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CHOCHO, HOMME DE THEATRE, ACTEUR DE CINEMA: « Il y a eu des films où j’ai été payé à un million de F CFA par jour »

Passionné de théâtre depuis la tendre enfance, Joseph Baowendpouiré Tapsoba dit Chocho, s’est très vite illustré au cinéma et figure parmi les acteurs en tête de peloton du 7e art burkinabè. « Quand les éléphants se battent », « Code Phenix », « Dossier brûlant », « Le neveu de l’homme fort », « Traque à Ouaga », « L’or de Younga », « Trois hommes un village », « Commissariat de Tampy », « Affaires publiques », tels sont, entre autres, les films dans lesquels l’acteur a joué.

A travers cette interview qu’il a bien voulu nous accorder au sein de son centre culturel « Théâtre de l’Aube » sis au quartier Karpala de Ouagadougou, ce détenteur d’une maîtrise en droit nous fait un bilan de son parcours, jette un regard critique sur le cinéma burkinabè, lève le voile sur son départ de la série « Affaires publiques » et aborde sans détour d’autres sujets, notamment ses cachets en affirmant qu’il y a eu des films où il a été payé à un million de F CFA par jour. Lisez plutôt.

 Evasion : comment allez-vous ?

 

Chocho : salut, je vais très bien.

 

Tout d’abord avec le regard dans le rétroviseur, quel bilan faites-vous de votre vie de théâtre ?

 

C’est une vie de théâtre parsemée de divers évènements. Tout a commencé au théâtre et ensuite au centre culturel « Théâtre de l’Aube » que j’ai créé parce qu’à l’aube de la vie, c’est par cette discipline que j’ai débuté ; voila pourquoi l’idée de créer ce centre culturel pour permettre à la jeunesse de se former et aussi de pouvoir exprimer son talent. Depuis ce temps jusqu’aujourd’hui, j’ai fait beaucoup de choses mais le cinéma est venu prendre la tête. Le cinéma va partout, voilà pourquoi il a occupé la place. Mais en dehors de tout ça, on n’oublie pas d’autres volets.

 

Après plus de 20 ans dans le cinéma, comment vous sentez-vous dans ce 7e art ?

 

Depuis 1998, j’ai joué dans des films ; à ce moment, on me faisait appel et c’était sans contrat. Donc, c’est en gros 27 ans dans le cinéma, mais comme vous le dites, les grands rôles ont commencé il y a 21 ans. Aujourd’hui, le cinéma nous a abandonnés. Aujourd’hui, tant qu’un cinéaste ne t’appelle pas, tu ne joues pas, quel que soit ton talent.

 

Vu votre carrure, en temps normal, vous ne devriez pas chômer ; qu’est-ce qui peut justifier cela ?

 

Si vous remarquez, les grands cinéastes burkinabè ne tournent plus parce qu’ils n’ont pas les financements adéquats pour le faire. Et ceux qui ont les financements sont ceux qui ont peu travaillé avec ces cinéastes mais qui, dans leur tête, veulent qu’on dise que ce sont eux qui ont créé ceci ou cela. Donc, chacun se bat avec son ego qu’il est un grand réalisateur. Avec Dany Kouyaté, nous avons bien travaillé ; Dieu merci nous avons eu l’Etalon d’Or de Yennega. Quand vous voyez les jeunes réalisateurs, ils ont des financements mais ils ne nous appellent jamais.

 

Et pourquoi cela ?

 

Ils se disent que nous coûtons cher. Mais il faut qu’ils viennent vers nous d’abord au lieu de nous juger sans nous approcher. Si je prends l’exemple de la série « Affaires publiques », il y a des choses dans les coulisses que les gens ne savent pas. Nous avons encadré tous les nouveaux qui sont venus jouer dans cette série, sans être payés pour ça. Nous avons aidé le scénariste à développer des idées, c’est pour cela que ça cartonne. Même pour la série « Commissariat de Tampy », c’était pareil. Si vous remarquez, à partir de la quatrième saison, ils ne veulent pas revoir les conditions. Nous avons dit ok mais au moins, il faut une assurance. Il n’y avait aucune assurance pendant le tournage quand je jouais dans la série « Affaires publiques ». Donc, si tu tombes malade c’est ton problème, si tu te blesses à vie, tu n’as plus de boulot. Et quand on demande ce minimum, ils nous disent qu’ils n’ont pas l’habitude de le faire.

 

Et quelle est la suite avec la série « Affaires publiques » ?

 

Ils ont fini par nous remplacer. Mais ils veulent reprendre la cinquième et la sixième saison, ils m’ont contacté pour me demander si, dans le principe, ça me plairait de revenir pour qu’on travaille ensemble, et je leur ai dit que je ne les ai jamais abandonnés. Je leur ai dis qu’il n’y a pas de souci pour le principe ; lors d’une rencontre, je leur ai même donné des conseils. Je leur ai dit qu’avec eux, quand on joue, on ne sait pas c’est pour combien d’épisodes on joue. Quand on fait partie des acteurs principaux, normalement, on doit jouer dans tous les épisodes.

 

Qu’en est-il des conditions actuelles pour cette série ?

 

Ils ont dit qu’ils ont augmenté les cachets, que pour la nouvelle saison, ils ont ajouté un peu.

 

A combien étaient les cachets pour « Affaires publiques » ?

 

Nous avons commencé avec 25 000 F CFA par épisode et vous avez trois jours pour un épisode. Moi, je mettais 10 000 F CFA de carburant par jour. Donc, je dépensais 30 000 F CFA en carburant pour aller toucher 25 000 F CFA. Ensuite, le cachet est allé à 30 000 F CFA. Nous avons parlé et ils ont augmenté un peu. En fonction des séquences, certains avaient 50 000 F CFA ou 60 000 F CFA, mais ça ne pouvait pas dépasser ça.

 

Qu’en est-il du nouveau contrat ?

 

Ils m’ont dit qu’ils sont en train de faire à 75 000 F CFA pour tout le monde par épisode et ce sera trois jours pour un épisode. Moi je leur ai dit que si ce n’est pas 250 000 F CFA par épisode, je ne joue pas ; mais je leur ai aussi dit qu’au regard des conditions actuelles du pays, je peux diminuer et leur ai demandé de me faire une proposition. Depuis, ils ne sont plus jamais revenus. Ils ont commencé à tourner sans même m’informer, ils ne m’ont plus jamais appelé. Vous voyez, après, c’est pour dire que c’est nous qui sommes compliqués. Si vous prenez une série comme « Affaires publiques » qui est financée par l’Etat, nous connaissons les choses. De la première à la quatrième saison, nous avons eu vent de tout et avons vu comment c’était géré. Moi j’ai travaillé avec Kadi Traoré, une jeune réalisatrice qui n’avait pas les moyens, mais dans sa série, j’étais à 100 000 F CFA par épisode. Vous voyez, quand vous acceptez des miettes et à partir d’un certain moment, on vous dit de continuer de manger des miettes, je suis désolé. Je ne suis pas compliqué puisqu’ils ne m’ont pas fait de retour.

 

Le public va constater votre absence dans la nouvelle saison de « Affaires publiques » et va se poser des questions ; peut-on s’attendre à ce que vous rejoigniez l’équipe ?

 

Sans vous mentir, moi ça ne me dit plus rien. Je n’ai plus le temps. Ils ont quatre mois de tournage, moi je ne vais plus rentrer dedans. Moi, j’ai changé mon programme, je ne serai plus jamais de la partie.

 

Etes-vous fâché ?

 

Non, je ne suis pas fâché, mais c’est un principe. J’ai un autre projet et je n’aurai pas le temps.

 

Quel est ce nouveau projet ?

 

Je suis dans l’environnement et c’est depuis 25 ans que j’y suis. Je fais des jardins botaniques. Donc, je suis sur comment reverdir mon pays. Dans le cinéma, tu dépends de quelqu’un et dans ce projet, je ne dépends de personne, je dépends de Dieu et de bonnes volontés qui aspirent au développement de notre pays à travers l’environnement afin qu’on sauve la planète.

 

Qu’avez-vous à dire à vos fans qui auraient aimé toujours vous voir à la télé ?

 

C’est à eux de savoir écouter les gens sur les réseaux sociaux. On vous qualifie de quelque chose que vous n’êtes pas. Même Moussa Sourgou qui est DG DEGAF dans « Affaires publiques » n’a pas été appelé dans la nouvelle saison. J’ai entendu des propos infondés le concernant. Je suis dans les spots publicitaires ; déjà, ça c’est très important. Mon souhait est que le cinéma burkinabè se développe. Je suis réalisateur, je fais des documentaires et être derrière la caméra est très intéressant parce que tu n’as pas de stress.

 

A quand votre long métrage en tant que réalisateur ?

 

Ça ce n’est pas dans mon programme parce que je n’aime pas la fiction. Gérer un long métrage c’est vieillir en un jour. J’adore le cinéma pour m’exprimer en tant qu’acteur, voilà pourquoi j’ai joué dans des films. Vous prenez un film comme Katanga qui a coûté plus de 600 millions de F CFA , au Burkina. Je me demande qui va nous donner cette somme nous autres-là. Voilà, quand je fais mon festival, personne ne me soutient et vous voulez que je me mette dans ces centaines de millions de francs ? Non non. Je pense que le nouveau chemin que j’ai pris, sera très utile pour mon pays.

 

Serez-vous prêt à signer avec d’autres réalisateurs ?

 

Ça dépend, si on s’entend, je joue.

 

N’avez-vous pas de contrat avec des cinéastes au niveau international ?

 

J’ai beaucoup de contacts au plan international ; je joue dans beaucoup de films, mais je priorise, ces temps-ci, tout ce qui se passe dans mon pays.

 

 

« Le cinéma burkinabè ne m’a pas nourri »

 

Peut-on dire que le cinéma vous a nourri ?

 

Le cinéma burkinabè ne m’a pas nourri. Si je calcule tous les cachets des films où j’ai joué au Burkina, ça ne peut pas acheter la voiture avec laquelle je roule présentement, mais le cinéma au niveau international m’a nourri.

 

Quelle a été votre plus gros cachet dans le cinéma ?

 

(Eclat de rire) … C’est 500 000 F CFA dans un long métrage burkinabè et au niveau international, ce sont des millions de francs CFA. Au Burkina, j’ai joué dans des films où j’étais payé à 250 000 F CFA par jour et cela durant quarante cinq jours. Il y a eu des films où j’ai été payé à un million de F CFA par jour pendant juste trois jours ; tout ça c’est hors du pays. Mais depuis 2019, j’ai refusé de voyager loin du pays.

 

Et le théâtre ?

 

Ah oui, le théâtre m’a le plus nourri.

 

Finalement, qui se sucre dans le cinéma au détriment des acteurs ?

 

Ce sont les producteurs. Au Burkina Faso, il n’y a pas de producteur. Le réalisateur est en même temps le producteur, le réalisateur, le distributeur. Ce qui fait que nos films ne tournent pas beaucoup. Et quand vous repartez au niveau du droit d’auteur, il n’y a rien, c’est le droit voisin et là-bas aussi, tu ne peux même pas avoir 500 000 F CFA l’année, pourtant vos images sont partout.

 

Que feriez-vous si l’un de vos enfants décidait de suivre vos traces dans le cinéma ?

 

Mes enfants ont commencé à y jouer depuis tout-petits. Ils sont libres. Ils ont joué dans des films avec des réalisateurs burkinabè et étrangers. Il faut savoir les canaliser.

 

Vous êtes titulaire d’une maîtrise en droit, avez-vous rangé ce parchemin ?

 

Beaucoup disent que Chocho est juriste ; il faut savoir tout simplement que je suis professeur de droit. Je donne des cours sur le droit, la législation du travail. J’aime rester dans l’ombre sur cette question.

 

Votre sport favori est le golf que vous pratiquez et pourtant, il semble que c’est un sport de riches.

 

Non, c’est un sport complet. N’importe qui peut jouer au golf. C’est parce qu’on ne peut pas créer un terrain de golf dans nos six mètres comparativement au football. Au golf, si vous voulez faire un bon parcours de dix-huit trous, il vous faut au moins 55 à 80 ou 100 hectares ; il y a des golfs qui occupent 300 hectares.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Quand vous voulez soutenir l’art, il faut le faire franchement. Quand vous prenez le cinéma américain, c’est l’Etat américain qui donne tout pour montrer leur puissance, c’est dans ce sens que Hollywood a été créé. Et je crois que les sociétés doivent accompagner notre Etat pour que tout se passe bien. Merci à vous et toute l’équipe des Editions « Le Pays » et que Dieu donne la puissance, la force et les moyens à nos dirigeants pour soutenir tous les domaines culturels et aider la jeunesse à voir la vie en rose.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

Légende

 

Le théâtre m’a le plus nourri.

 

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