Née à Treichville en République de Côte d’Ivoire où elle passa sa petite enfance, c’est à l’âge de 12 ans qu’elle débarque au bercail. Originaire de la localité de Bologo, dans le département de Siglé dans le Centre-Ouest du Burkina Faso, Sylviane Goulois Ouédraogo est une promotrice culturelle et technicienne en tourisme-hôtellerie depuis pratiquement une vingtaine d’années. C’est après avoir travaillé dans plusieurs entreprises dans ce domaine qu’elle a décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat. Directrice de l’espace culturel Yelba, elle est à l’origine de plusieurs initiatives culturelles au Burkina Faso. A travers cette interview exclusive qu’elle a bien voulu nous accorder, elle nous parle de sa passion pour la culture, de ses projets, revient sur les difficultés rencontrées, jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè, aborde sans détour d’autres sujets et lève le voile sur sa situation matrimoniale. Lisez plutôt.
Evasion : Comment allez-vous ?
Sylviane Goulois Ouédraogo : Je vais bien.
D’où vient cette passion pour la culture, l’hôtellerie, la gastronomie et le tourisme ?
J’ai fait des études de tourisme et d’hôtellerie. Déjà à 16 ans, j’ai aimé les tissus et je commençais à confectionner des tenues à base du bogolan. Entre temps, je faisais des défilés de mode. J’aimais tout ce qui était rare, les bijoux, la poterie. Je peux dire que c’est mon père qui m’a inculqué cette passion pour la culture.
Avez-vous rangé cette passion pour la mode ?
Non, pas du tout. J’organise régulièrement des journées culturelles dédiées aux différents groupes ethniques du Burkina dans mon espace Yelba où l’art vestimentaire est présent. Je fais beaucoup d’activités au niveau culturel.
En tant que femme, n’y a-t-il pas eu réticence de la part des parents pour ce choix professionnel ?
Malheureusement, dans notre société, on pense qu’il y a des métiers réservés uniquement aux hommes. Moi, j’ai eu cette chance d’avoir un père qui était ouvert. Il m’a éduquée comme un garçon. Je profite lancer un appel, il faut que les jeunes filles y adhèrent car le tourisme est très important pour le développement d’un pays. Il en est de même pour l’artisanat et la culture. C’est un métier d’excellence et noble.
Après pratiquement 20 ans dans le domaine culturel, n’avez-vous pas un regret d’avoir embrassé ce métier ?
(Elle éclate de rire)… Ah non, je n’ai pas de regret. Au contraire, je veux que l’aventure continue. C’est un métier riche en rencontres. Le Burkina Faso se démarque des autres pays de par son accueil légendaire. J’ai beaucoup voyagé à travers le monde et les gens disent du bien de l’accueil de notre pays.
Quels sont vos grands projets ?
Il y a plein de grands projets en cours. Bientôt, il se tiendra des soirées littéraires dans mon espace, c’est un projet qui me tient à cœur, mais pour l’instant, il y a des choses que je ne vais dévoiler pour l’instant. C’est pour inciter les gens à lire. Je suis dans plusieurs associations à la fois et j’ai même implanté une bibliothèque dans mon village au profit des élèves. Il y a des concerts live en cours, des expositions d’objets d’art et des défilés de mode. Je suis vraiment polyvalente.
Et quels sont vos rapports avec les autres acteurs culturels ?
Ce sont de très bons rapports. On se soutient et on crée des partenariats.
Que rencontrez-vous comme difficultés dans votre domaine d’activités ?
Il y en a plusieurs. Tout ce que je fais c’est sur fonds propre. Donc, ce sont des difficultés d’ordre financiers, je n’ai pas de soutien ni de subvention. Et quand on recherche l’excellence, il y a des hommes qu’il faut savoir gérer avec leurs humeurs. J’ai toute une logistique et il faut également payer tous les techniciens, ce n’est pas facile. Et puis, je descends un peu tard, il faut s’occuper de la famille ce n’est pas simple. Ça grince les dents mais dans toute initiative, il y a le prix à payer.
Pourquoi ne bénéficiez-vous pas de soutien de certaines structures qui disposent des fonds pour ce genre d’activités ?
Peut-être que je ne suis pas bien renseigné, mais je n’ai jamais déposé de dossier dans ce sens. Comme j’ai l’information, je verrai bien si je pourrai bénéficier de ces fonds, ça pourrait être un plus pour pouvoir mieux faire.
Quel est votre quotidien ?
Le matin, il faut faire à manger aux enfants et ensuite les déposer à l’école. Les enfants ont grandi, maintenant, ça va vu que je rentre tard à la maison car c’est autour de 16h que les activités commencent. J’essaie d’être une bonne mère et d’être une bonne épouse.
Peut-on savoir votre situation matrimoniale ?
Je suis mariée et mère de deux enfants.
Que feriez-vous si l’un de vos enfants décide de suivre vos pas dans le domaine culturel ?
Je serais ravie, j’ai essayé de les y emmenés mais ils trouvent que ce n’est pas facile. (Elle éclate de rire)…
Quel est votre regard sur l’évolution de la musique burkinabè ?
Les jeunes ont emboîté le pas du professionnalisme. Mon souhait est que les artistes se concentrent sur le live, moi-même, je suis une promotrice du live. Nos artistes ont besoin d’être compétitifs sur le plan international.
Vivez-vous de votre art ?
Oui, je vis de mon art depuis 20 ans. Il suffit de bien s’organiser.
Qu’avez-vous à dire à nos lecteurs ?
Je souhaite la paix et la cohésion sociale, c’est important pour le développement d’un pays. Il faut qu’on sache qu’au-delà de la politique, nous sommes tous des Burkinabè. Nous n’avons qu’un seul pays qui est beau, nos aïeux nous l’ont légué et nous devons le léguer à la génération future. Le temps que l’on passe sur terre est minime et ce sont les actions que nous menons qui restent.
Votre espace Yelba n’est-il pas élitiste ?
Non, tout sauf cela. J’ai toujours eu ce problème. Les gens pensent que l’espace est réservé aux Européens seulement alors que non. Tout Burkinabè moyen peut y faire un tour du côté de la zone du bois. Moi, j’aime l’art, comme il y a assez de design, les gens pensent que c’est un cadre réservé pour une certaine catégorie de personnes.
Quel est votre mot de la fin ?
Je vous remercie d’avoir fait un choix sur ma modeste personne, cela me touche profondément car je ne savais pas que ce que je faisais aveut un tel impact. Je remercie tous vos lecteurs et votre équipe de rédaction. Je suis disponible pour donner des conseils et des directives aux jeunes qui veulent entreprendre dans ce sens.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON