Originaire de Garango au Centre-Est du Burkina Faso, Tchiko, à l’Etat civil Bernard Saré, est considéré comme l’un des doyens de la musique burkinabè. Communément appelé le Woody national, c’est en Côte d’Ivoire qu’il débute sa carrière musicale au sein d’un orchestre mis en place par le président Ivoirien feu Felix Houphouët Boigny. Il va côtoyer de célèbres artistes en l’occurrence feu Ernesto Djédjé, Jhon Yalleh, Dan Koochiz, Bally Spinto, Gadji Celi, O’Neil Mala, feux Georges Ouédraogo et Nick Domby.
De retour au bercail, il intègre la formation du Harmony Junior et s’engage dans une carrière solo avec des titres cultes comme « Assouna », « Africa », « Pourquoi », « Wakata taamè » ainsi que des reprises comme « Mounafica ».
A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, l’artiste nous parle de son nouveau maxi intitulé « Espoir », de son quotidien, de ses projets, du SIAO ; il jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè et affirme qu’on ne fait pas assez pour la promotion des artistes. Il aborde également sans détour d’autres sujets croustillants. Lisez plutôt.
Evasion : Comment allez-vous ?
Tchiko : Je me porte à merveille.
Votre actualité est la sortie récente de votre nouveau maxi, pouvez-vous nous parler de cette œuvre ?
Le dernier maxi en date est sorti le 23 avril 2024. Le titre de l’œuvre c’est « Espoir » et parle de l’union, de l’espoir que demain le Burkina Faso sera libéré des mains de ceux qui nous assaillent. Dans la chanson « Espoir », j’ai dit que ce qu’ils ont commencé, nous on va terminer.
Et quels seront les grands projets avec ce maxi ?
D’abord, il faut faire la promotion pour qu’il soit bien connu, c’est ce que nous avons déjà commencé. Dans un avenir proche, nous prévoyons un évènement où je vais jouer en live pour que le public sache qu’on est toujours là.
Depuis le début de votre carrière, beaucoup de promoteurs culturels et des fans ont toujours pensé que vous vivez en Côte d’Ivoire, avez-vous réussi à les rassurer que vous résidez au Burkina Faso ?
Cela a été mon combat. Toutes les fois que j’ai eu l’occasion, je me suis prononcé sur ce sujet. Je tiens à rassurer tout le monde que je ne suis pas un artiste d’ailleurs, je suis du Burkina Faso et je réside à Ouagadougou. Je suis du pays des Hommes intègres, je suis Burkinabè de père et de mère. Vraiment, je ne sais pas pourquoi les gens pensent que je vis hors du pays.
Vous êtes un technicien des routes et le fait d’être désormais à la retraite, peut-on dire que vous avez maintenant tout le temps pour vivre votre passion et pour bien mener votre carrière musicale ?
Le temps me manquait, c’est vrai mais il faut savoir que le nerf de la guerre ce sont les moyens financiers. La retraite veut dire ce que ça veut dire, quand on a une charge familiale, on ne peut pas se permettre de s’éparpiller. Mais comme on le dit, on est toujours dans le mouvement, les moyens suivront et nous verrons comment évoluer.
Vivez-vous de votre art ?
(Il éclate de rire) … Pas vraiment. Si je comptais sur l’argent de mon art, j’allais prendre la clé des champs comme on le dit. Je sais qu’il y a beaucoup d’artistes qui sont dans le même cas que moi ici au Burkina. C’est dommage qu’il n’y ait pas de structures d’accompagnement pour nous les doyens, encore moins pour les jeunes artistes.
Qu’avez-vous à dire à vos fans ?
