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AMITY MERIA, ARTISTE- MUSICIENNE: « Il y a de grands talents qui méritent d’être mis en lumière »

 

Couramment appelée la Diva, Amity Meria est une voix sûre de la musique africaine qui traverse le temps et l’espace. Une trentaine d’années de carrière couronnée d’albums à succès, de trophées tant au plan national qu’international. A travers cette interview qu’elle a bien voulu nous accorder, l’artiste nous parle de sa toute première rencontre avec Aïcha Koné, de « Yankaw » son dernier album en date sur le marché du disque, jette un regard critique sur l’évolution de la musique burkinabè en affirmant qu’il y a de grands talents qui méritent d’être valorisés. Elle aborde sans détour d’autres sujets croustillants et lève le voile sur son prochain album en cours. Lisez plutôt.

 

Evasion : Comment allez-vous ?

 

Amity Meria : Ça va, je vais bien et j’espère de même chez vous.

 

Qu’en est-il de « Yankaw » qui est votre dernier album en date sur le marché du disque ?

 

Cela fait presque deux ans qu’il est sorti. Du point de vue des professionnels, c’est un album de très belle facture, on a mis tellement de temps à le préparer, on a mis tous les moyens qu’il fallait pour le réaliser en espérant que ça fasse un boom. Mais malheureusement, à notre grande surprise, malgré quelques contrats de diffusion avec quelques médias, nous n’avons pas eu le retour qu’il fallait. Et c’est l’occasion pour moi d’inviter encore les mélomanes à aller écouter l’album « Yankaw » qui comporte dix titres, un album très riche et ça je le dois à tous les techniciens et musiciens, un album techniquement propre avec des thèmes assez profonds qui donnent à réfléchir, qui touchent la sensibilité humaine.

 

Chaque album a son histoire, il y en a qui cartonne juste dès la sortie et d’autres émergent après une ou deux années. Qu’est-ce qui peut justifier cela ?

 

Je pense que les temps ont changé. A certains moments, les radios étaient très écoutées ainsi que les télévisions. Et tout baignait. A un moment donné, internet est venu et tout a changé. Le nombre de presse et de télévisions en ligne a multiplié par cent. Partout chacun crée sa chaîne. Aujourd’hui, créer sa propre chaîne de télévision en ligne est devenu tellement facile, ce qui fait que la promotion est devenue très difficile. Pour un artiste de ma génération qui n’est pas née dans internet et qui essaie de suivre comme il peut, je crois que tout cela joue en notre défaveur.

 

Ne pensez-vous pas que le public aussi a changé de goût musical, beaucoup plus basé sur de nouvelles tendances ?

 

Il paraît que les jeunes disent qu’ils n’ont plus le temps de trop réfléchir sur la musique, de tirer les substances des messages mais j’espère que ce ne sont pas tous les jeunes parce que le message aussi est important. La voix que l’on pose est très importante, il faut que les jeunes essaient de mettre un peu d’eau dans leur vin pour avoir plus de sensibilité en eux, plus de profondeur en eux et pour être plus humain. L’un dans l’autre, ça fera d’eux, des personnes plus avisées et plus réceptives.

 

Voulez-vous dire qu’il faudra attendre encore des années pour la sortie de votre prochain album ?

 

(Elle éclate de rire) … Non pas du tout. Au contraire, ces mêmes jeunes sont venus me voir plusieurs fois que ma voix leur manque, voilà un peu le paradoxe. Pour le moment, je ne vais pas dire leurs noms, ils ont décidé que je revienne sur la scène. Ça m’a beaucoup touchée, ça veut dire que j’ai peut-être compté pour eux ou peut-être que je continue de compter pour eux. Et ça m’a fait un baume au cœur. Donc nous sommes sur un projet qu’ils ont décidé de financer du début jusqu’à la fin, c’est un projet d’album. Je sais ce qu’ils aiment, nous allons diviser la poire en deux. Ces jeunes me demandent de « Roukass-kasser », donc c’est ce que je vais essayer de faire et en même temps profiter glisser ce que je suis aussi et ce que j’aime aussi tout en tenant compte de ce qu’ils aiment. Ça sera une autre forme d’album et moi-même je suis pressée de découvrir. Déjà, ça me donne du baume au cœur et je suis décidée à réussir ce chalenge.

 

Vous étiez récemment au Nebraska aux USA. De quel projet était-il question ?

 

J’avais été invitée par la communauté burkinabè pour un gala, ça s’est très bien passé.

 

Des USA, vous continuez à Abidjan pour les 50 ans de la Mama Aïcha Koné. Comment avez-vous vécu cette célébration ?

 

La maman m’a appelée, elle m’a dit simplement qu’elle souhaitait que je sois à ses 50 ans de carrière musicale et donc je n’ai pas du tout hésité parce que c’est une maman qui m’a bercée depuis toute jeune. C’est une des artistes que j’apprécie particulièrement depuis très longtemps. Elle a de très belles mélodies que je dirais intemporelles. Donc c’était un honneur pour moi d’aller participer à cette fête.

 

Quels sont les rapports qui vous lient à Aïcha Koné ?

 

Ce sont des rapports de mère à fille. Je me rappelle la première fois que j’ai eu l’occasion de la rencontrer, c’était à Abidjan au tout début de ma carrière, je revois les images comme si c’était hier. C’est par l’entremise d’un grand frère du Burkina qui était en mission là-bas. Il a tout fait pour que je puisse la rencontrer. Il n’y avait pas vos histoires de téléphones portables, donc on s’est donné rendez-vous devant la RTI. Je n’ai pas pu dormir la veille, donc très tôt le matin, je me suis apprêtée et me suis dit que c’est le grand jour, je vais rencontrer la maman Aïcha Koné. Quand elle est arrivée, elle est sortie toute simple, toute naturelle et ça m’a marquée. On est allé chez elle à la maison, ce sont des moments inoubliables. Dieu m’a fait grâce, je suis à 30 ans de carrière.

 

Quel est votre secret pour être toujours aussi belle et débordante d’énergie ?

 

(Elle éclate de rire) … C’est la passion. Je crois que c’est la passion qui m’a emmenée dans la musique. Donc quand on embrasse une carrière par passion, je crois qu’on ne peut que foncer et cette passion qui est là comme au premier jour, c’est ce qui me permet de tenir jusqu’aujourd’hui.

 

Quelle est selon vous, l’impact de l’insécurité sur la musique ?

                                                                           

Kerson, vous-même vous le savez. Je fais partie des artistes qui organisaient chaque année une tournée à l’intérieur du Burkina. Je cherchais mes sponsors et mes mécènes, vous-même, vous m’avez souvent accompagnée, vous voyez comment c’était intéressant. Mais depuis presqu’une bonne dizaine d’années, je n’arrive plus à avoir ces scènes à l’intérieur du pays. En tant qu’artiste, ça me pénalise, ce n’est pas facile et je prie Dieu pour que le Burkina puisse retrouver très rapidement la paix et que nous puissions redémarrer ces belles tournées et qui nous manquent.

 

Quel regard critique jetez-vous sur l’évolution de la musique burkinabè ?

 

Je trouve qu’il y a de grands talents qui méritent d’être mis en lumière. Mais malheureusement, c’est la promotion qui s’avère très difficile quand on n’a pas les moyens. Par exemple pour l’album que je suis en train de faire, je pense que je dois associer trois ou quatre fois plus de financement pour la promotion. C’est une nécessité. J’écoute beaucoup la musique des artistes de la jeune génération.

 

En plus de la musique, vous gérez votre propre espace culturel dénommé « Cœur de Diva », qu’en est-il de ce projet ?

 

Ça va, l’espace est à la disposition des artistes et tout le monde le sait. Nous avons une scène, du matériel et toutes les commodités pour un bon concert live. Des artistes y viennent pour leurs projets.  J’ai voulu faire de cet espace une école aussi pour ceux qui veulent s’essayer au live ou pour ceux qui ont leurs évènements. C’est ma manière d’apporter ma petite pierre à l’édification de la nation en matière de culture.

 

Au-delà de l’album en cours, quels sont vos autres projets ?

 

Je crois que le projet d’abord c’est l’album et par la suite, si c’est possible, les tournées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

 

A quand la sortie de ce prochain album ?

 

Généralement, je n’aime pas donner de date précise parce qu’on peut faire une chanson et puis quelques mois après, on a envie de changer telle chose ou bien de tout casser pour recommencer. Quand ça sera bien cuit comme on l’aurait souhaité, ça va sortir par la grâce de Dieu.

 

Qu’avez-vous à dire à vos fans ?

 

Je leur dis merci pour leurs soutiens pendant toutes ces longues années. Sans eux, peut-être que je n’allais pas pouvoir tenir.  Je leur dis infiniment merci pour cela.

 

Parlant justement de fans, vous avez reçu une voiture toute neuve d’un fan du Mali. Comment avez-vous accueilli ce cadeau ?

 

C’était en même temps une belle surprise, je me suis sentie honorée par ce cadeau qui vient d’un autre pays. Je l’ai accueilli avec beaucoup de joie et d’humilité.  Ça veut dire que je dois encore continuer à chanter.

 

Qui est ce donateur ?

 

Il s’agit de Mr Seydou Natoumé qui est un opérateur économique du Mali, il est très sensible à tous ce qui est art et musique.  C’est un fan qui a toujours aimé ma musique et qui voulait me le montrer et me dire que depuis le début, il écoute mes chansons, et ça c’est vraiment réconfortant.

 

N’est-ce pas un message fort à l’endroit des fans du Burkina ?

 

Il y a un adage qui dit qu’on n’est jamais prophète chez soi. Mais les fans du Burkina ont toujours été présents également. J’ai reçu beaucoup de choses aussi d’eux. Je dis merci à ceux du Burkina, d’Afrique, de la diaspora et à tous ceux qui aiment ma musique dans le monde.

 

Qu’avez-vous à dire pour conclure ?

 

Je vous dis merci pour avoir pensé à moi pour cette interview. Je dis merci à la presse qui continue de me soutenir. C’est la même famille.

 

Propos recueillis et transcrits par Aboubakar Kéré KERSON

 

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