Tiga Wendwaoga Désiré Ouédraogo, tel est le nom à l’état civil de ce métronome de la musique burkinabè des temps modernes. Auteur de sept albums, Dez Altino s’est fait une place de choix dans la sphère du show-biz ouest-africain. A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder juste après la sortie de son nouvel album « Saaga », une œuvre de quinze titres, l’artiste nous fait l’étalage de la particularité de cette nouvelle sortie discographique, revient sur son quotidien et des souvenirs qui l’ont marqué, jette un regard sur l’évolution de la musique burkinabè et aborde sans détour d’autres sujets. Lisez plutôt !
Evasion : comment allez-vous ?
Dez Altino : je vais très bien, par la grâce de Dieu.
De votre premier album « Bon Dieu » à « Saaga », cela fait sept albums. Pensez-vous avoir atteint les objectifs que vous vous étiez assignés lorsque vous avez commencé votre carrière musicale ?
Satisfait c’est trop dire, mais vous avez constaté que juste après la sortie du septième album « Saaga », la promotion est très bien partie. Le public aime bien l’œuvre, donc je pourrais dire qu’à moitié, les objectifs sont atteints. L’artiste n’est jamais satisfait, on cherche à ce que ce soit plus que ça. Mais je rends grâce à Dieu, je remercie mes fans et tous ceux qui me soutiennent.
En quoi le nouvel album est-il particulier comparativement aux autres productions ?
« Saaga » est encore plus authentique avec plusieurs collaborations. C’est un album de quinze titres, c’est la première fois que je fais autant de chansons sur une même œuvre. Il y a plus de maturité, c’est le résultat d’un travail d’équipe. Il y avait des ingénieurs de son, j’ai travaillé avec trois arrangeurs qui sont Kevinson, Pissi et Petit Jeanot, sous la supervision du maestro Eliezer. Il y a eu également plus de rythmiques et un brassage avec d’autres cultures. Et c’est ce qui fait la différence avec les autres albums.
Comment s’est fait le choix des artistes qui se sont retrouvés en featuring sur ce nouvel album ?
Il y a Greg, c’est un artiste que j’aime bien et en studio le choix s’est porté sur lui pour rentrer dans l’univers de son style. Il y a Imilo qui fait du coupé décalé et j’ai voulu également faire une fusion de ma musique avec la sienne.
Il y a eu au paravent des collaborations avec des artistes d’ailleurs comme Djénéba Seck du Mali et Lady Ponce du Cameroun. Qu’en est-il de cette démarche dans cette nouvelle sortie discographique ?
J’ai déjà fait aussi d’autres collaborations avec des artistes d’autres pays, mais qui ne figurent pas sur le nouvel opus. J’aime le travail bien fait ; après « Saaga », il y aura de belles surprises.
Vous occupez une place de choix dans la sphère musicale ouest-africaine ; mais qu’en est-il véritablement de la conquête de la scène internationale ?
Mon objectif est d’aller au-delà des frontières d’Afrique et conquérir le monde entier. Il y a un travail de fond qui doit être fait dans ce sens et nous sommes dans cette dynamique. Il suffit de rencontrer la bonne personne au bon moment. C’est vrai, nous faisons déjà des sorties mais ce n’est pas suffisant. Nous avons envie d’aller jouer au Bataclan, à l’Olympia ou à Bercy comme le font d’autres artistes. Vous savez, la musique tradimoderne n’est pas universelle et il est difficile de conquérir certaines scènes, mais nous avons espoir que cela sera bientôt possible car je sens que c’est en train de venir.
Vous avez des chansons en acoustique qui plaisent bien ; pourquoi n’avoir pas essayé également la conquête du marché mondial avec ce style musical ?
Oui j’ai déjà pensé à cette option. Je travaille en live pour des versions acoustiques. Je pense que bientôt je vais sortir un album de cette version.
Quel est votre regard sur l’évolution de la musique burkinabè ?
Je pense qu’il y a une nette amélioration. Aujourd’hui, nous avons des ingénieurs de son et des arrangeurs doués qui peuvent se comparer aux autres dans le monde entier. En matière de qualité de son, il y a beaucoup d’artistes d’ailleurs qui viennent au Burkina pour le mastering et la finition des albums. Nous avons des clips qui peuvent compétir avec ceux de n’importe quel pays. Selon moi c’est ça l’évolution.
Après 17 ans de carrière, allez-vous procéder à une commémoration ou allez-vous attendre les 20 ans ?
Actuellement, nous allons sillonner plusieurs grandes villes pour venir terminer à Ouagadougou avec un grand concert. Les fans patientent depuis cinq ans, on fera donc le tour pour leur dire merci. Je pense qu’on pourra faire une commémoration pour les 20 ans de carrière car nous l’avons fait pour les 10 ans.
Quels sont les souvenirs qui vous ont le plus marqué de toutes vos sorties au plan national et international ?
C’est quand je suis allé seul aux USA en 2013. J’ai vu une communauté qui était très mobilisée et des dollars qui pleuvaient sur moi. Cela m’a beaucoup marqué et c’est au cours de cette même année que j’ai reçu plusieurs trophées au Burkina dont le Kundé d’Or.
Vous tendez également la perche aux jeunes talents au niveau de la production, qui est votre nouvelle trouvaille. Comment s’est faite la rencontre ?
Elle s’appelle Jorima, c’est la future star. Elle était une choriste avec moi et j’ai constaté qu’elle avait des chansons mais qui n’étaient pas bien agencées. Elle chantait en live dans mon bistrot et j’ai décidé de lui tendre la perche. Nous avons déjà lancé deux singles et je constate que ça commence à aller. Nous avons besoin du soutien de tout le monde. Il y a beaucoup de jeunes artistes qui ont du talent et qui ont besoin de notre soutien.
Qu’avez-vous à dire à vos fans ?
Je leur dis merci pour le soutien et pour tout ce qu’ils font pour moi. Depuis 17 ans, ils sont restés à mes côtés et au fil des années, ils deviennent de plus en plus nombreux. Cela me va droit au cœur.
Vous avez de nombreux investissements. Entre la musique et les affaires, quel est votre quotidien ?
(Eclat de rires). Je suis tout le temps dans la musique. C’est vrai qu’il y a le business, mais il ne vient pas dominer ma musique. Il y a des gens qui sont chargés de gérer le volet affaires. J’ai un studio d’enregistrement et un studio live où je travaille régulièrement. Quand je suis libre, je fais du sport et j’écoute les informations.
Qu’est-ce qui justifie vos actions caritatives envers les personnes démunies ?
Ce n’est pas parce que je suis aisé, ces personnes sont également mes fans. Que ce soit les déplacés internes ou ceux qui n’ont pas les moyens, on essaie de faire ce qu’on peut pour eux. Pour moi c’est tout à fait naturel.
Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos pas dans la musique ?
Moi je ne vois pas de souci. Je vais lui donner des orientations.
Qu’avez-vous à dire pour conclure ?
Je vous dis merci, ainsi qu’à toute l’équipe de votre rédaction et je souhaite la paix véritable pour le Burkina Faso. J’ai chanté FDS pour ça.
Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON