant de profession. Comment arrivez-vous à concilier les deux activités ?

 

L’adage nous enseigne qu’on ne peut suivre deux lièvres à la fois. Mais, ma profession de professeur de français constitue pour moi un atout et une chance à la fois. Vous n’êtes pas sans savoir que la littérature a également un côté musical. Comme je fais de la musique qui éveille les consciences, alors ma priorité c’est l’éducation. Donc à l’école, je mets l’accent sur la qualité de l’enseignement, de telle sorte que nos enfants puissent avoir la bonne graine pour se développer. C’est cela qui se prolonge dans ma musique. Pour répondre à votre question, je dirai que les deux ne se gênent pas, même si à l’avenir, il y a un qu’on va sans doute abandonner.

 

Quel est le message que vous lancez à vos fans à la veille de la dédicace de votre album ?

 

La dédicace de l’album est prévue pour le 22 mai 2022. Le concept que je vais lancer est celui des terriens. Il va valoir que ces derniers sachent que c’est sur cette terre que nous allons planter nos talons pour avoir la puissance nécessaire pour affronter toutes les difficultés auxquelles nous ferons face. Le second appel consiste à dire que lorsqu’on reconnaît qu’on est propriétaire terrien, le patriotisme est peut-être une thématique nouvelle, mais cette terre est à défendre au prix de notre vie. Je lance donc un appel afin que les gens reviennent à la raison. La terre nous appartient. Personne ne peut venir nous la retirer. Et nous avons le devoir de la léguer aux générations futures. Pour me répéter, j’invite les uns et les autres à l’union, à l’unicité, à la solidarité et à la cohésion, comme un soldat, l’âme du soldat afin de venir à bout du terrorisme.

 

Propos recueillis par Loban Henry POPPY

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