Je leur demande de continuer à nous supporter et à nous porter dans leur cœur. Je les invite à consommer surtout les œuvres que nous produisons, c’est le combat du Burkina aujourd’hui. On ne fait pas grand-chose pour lancer les artistes chez nous. Pour la petite histoire, quand je venais à cette interview, il y a le nouveau single de Débordo de la Côte d’Ivoire, j’écoutais la chanson sur une radio de la place alors qu’il y a des artistes burkinabè qui sortent leurs albums et qui, malheureusement ne sont même pas joués par ces mêmes radios. Il faut courir derrière les animateurs pour qu’ils diffusent tes chansons, c’est vraiment dommage et vous voyez à quel point c’est décourageant.
Et qu’est ce qui doit être fait dans ce sens ?
C’est de faire connaître nos œuvres auprès des journalistes culturels et mettre une véritable politique culturelle de promotion dans ce sens. On ne dira pas à l’Etat de venir gérer tout ce volet, mais il faut mettre les moyens pour que si un artiste sort un album, que ce soit automatiquement bien joué sur les radios et télévisions. C’est très important.
Avez-vous d’autres projets pour cette année 2024 ?
Le second projet qui me tient à cœur est de trouver les moyens financiers pour réaliser un deuxième clip. J’ai fait une chanson en bissa et je tiens absolument à clipper ça, je suis en pourparlers avec des amis pour son aboutissement.
Vous qui avez beaucoup de connexions au plan international, peut-on s’attendre à d’autres featurings avec des stars de ces pays ?
Oui bien sûr. Il y aura des collaborations dans ce sens. Mais pas seulement avec des artistes d’autres pays, il y a aussi ceux d’ici. Il faut que je fasse également des featurings avec quelques artistes burkinabè. C’est vrai que j’ai beaucoup d’amis au niveau international et surtout du côté de la lagune Ebrié avec qui j’ai commencé la musique et qui sont très bien connus.
Pensez-vous que la musique burkinabè se porte bien ?
Oui on peut le dire ainsi. Il faut reconnaître que les jeunes artistes se battent bien et ont réussi à relever le niveau de la musique burkinabè. Mais c’est la promotion qui fait toujours défaut. Sortir un album n’est pas l’essentiel, le plus dur c’est sa promotion. Et tant qu’il n’y a pas d’accompagnement pour cette promotion, il faut savoir qu’il y a de belles œuvres qui vont mourir.
Quel est votre quotidien ?
En bon vieux retraité, je prends tout le temps avant de me mettre sur pied le matin pour le petit déjeuner et voir comment la journée va évoluer. J’ai des instruments de musique à la maison. Donc, il m’arrive de prendre soit une heure ou plus à jouer au clavier ou à la guitare. Ensuite, je sors voir des amis et il y a le temps des créations de nouvelles chansons.
Quel est votre message à l’endroit de nos lecteurs ?
Je voudrais saluer vos lecteurs parce que ça fait quand même un bon moment que je ne me suis pas prononcé à travers vos colonnes. On est ensemble et je serai toujours proches d’eux. Qu’ils soient également proches de nous afin qu’on se soutienne.
Y a-t-il une approche des jeunes artistes envers les devanciers ?
Malheureusement, ici au Burkina, j’ai remarqué que les jeunes artistes ne font pas beaucoup d’approches envers les doyens pour mieux apprendre et bénéficier de leurs conseils et expériences. C’est un constat que je fais.
Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans la musique ?
Chacun est libre d’embrasser la carrière qu’il veut. On ne peut pas dire à un enfant de ne pas faire ce qu’il aime, le contraindre à autre chose, c’est ça la catastrophe. On n’est pas éternel, donc on ne sera pas là toujours à guider l’enfant.
Nous sommes en plein SIAO, comment vivez-vous vous l’évènement ?
J’y ferai un tour. Selon les images que j’ai vues à la cérémonie d’ouverture avec le président du Faso, je pense que cette année, le SIAO sera encore plus beau que les éditions précédentes.
Qu’avez-vous à dire pour conclure ?
Pour terminer, je vous dis merci, merci au journal Evasion. Vive la musique.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON