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CLEMENCE ZONGO, COIFFEUSE ARTISTIQUE BURKINABE: « Quel que soit le métier que tu veux exercer, il faut avoir la passion »

Avez-vous une idée de ce qu’est une coiffure artistique ? Pas très évident !  Eh bien, au Burkina, il y a certainement des personnes qui exercent ce métier mais depuis quelques années, une jeune dame fait beaucoup parler d’elle dans le milieu. Il s’agit de Clémence Zongo, promotrice de la maison Holy création. Sans être forcément sous les feux des projecteurs, Clémence Zongo fait partie de ces personnes à qui on dira que leur savoir-faire est un don de Dieu tant les merveilles qu’elle fait, forcent simplement l’admiration.  Tenez, rien que le 25 avril dernier, lors de la 23e  édition des Kundé, la coiffure du mannequin ayant ouvert le bal du défilé est griffée de son nom. Et ce n’est pas tout ! Car des artistes musiciens ou acteurs de cinéma ont déjà bénéficié de ses services. Au cours d’un entretien réalisé le 23 avril dernier dans les locaux des éditions “Le Pays”, elle a expliqué comment elle est venue dans ce métier, les difficultés qu’elle rencontre, et ce rêve qui lui tient tant à cœur, à savoir la création d’un centre de formation pour partager ce don qu’elle a reçu de Dieu. Pour elle, pour réussir une activité, il faut de la passion. Lisez tout simplement !

Evasion: Vous êtes une coiffeuse artistique. Dites-nous ce que c’est qu’une coiffure artistique ?

 

Clémence Zongo: Il faut tout d’abord savoir que la coiffure artistique est une forme d’art à travers laquelle j’arrive personnellement à m’exprimer, que ce soit par les émotions, par une histoire quelconque. Elle est différente de la coiffure traditionnelle.

 

Comment êtes-vous venue dans ce métier ?

 

Il faut dire que je suis une croyante, très attachée à Dieu. J’ai eu la révélation dans un rêve.  A la base, je suis une coiffeuse et j’ignorais ce que c’est que la coiffeuse artistique.  En 2020, lors de la pandémie de la Covid-19, il y a cette histoire de confinement. Un dimanche, après l’église, je suis rentrée à la maison et je me suis endormie. Vers 3h du matin, j’ai fait un rêve dans lequel je me voyais transformer une dame dont je ne voyais même pas le visage. Je me suis réveillée en sursaut et je me demandais ce que cela voulait dire. Je me suis alors souvenue de la révélation qu’on m’avait faite lors d’une prière auparavant. Le lendemain lundi, je suis allée au salon et comme il n’y avait pas de cliente, j’ai fait appel à une de mes collègues pour la coiffer.  L’image de la coiffure de la dame dans mon rêve était toujours vivace dans mon esprit et j’ai essayé de la reproduire sur la tête de ma collègue. Quand j’ai fini, les autres collègues ont beaucoup apprécié. J’ai pris la photo de la coiffure et j’ai balancé sur le net.  Le lendemain, à ma grande surprise, je vois de nombreux commentaires positifs, me félicitant. Et tout est parti de là. Quand des clientes venaient, l’envie de créer quelque chose sortant de l’ordinaire me prenait et à chaque fois que je réalisais une coiffure, les gens appréciaient.  Chaque semaine, j’essayais de faire deux ou trois de ces coiffures que je publiais et les commentaires me félicitant étaient très nombreux. Nous étions en fin 2020. En 2021, une jeune dame ivoirienne mannequin qui suivait mes publications, m’a écrit et m’a envoyé une affiche sur laquelle il était question de l’organisation d’un concours de coiffures artistiques à Abidjan. Elle a insisté pour que je prenne part parce que, pour elle, mes créations étaient belles. Effectivement, je suis entrée en contact avec les organisateurs du concours par mail. Ils m’ont demandé si j’étais à Abidjan et j’ai répondu par la négative. C’est là qu’ils m’ont fait comprendre que cela allait être compliqué de payer mon voyage et mes frais d’hébergement, parce qu’ils n’avaient pas les moyens. Je leur ai fait comprendre que s’ils ne pouvaient pas assurer mon déplacement, qu’ils me permettent néanmoins de participer au concours. Entre-temps, c’était le silence-radio, pendant un mois. C’est ainsi que celle qui m’a informée du concours, me recontacte et je lui explique tout. Elle décide alors d’entrer en contact avec la promotrice du concours et m’envoie son numéro. J’appelle cette dernière qui demande à voir mes créations. Quand je les lui ai envoyées, elle était éblouie. Elle a donné son accord pour que je vienne. Je suis alors partie et pour le concours, nous étions 52 candidates. Il y avait plusieurs catégories et Dieu, par sa grâce, a permis que je remporte le 1er  prix côté coiffure artistique.

 

Donc vous n’avez suivi aucune formation en la matière ?

 

Non, aucune formation en coiffure artistique.

 

Et depuis lors, vous ne cherchez pas à vous former ?

 

Ici au Burkina, j’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé de centre de formation. Je me dis que si c’est Dieu qui a tracé mon chemin dans ce domaine, c’est lui qui va me guider, me donner toujours l’inspiration pour réussir ma mission.

 

Ce genre de coiffure que vous faites est-il bien connu et valorisé au Burkina ?

 

Depuis 2021 où je me suis très bien intéressée à cette coiffure, je peux dire que c’est maintenant que les gens commencent à s’y intéresser, précisément depuis fin 2024.

 

 A quel moment êtes-vous réellement sollicitée ?

 

C’est surtout lors des défilés. J’ai été plusieurs fois sollicitée pour coiffer des mannequins pour des défilés, ou encore pour les concours de miss. J’ai eu aussi à coiffer des artistes pour leurs clips.

 

Vos créations sont-elles protégées ?

 

Non, mes œuvres ne sont pas protégées. En 2022, des gens m’ont conseillée d’aller avec mes œuvres voir le Bureau burkinabè des droits d’auteurs pour protéger mes chef-d’œuvres. Je suis allée et on m’a fait comprendre que dans les textes, la protection de la coiffure n’y est pas. En 2024 encore, je suis allée avec une association de coiffeuses et la même chose nous a été dite.

 

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?

 

L’une des difficultés est le manque de moyens financiers. Ce qui fait que je n’arrive pas à faire plus, à donner plus de créativité. Pour le moment, je n’ai pas de salon de coiffure propre à moi, je travaille à la maison. Je n’ai pas aussi le soutien qu’il faut. Quand je prends des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, quand ils voient quelque chose qui vient de chez eux sur les réseaux sociaux, ils boostent cela, ils valorisent en montrant que ça vient de chez eux. Ils ne laissent pas que des gens de l’extérieur valorisent avant d’agir. Je veux vraiment rester dans mon pays et faire de grandes choses.

 

Les matériaux que vous utilisez pour faire les coiffures sont-ils disponibles sur le maché ?

 

Oui, on en trouve facilement.  J’utilise la laine qui ne coûte pas cher, je fais aussi des confections avec des mèches. Là, à ce niveau, cela demande beaucoup de moyens financiers. Mais si tu veux montrer tes talents, tu es obligé de prendre le peu d’argent que tu gagnes pour encore investir dans ceci ou cela, finalement, tu n’as pas grand-chose.  Moi, je pense que si les gens repèrent des talents sur les réseaux sociaux, ils doivent soutenir, encourager. On peut nous inviter dans telle ou telle cérémonie pour faire découvrir ce dont nous sommes capables.

 

Vivez-vous de votre art aujourd’hui ?

 

Je dirais pas encore.

 

 Mais vous avez fait parler de vous lors du dernier FESPACO ?

 

Oui, le FESPACO m’a beaucoup apporté et m’a ouvert des portes.

 

Justement, vous partez en Belgique pour un festival, en mai. Que comptez-vous démontrer aux yeux du monde ?

 

Oui, c’est le festival Benkadi qui aura lieu en mai, en Belgique. Le festival est à sa 5e édition je crois.  En fait, la promotrice de ce festival me suivait beaucoup sur les réseaux sociaux et quand elle est venue ici au FESPACO 2025, elle m’a contactée la veille de la clôture. Je suis allée et je l’ai coiffée et elle était tellement contente qu’elle m’a donné une carte d’invitation pour prendre part au festival. Mais elle m’a expliqué qu’ils n’ont pas eu les moyens pour inviter les gens, notamment payer leur billet d’avion et leur hébergement, mais que leur objectif était de faire connaître au reste du monde, les talents. Ils m’ont dit que ce qu’ils pouvaient faire c’était de m’aider à avoir le visa. Ce qu’ils ont fait.  Je suis allée au ministère en charge de la culture concernant le billet d’avion. J’ai été reçue par le ministre qui était très content et engagement a été pris de payer le billet d’avion. Maintenant, il reste l’hébergement, je n’ai pas d’argent et je compte sur les bonnes volontés pour m’aider dans ce sens.

 

Quels sont vos projets à court et moyen termes ?

 

Je suis la promotrice de la maison Holy création et mon souhait est d’en faire un centre de formation pour partager mon savoir-faire avec ceux ou celles qui voudraient bien apprendre la coiffure artistique. Cela me tient énormément à cœur et j’espère pouvoir le réaliser. Je compte bien m’investir plus et pouvoir défiler sur de grands podiums à l’international.

 

Quels conseils pouvez-vous donner à ceux ou celles qui veulent se lancer dans la coiffure artistique ?

 

Quel que soit le métier que tu veux exercer, il faut avoir la passion, l’amour pour ce métier. C’est un travail qui n’est pas facile et si tu n’as pas la passion, tu ne peux pas tenir. C’est quelque chose qui prend du temps, on ne fait pas la coiffure artistique rapidement, il faut prendre tout son temps. Tout doit être au top pour que quand les gens vont regarder, ils soient émerveillés.

 

A combien estimez-vous ceux qui sont dans le domaine de la coiffure artistique au Burkina ?

 

Au Burkina, je n’en connais pas. En fait, c’est une coiffure qui parle. Je fais les coiffures en fonction des thèmes qu’un client demande. Je fais des coiffures pour sensibiliser par exemple sur le cancer, sur l’actualité du pays, etc, j’envoie toujours un message à travers mes coiffures.

 

Avec quels artistes avez-vous déjà eu à travailler ?

 

Je peux citer Hawa Boussim, Tanya, Floby, Imilo Le chanceux, un clip de Zougnazagda, Alpha Blondy (l’actrice principale d’un clip). Il y en a eu aussi dans le domaine du cinéma.

Certains Burkinabè vous connaissent mais ils sont nombreux ceux qui ne vous connaissent pas encore.

 

Que voulez-vous que ceux qui vous connaissent retiennent de vous et comment vous faire connaître davantage par ceux qui ne vous connaissent pas ?

 

C’est de voir en moi une femme forte qui utilise ses mains pour faire passer des messages, honorer sa culture, tout comme le font les artistes musiciens et autres. J’ai besoin de soutien, de l’accompagnement de tous pour aller loin car sans soutien, je n’y arriverai pas. J’ai encore beaucoup de belles choses  à faire découvrir.

 

Quelle est votre situation matrimoniale ?

Célibataire sans enfant.

 

 Vous êtes donc un cœur à prendre ?

 

(Rires) Comme je ne suis pas encore mariée, je dirais oui.

 

Quel est votre meilleur souvenir depuis que vous faites la coiffure artistique ?

 

Ma première compétition hors du Burkina, précisément en Côte d’Ivoire. Quand je suis arrivée, il y avait tellement de monde, j’étais la seule Burkinabè. Le fait pour moi de quitter mon pays pour aller concourir dans un autre pays, m’a beaucoup marquée. Je peux dire que c’est à partir de là que les gens ont commencé à me connaitre. Dans le domaine de la coiffure artistique, j’ai été la première. C’était énorme !

 

Quel est votre pire souvenir dans le milieu ?

 

Quand je suis partie en Côte d’Ivoire pour la compétition, papa Pathé’O (NDLR : styliste international) m’a contactée et m’a confié qu’il devait venir au Burkina, pour un défilé entrant dans le cadre de la célébration de ses 50 ans de carrière. Il voulait que je coiffe ses mannequins le moment venu. Effectivement, quand il est venu, son équipe m’a contactée et demandé de faire ma facture. Je l’ai faite et je suis allée la déposer. Elle a même été validée. A dix jours de la compétition, étant donné qu’il ne réside pas ici, il a sollicité quelqu’un de très connu dans le milieu au Burkina et même hors du pays et dont je tairai le nom, pour l’aider dans l’organisation du défilé.  Lors des préparatifs, ce dernier a fait savoir qu’il ne me connaissait pas et qu’il travaillait déjà avec quelqu’un d’autre, donc que c’est ce dernier qui ferait le travail. J’ai donc perdu le marché. Cela m’a tellement fait mal que j’ai beaucoup pleuré. Si papa Pathé’O m’a fait appel, c’est parce qu’il sait de quoi je suis capable. Mais dire qu’on ne me connaît pas et pire, sans même me laisser m’exprimer, on me retire le marché, cela m’a beaucoup peinée. Il faut laisser la chance aux jeunes d’éclore. Mais cette année, quand papa Pathé’O  est venu pour son défilé en marge du FESPACO, vu qu’il n’y avait pas d’intermédiaire, j’ai eu le marché.

 

Propos recueillis par Colette DRABO

 

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